Divorcés remariés: L’Eglise pas encore «mûre» pour une réponse satisfaisante, affirme Mgr Durocher

Rome, 22.10.2015 (cath.ch-apic) Au terme de trois semaines de labeur, les participants au Synode des évêques sur la famille vont se prononcer à huis clos sur le document final du synode élaboré à partir des travaux des 13 «Circuli minores». Le point sur l’accès à la communion pour les divorcés remariés, avec l’évêque canadien Paul-André Durocher.

Mgr Paul-André Durocher, archevêque de Gatineau et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, fut l’un des rapporteurs d’un groupe francophone. Il explique à I.MEDIA combien les pères synodaux ont manqué de temps pour approfondir correctement la question de l’accès à la communion pour les divorcés remariés.

Les pères synodaux ont cependant dit «des choses importantes» pour reconnaître par exemple «la vie de grâce» des couples remariés civilement ou leur permettre de mieux participer aux activités paroissiales. Pour lui, ce synode a permis une «vraie reconnaissance» de ces personnes, qui «n’existait pas avant».

Q: Après avoir achevé la rédaction du dernier rapport de votre groupe, comment vous sentez-vous?

Mgr Durocher: Je ressens surtout de la fatigue ! Ce furent trois semaines incroyablement intenses au niveau de l’écoute, du dialogue, de la grande diversité des milieux dont nous provenons, et de la rédaction. Essayer de rédiger un texte ensemble, contrairement à ce qui se faisait dans les synodes les plus récents, je trouve que c’est un travail disons… osé, dans sa complexité !

Tout le monde s’en rend compte au bout de trois semaines: c’est un travail immense en termes d’attentes, tant au niveau de la thématique si vaste, qu’au niveau des compétences exigées, et aussi au niveau du temps restreint qui nous est donné. Pour faire aussi bien qu’on aurait voulu, il aurait fallu plus de temps entre les deux synodes pour approfondir des questions d’exégèse, d’ecclésiologie, de théologie morale, sacramentelle, etc.

Q: Pensez-vous alors que le synode va se prolonger sous d’autres formes ces prochains mois ? Certains suggèrent par exemple la mise en place d’une commission post synodale pour approfondir la question de l’accès aux sacrements pour les divorcés remariés.

Mgr Durocher: C’est inévitable. Le but d’un synode n’est pas de prendre des décisions. La nature du synode, comme le pape l’a rappelé, c’est de réfléchir ensemble sur une question avec le pape, d’échanger nos points de vue. Certains suggèrent d’ailleurs dans ces rapports de groupe de bien expliquer, dans le titre du rapport final, que ce sur quoi nous travaillons n’est pas un texte final destiné au peuple de Dieu, mais plutôt un texte de réflexion que nous remettons au pape.

Cela explique le statut inachevé – dans le bon sens du terme – d’un travail qui est en route. Sur la question épineuse de l’accès au sacrement pour les divorcés remariés, nous n’avons pas fini d’étudier ce sujet. Il faut continuer à l’étudier, sous la direction du pape. A mon avis, l’ensemble des pères synodaux n’était pas prêt à arriver à une décision.

Q: D’autres ont évoqué l’idée de déléguer certaines décisions sur la pastorale familiale aux conférences épiscopales. D’autres encore craignent que cette solution mette en péril l’unité de l’Eglise. Qu’en pensez-vous ?

Mgr Durocher: Nous en avions déjà parlé au synode de l’an dernier. La mise en œuvre pastorale des grandes orientations de l’Eglise relève de l’Eglise locale, il n’y a rien de nouveau. Au Concile Vatican II, il y a cinquante ans, on n’utilisait pas le mot «décentralisé» mais on parlait de «subsidiarité», afin que les décisions se prennent le plus près possible du lieu où se trouvent les gens. Ce que le pape a proposé sur la décentralisation n’est donc pas neuf. Il voulait dire qu’il faut apprendre à mieux l’articuler.

Il a parlé de trois niveaux: diocésain, national et international, à savoir le Vatican. L’unité de l’Eglise n’est pas en danger si l’on garde les mêmes grandes orientations au niveau de la doctrine.

Q: Certains rapports proposent que l’accès à la communion pour les divorcés remariés soit discerné au cas par cas, sous la conduite des évêques. Qu’en pensez-vous ?

Mgr Durocher: Certains disent: si on va vers l’accès des divorcés remariés aux sacrements, il faut qu’il y ait un discernement au cas par cas, qui soit mis sous la responsabilité de l’évêque. D’autres disent que l’Eglise ne peut pas aller dans ce sens-là. Je pense que, pour le moment, l’Eglise n’est pas assez mûre. Beaucoup de gens pensent que c’est une permission à accorder ou non comme des parents donnent une permission à leurs enfants. En réalité, cela soulève des questions fondamentales sur la façon dont on comprend les sacrements, la Bible, l’œuvre de l’Esprit chez les personnes, la conscience personnelle… Il faut nous laisser plus de temps.

Q: Cela explique-t-il que dans l’ensemble, les rapports des groupes restent très prudents sur cette question ?

Mgr Durocher: Au niveau de l’indissolubilité du sacrement du mariage, tout le monde est d’accord. Au niveau de l’accompagnement pastoral des couples divorcés remariés, malgré tout, des choses importantes ont été dites. Il a été suggéré de reconnaître que les personnes qui ont une nouvelle relation peuvent vivre une vie de grâce, où l’Esprit agit, une vie où ils sont membres à part entière de la communauté chrétienne.

Plusieurs groupes ont demandé à mettre un terme aux limites au niveau de certains ministères de l’Eglise, comme le fait de pouvoir être parrain, lecteur, etc. Il y a maintenant une vraie reconnaissance de ces personnes, qui n’existait pas avant. Nous avons demandé à toute la communauté chrétienne de le reconnaître : parfois, les couples reconstitués sont vus de haut par d’autres couples qui n’ont pas connu l’échec de leur mariage, ou par certains prêtres. Ce synode marque donc une étape importante dans le cheminement pastoral de l’Eglise envers les familles monoparentales, ceux qui avancent vers le mariage en cohabitant, ou encore les couples reconstitués.

Q: Au début du synode, vous êtes intervenu publiquement sur la question de la violence faite aux femmes. Vous avez aussi demandé à l’Eglise d’accorder plus de place aux femmes, à travers des postes à responsabilité ou l’accès au diaconat. Avez-vous eu des réponses ?

Mgr Durocher: Concernant les rôles ministériels, je n’ai pas eu beaucoup d’écho. En revanche, nous avons par la suite parlé de la place de la femme dans la famille. Concernant les violences faites aux femmes, cette question était importante pour moi car lorsque j’étais jeune prêtre, nous avions loué notre grand presbytère à un centre d’intervention pour des femmes victimes de violences. J’ai alors eu l’occasion d’accompagner ces femmes. Je me souviendrai toujours du cas d’un mari qui me disait qu’en tant que prêtre je devais ordonner à l’épouse de revenir à la maison, alors qu’il la battait régulièrement. Ce sujet avait été peu abordé l’an dernier, alors j’ai souhaité le mettre en avant. (apic/imedia/bl/be)

Jacques Berset

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