«Nous souhaitions rendre hommage à une figure importante de l’histoire européenne, et à un réformateur qu’il serait erroné de considérer seulement comme un précurseur de la Réforme, même s’il est moins connu du grand public» explique Michel Grandjean, professeur d’histoire du christianisme à la Faculté de théologie de l’Université de Genève. Beaucoup ignorent d’ailleurs que le nom du prêtre tchèque est gravé, à côté de celui de Wycliffe et Valdès de Lyon, sur une stèle à gauche du Mur des Réformateurs.
La vie de Jan Hus a été marquée par les rapports conflictuels avec les pouvoirs politiques et ecclésiastiques de son temps, a rappelé Jaroslav Svátek, enseignant à l’Université Charles de Prague.
Le 6 juillet 1415, Jan Hus était condamné comme hérétique par le concile de Constance et aussitôt brûlé vif. Une fin que l’on n’aurait pas imaginée pour ce prêtre tchèque engagé. Formé à l’université de Prague, Jan Hus entretient dans un premier temps de bonnes relations avec l’archevêque de la ville, qui lui demande de l’assister dans la réforme du clergé. Il prêche depuis 1402, dans la chapelle de Bethléem, le retour à une Eglise apostolique, spirituelle et pauvre. Du côté politique, Jan Hus bénéficie du soutien du roi de Bohême, Venceslas IV. Il est de plus le représentant à l’université de Prague, d’envergure internationale, de la section tchèque. Dans le contexte du grand schisme d’Occident qui dure depuis 1378, deux prises de position vont cependant placer Jan Hus en porte-à-faux avec les autorités de son temps.
En 1408, les articles de Wycliffe, théologien anglais, sont reconnus en partie par la section tchèque de l’Université de Prague, alors que le pape Grégoire XII a interdit la diffusion de ces thèses jugées hérétiques. A une époque où trois papes rivalisent pour le pouvoir, Jean Hus prône une Eglise dont la tête est le Christ et non un prélat. Il en vient ainsi à défendre personnellement les écrits de Wycliffe.
Autre point qui lui attire les foudres de l’autorité: sa dénonciation du trafic des indulgences, utilisées notamment par l’antipape Jean XXIII pour financer une croisade contre le roi de Naples, lequel soutient le pape de Rome Grégoire XII. Jean Hus entre aussi en conflit sur ce point avec le roi Venceslas. Le prédicateur se retrouve bientôt à la tête d’un mouvement de protestation contre les autorités ecclésiastiques et politiques, ce qui le conduit à l’exil.
Frappé d’excommunication en 1412 par le pape Grégoire XII, Jan Hus voit sa cause reprise par le concile de Constance en 1414, qui exige qu’il renie certains points de ses écrits jugés hérétiques. Il refuse et finira donc sur le bûcher. Ce qui ne veut pas dire, comme l’a bien montré Olivier Marin, maître de conférences à l’Université Paris-Nord, que Hus aurait été un fanatique n’aspirant qu’au martyre.
Jan Hus n’a pas été le seul à affronter les pouvoirs ecclésiastiques et politiques durant cette époque de crise. Le prêtre tchèque est sorti du lot par son habileté dans la prédication, ainsi que l’emplacement stratégique la chapelle de Bethléem, à proximité du centre politique, ecclésiastique et universitaire de la ville de Prague.
«Jan Hus parlait ouvertement de ses engagements politiques et théologiques non seulement à l’université, mais aussi devant les auditeurs de la chapelle, qui assistait à sa lutte contre l’autorité, pour ainsi dire ‘en direct'» développe Jaroslav Svátek.
Connu pour son engagement religieux et politique, Jan Hus joua aussi un rôle important pour le développement de la langue tchèque comme l’a rappelé la chercheuse Tamara Franzova. Il est en effet l’inventeur d’une graphie utilisant des diacritiques (divers accents ndr) qui a permis de simplifier la langue tchèque et d’écrire plus brièvement, à une époque où le papier coûtait cher.
Encadré
Le colloque auquel ont participé une soixantaine de personnes, pour la plupart historiens et universitaires suisses, français et tchèques, s’inscrivait dans une série de manifestations réparties sur un mois à l’occasion des 600 ans de la mort de Jan Hus.
On peut retenir notamment le culte radiodiffusé de la cathédrale St-Pierre de Genève le 11 octobre à 10h ainsi qu’une exposition itinérante consacrée à Jan Hus par le musée Tábor, au Conseil œcuménique des Eglises jusqu’au 1er novembre, puis transférée au temple de la Madeleine.
Le mercredi 28 octobre à 18h30 aura lieu à la résidence de l’ambassadeur de la République tchèque auprès de l’ONU une commémoration du discours de Tomas Garrigue Masaryk, futur président de la Tchécoslovaquie le 6 juillet 1915, pour le 500e anniversaire de la mort du réformateur. (apic/pc/mp)
Maurice Page
Portail catholique suisse
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