«Soyons clairs, nous avons pu dire librement la parole des personnes divorcées-remariée que nous portions et pour laquelle nous avons été invités au synode. Nous avons été écoutés. Avons-nous été entendus?», se demandent Christian et Nathalie Mignonat, le couple coordinateur des Equipes Reliance. Ils évoquent les bonnes conditions de dialogue et les pères synodaux – ils ne les nommeront pas – qui sont venus vers eux pour les encourager et les féliciter, lors des pauses. «Nous avons même pu distribuer une information aux uns et aux autres», explique Nathalie.
Pas d’enthousiasme démesuré dans le propos cependant. Les époux, qui ont le souci d’expliquer leur démarche, reviennent sur l’expérience unique qu’ils viennent de vivre tout au long de ces trois semaines de synode. La diversité de nationalités et de cultures du «circulus» dont ils faisaient partie, un des trois groupes francophones, leur a permis de «mesurer les décalages culturels et de mieux comprendre comment des préoccupations qui existent en Europe ne peuvent pas exister ailleurs et inversement», explique Christian Mignonat, faisant allusion à la polygamie et aux divorcés-remariés.
Développant leur pensée, les Mignonat explique que l’analyse fut progressive mais quelles que soient les différences, «quand le pasteur veut vraiment transmettre la miséricorde de Dieu, il est bloqué à cause de la discipline. On trouve donc des similitudes de situations pour des problématiques différentes», argumentent-ils. «C’est là où nous pouvons cheminer ensemble et trouver un dénominateur commun». Nathalie explique qu’une femme musulmane appartenant à une famille polygame ne peut prétendre au baptême, en cas de conversion, sa situation n’étant pas conforme au droit canon. Il en va de même pour des divorcés-remariés cheminant vers le baptême qu’ils ne pourront pas recevoir.
Avaient-ils un espoir d’ouverture de l’Eglise vis-à-vis des divorcés-remariés? Ni espoir, ni apriori puisque toutes les positions s’étaient exprimées dans l’entre-synode, parfois de façon très marquée. «Nous sommes arrivés libres, avec un esprit d’écoute puisque nous étions des auditeurs et c’est ce que voulait le pape, même, si nous le savions, les attentes étaient fortes». Las, les pères synodaux sont une majorité à opter pour le statu quo concernant les divorcés-remariés.
Selon Christian, il faut clarifier le rapport doctrine/discipline. «Je pense que certains veulent entretenir la confusion sur ce plan. La doctrine, explique-t-il, parle de l’indissolubilité du mariage, sur laquelle tout le monde est d’accord, y compris les personnes divorcées-remariées, qui sont conscientes qu’elles ont rompu leur engagement». «On parle ensuite d’une discipline sacramentaire qui est donc l’exclusion de tous les sacrements. On fait, à mon sens, l’amalgame entre doctrine et discipline», insiste Christian Mignonat.
La décentralisation «salutaire» voulue par le pape donne, mieux que de l’espoir, une bonne piste de réflexion. «Cette décentralisation a été reçue avec enthousiasme par un certain nombre d’évêques. Cela pourrait donner une certaine souplesse et surtout responsabiliser les évêques. Une souplesse qui permettrait, dans la communion et l’unité de l’Eglise, d’aborder les problématiques locales de la façon la plus appropriée». «L’enjeu, pour le couple, est avant tout d’évangéliser et de rejoindre les personnes pour le salut des âmes». Certains pères synodaux y voient la fin de l’Eglise universelle. «Plutôt qu’un chemin de pénitence, comme c’est le cas chez les orthodoxes, nous souhaitons que l’Eglise accompagne les personnes divorcées-remariées dans une démarche chrétienne de discernement», argumente Christian pour qui la personne doit savoir où elle se situe dans sa vie conjugale et familiale. «Et puis nous nous adressons à une population particulière, déjà dans une démarche spirituelle et qui a une vie en église».
Le couple relève que le pape François n’a pas innové sur ces divorcés-remariés. En 1981, dans son Exhortation apostolique Familiaris Consortio, (No 84), déjà le pape Jean-Paul II, exhortait «chaleureusement les pasteurs et la communauté des fidèles dans son ensemble à aider les divorcés remariés». »On ne s’est pas intéressé aux causes du blocage, on a dit ‘il faut le faire’ il y a trente ans et il faut toujours le faire aujourd’hui. On ne s’est pas posé la question de savoir pourquoi on n’a pas entrepris ces démarches», déplorent les époux Mignonat.
A ce jour, l’essentiel, pour Christian et Nathalie Mignonat, se trouve dans la démarche de synodalité, voulue par le pape, qui représente. «le véritable espoir». «Ces trois semaines écoulées ont sans aucun doute été la première expérience d’Eglise synodale. Elle reste à poursuivre pour demeurer dans ce ‘marcher ensemble’, c’est-à-dire admettre que l’on puisse progresser dans des réflexions qui relève de la préoccupation de l’autre. Cela nous permettra de progresser et de faire évoluer les préjugés», explique Christian. «Il fallait commencer par apprendre à s’écouter et à marcher ensemble. Ce sera le fruit essentiel de ce synode. «Le pape a eu l’idée de faire une église synodale et tout le monde doit se mettre en route dans cette église synodale», conclut le couple.
Encadré
Les équipes Reliance
Les Equipes «Reliance», issues des Equipes Notre-Dame (END) fondées par le Père Caffarel en 1947, ont été créées il y a treize ans, suite au souhait souvent réitéré du pape Jean Paul II de garder les couples-divorcés remariés au sein de l’Eglise. «Avec une grande charité, tous feront en sorte qu’ils ne se sentent pas séparés de l’Eglise, car ils peuvent et même ils doivent, comme baptisés, participer à sa vie», avait dit le pape, en 1981, dans son Exhortation apostolique Familiaris consortio. Il l’avait redit en 1997 et en 2003 lors de rencontres avec les END.
Les équipes Reliance fonctionnent sur le même principe que les Equipes END. Un groupe composé d’un couple marié, de couples divorcés-remariés et d’un conseiller spirituel cheminent ensemble tout au long de rencontres où ils peuvent partager leur expérience.
Actuellement, les Equipes Reliance comptent treize équipes en France. Christian et Nathalie Mignonat ont plusieurs fois rencontré les responsables régionaux des END en Suisse mais le mouvement n’a pas encore essaimé en Romandie. (apic/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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