Q: Pourquoi et comment avez-vous été nommé directeur de l’Autorité financière du Vatican?
René Brülhart: Mon activité au Vatican a commencé en septembre 2012 par un mandat de conseiller du Saint-Siège. Peu après, en novembre 2012, j’ai repris la direction opérationnelle de l’Autorité d’information financière du Vatican, l’Autorità Informazione Finanzaria (AIF). Le pape François m’a nommé président de l’AIF en novembre 2014.
Q: Pourriez-vous expliquer en quelques phrases en quoi consiste votre travail actuel au Vatican?
RB: Il s’agit en premier lieu de mettre en place un système opérationnel et stable pour éviter d’éventuels abus financiers au Vatican. On a ainsi créé, durant ces trois dernières années, un nouveau cadre juridique et institutionnel. Concrètement, le motu proprio du 8 août 2013 a introduit un renforcement massif du contrôle – que l’AIF exerce – et, le 8 octobre 2013, une loi sur le blanchiment d’argent fondamentalement nouvelle est entrée en vigueur. Sur le plan international, en devenant membre de l’Egmont Group, le réseau mondial des cellules nationales de renseignements sur le blanchiment d’argent, ainsi que par la signature de nombreuses conventions de coopération telles celles avec les Etats-Unis, l’Allemagne, la France ou l’Italie, on a créé un environnement favorable à une coopération internationale ciblée.
Mon activité comporte également un élément consultatif, notamment en lien avec les développements internationaux.
Q: Vous êtes entouré d’un conseil directif dont fait partie également Juan Zarate. Celui-ci est l’inventeur de la doctrine de «guerre financière». En quoi votre mission se rapproche-t-elle de cette doctrine?
RB: Le Vatican est une institution globale et cela se reflète également dans la composition du comité directeur de l’AIF. L’un de ses membres est Juan Zarate, ancien conseiller du président américain en matière de sécurité. Son livre illustre de manière parlante l’utilisation et l’effet des sanctions économiques ciblées, notamment dans la lutte contre le financement du terrorisme. Il n’y a pas de comparaison avec la situation du Vatican. Le dollar américain reste la monnaie globale, ce qui permet au gouvernement américain un contrôle direct sur la compensation du dollar. Il peut ainsi exercer une pression ciblée sur certains instituts financiers. Cela n’a rien à voir avec les travaux de l’AIF. Notre doctrine vers l’extérieur est plutôt de nature morale.
Q: L’IOR, l’institut pour les œuvres de la religion, n’est pas une banque commerciale. Pourquoi a-t-il eu besoin de faire appel à vous? Quelles sont ses fragilités par rapport à une place financière?
RB: Au Vatican, il n’y a pas de place financière au sens propre du terme. Il n’y a ni banques commerciales, ni assurances, ni Bourse. Mais il y a un institut financier, l’IOR, qui a des activités financières. Le Vatican est une institution globale, ce qui a obligatoirement des répercussions aussi sur ses activités financières. Des incidents survenus ces dernières années ont montré qu’il était inévitable d’intégrer le système financier global et donc de respecter les standards internationaux.
Q: Il est dit (Matthieu 6,24) qu’on ne peut servir Dieu et Mammon. Comment vivez-vous le monde de la finance au Vatican?
RB: Il faut voir l’argent pour ce qu’il est, c’est-à-dire un instrument, un moyen pour arriver à un but et non un but en soi. C’est une règle qui s’applique tout particulièrement aux activités financières du Vatican.
Q: On vous décrit comme un James Bond de la lutte contre le blanchiment d’argent. Tout le monde ou presque connaît le mode de vie de James Bond. Le vôtre a-t-il des ressemblances avec lui ?
RB: Laissons la fiction être ce qu’elle est: de la fiction.
Q: Quelles qualités faut-il avoir pour effectuer votre travail?
RB: Une vision d’ensemble, un minimum de pragmatisme et de flexibilité ainsi que la volonté de communiquer de manière ouverte et de «construire des ponts» pour trouver des solutions communes.
René Brülhart donnera une conférence publique le vendredi 13 novembre à 17h15 à l’auditoire G140 de Pérolles II de l’Université de Fribourg, dans le cadre de l’assemblée générale de l’Association des amis de l’Université de Fribourg (Alumni).
Encadré
René Brülhart a grandi à Guin, près de Fribourg. Après un apprentissage bancaire et une maturité commerciale au collège St-Michel, il a étudié le droit à l’Université de Fribourg avant d’entreprendre un LL.M (diplôme de droit postgrade) aux Pays-Bas. Il a ensuite travaillé dans différentes études d’avocats à Bruxelles et à Zurich avant de devenir directeur remplaçant puis directeur de la Financial Intelligence Unit de la principauté du Liechtenstein. Il a pris ses fonctions au Vatican en été 2012. (apic/alumni/rz)
Raphaël Zbinden
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