La croyance qui fait de l’EI un agent de l’Apocalypse n’est pas marginale au sein de l’organisation. Will McCants explique au contraire dans son livre récemment publié «The ISIS Apocalypse», que cette vision du monde influence directement la façon dont le groupe sunnite opère et recrute.
Daech (selon l’acronyme arabe du mouvement), à la base un petit groupe de militant placé sous le contrôle d’Al-Qaïda, actif uniquement en Irak, est devenu en quelques années un acteur politique majeur au Moyen-Orient. L’EI est sans nul doute actuellement la plus puissante organisation terroriste au monde, après avoir pris le contrôle de grandes villes et proclamé l’établissement d’un califat.
Will McCants explique qu’il existe un certain nombre de prophéties apocalyptiques dans le monde islamiques, autant chez les sunnites que chez les chiites. Dans l’histoire moderne, les sunnites leur ont donné une moindre importance, considérant les croyances sur la fin des temps comme un élément typique du chiisme. La situation a cependant commencé à changer avec l’invasion de l’Irak, en 2003, affirme l’expert américain. Le soulèvement politique et la violence qui l’a accompagné ont mis en place un contexte apocalyptique, en particulier parce que les prophéties islamiques parlent d’éruptions de violence en Irak et en Syrie, relève-t-il. L’EI et son prédécesseur Al-Qaïda ont ainsi joué pleinement cette carte. Il s’agissait à la fois de donner un sens à l’insurrection et de convaincre les combattants étrangers de rejoindre leur cause.
Lorsque Daech a été créé, en 2006, le leader spirituel du groupe de l’époque, a affirmé que la création de l’organisation était liée à la venue prochaine du Mahdi, le prophète de la fin des temps. Le groupe était ainsi destiné à l’aider à combattre les infidèles. Juste après, le fondateur de l’organisation, Abou Ayyad al-Masri a ordonné à ses lieutenants de se préparer à attaquer, dans tout l’Irak, et à conquérir le pays en quelques semaines. Il leur a assuré que le Mahdi viendrait et qu’il les aiderait à obtenir la victoire. En fait, les militants se sont fait battre à plate couture et ont dû se retirer, rappelle Will McCants. Mais, al-Masri, qui sera tué en 2010, a posé les jalons d’une stratégie basée sur un ordre du jour apocalyptique. Cette expérience infructueuse a certainement fait réfléchir certains leaders du groupe. Ainsi, dans l’EI plus tardif, la vision messianique va perdre son caractère d’urgence. On ne parlera plus d’une figure salvatrice, mais plutôt de la résurgence du califat comme accomplissement prophétique. Cela a permis de maintenir les combattants dans un état d’anticipation apocalyptique, assure l’universitaire. Ils peuvent ainsi toujours drainer des combattants, mais en portant leur attention sur le projet à long terme de l’établissement d’un Etat, plutôt que sur l’imminence de la fin du monde. (apic/huffp/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse