L'extraction de l'or dans les pays du Sud au centre de la campagne de carême 2016

Lucerne, 30.09.2015 (cath.ch-apic) L’extraction de l’or dans les pays du Sud – et ses conséquences humaines et écologiques souvent désastreuses – sera au centre de la campagne de carême 2016.

La commercialisation de cet or par des sociétés transnationales, dont certaines sont basées en Suisse, sera dans le collimateur des œuvres d’entraide catholique Action de Carême, protestante Pain pour le prochain et catholique-chrétienne Etre partenaires.

L’initiative populaire «pour des multinationales responsables», lancée ce printemps – et dont la récolte de signatures est déjà à mi-chemin – sera l’un des moyens privilégiés pour attirer l’attention du public sur les pratiques d’entreprises ayant leur siège en Suisse. Le but est de les obliger à évaluer leurs actions, afin que leur devoir envers les travailleurs et l’environnement ne s’arrête pas aux frontières helvétiques. La campagne œcuménique, ayant pour slogan «Prendre ses responsabilités – Renforcer la justice», débutera le 10 février prochain, Mercredi des Cendres, et s’achèvera le jour de Pâques, le dimanche 27 mars 2016.

Durant la «soudure», plus qu’un seul repas par jour

Présentant la campagne 2016, avec un accent sur le travail d’Action de Carême au Burkina Faso, Vreni Jean-Richard a expliqué mercredi 30 septembre les méthodes développées avec les partenaires sur place pour améliorer la production agricole. Il s’agit d’assurer la sécurité alimentaire dans les villages, notamment dans les régions semi-désertiques et sahéliennes. La responsable à Lucerne des programmes pour le Sénégal et le Burkina Faso a expliqué la manière de faire face au temps de la «soudure», la période qui sépare l’épuisement des réserves des greniers de la récolte suivante, où il n’y a plus qu’un seul repas par jour. L’ONG encourage la mise en place du stockage des grains, car c’est durant cette période de disette que le prix des denrées alimentaires explose, les rendant souvent inaccessibles aux plus pauvres.

Travaillant avec une douzaine d’ONG locales, Action de Carême enseigne aux paysans des méthodes de développement durable, notamment en construisant des murs à intervalles réguliers, qui maintiennent l’humidité et freinent l’érosion du sol sablonneux. La fabrication de compost permet de fertiliser ces terres arides. L’élevage de moutons et la mise en place de poulaillers, ainsi que les jardins que les femmes cultivent ensemble, permettent également d’améliorer les ressources des paysans de ces régions sèches, relève Vreni Jean-Richard.

Une véritable «ruée vers l’or» avec ses conséquences néfastes

Malheureusement, a déclaré à cath.ch l’économiste burkinabé Barthélémy Sam, la situation des agriculteurs dans le Sahel est devenue ces dernières années de plus en plus difficile avec les conséquences visibles du réchauffement climatique. Coordinateur du programme d’Action de Carême au Burkina Faso, cet ancien volontaire de l’ONG romande E-Changer souligne que depuis au moins cinq ans, pour trouver de quoi vivre, les jeunes désertent les villages pour chercher de l’or.

«On peut parler d’une véritable ‘ruée vers l’or’. Il y a encore une décennie, cette activité artisanale, que l’on appelle ‘orpaillage’, n’intéressait pas trop la population. Mais, depuis quelques années, les récoltes se sont raréfiées, et, dans les villages, les jeunes cherchent des alternatives pour nourrir la famille. Alors ils creusent, à la recherche de l’or», note Barthélémy Sam. Il sera l’hôte de la campagne de carême 2016 – en compagnie du militant sud-africain Erik Mokuoa, de l’organisation «Bench Marks Foundation», qui défend les droits des communautés affectées par l’industrie minière en Afrique du Sud.

Les jeunes se détournent de l’agriculture

«Dans la zone sahélienne, poursuit l’économiste burkinabé, on assiste à un véritable boom minier. Il y a déjà une génération de jeunes qui ne connaît plus l’agriculture et l’élevage. Cela devient de plus en plus critique, car le bouche-à-oreille fait des ravages. Trois ou quatre heures après qu’arrive la nouvelle qu’on trouve de l’or à un endroit naît déjà un village de chercheurs d’or. Le phénomène prend de l’ampleur et concerne les régions Nord, Nord-Ouest, Centre-Nord et Sahel, dans les régions proches du Mali et du Niger. Il atteint maintenant aussi le Centre-Sud. Cela concerne plus de 100’000 personnes, qui s’installent dans certaines zones, sur une surface équivalent à trois fois la superficie de la Suisse. Il s’agit d’une exploitation artisanale, où les mineurs descendent dans des trous à l’aide d’une corde. C’est très dangereux, et il faut extraire une tonne de terre pour trouver quelques poussières d’or».

Et pour cela, note-t-il, on utilise du cyanure, très toxique aussi bien pour les ouvriers que pour l’environnement. Dans ces campements de chercheurs d’or travaillent aussi des femmes et des enfants. La prostitution et les maladies y sont fréquentes.

L’extraction minière comme unique porte de sortie

Les jeunes Burkinabés voient cependant de plus en plus l’extraction minière comme l’unique porte de sortie. Dans d’autres régions, l’exploitation minière industrielle cause également des ravages: déplacement de populations, expulsions et pertes de terres cultivées. Les mesures d’accompagnement de ces transferts sont insuffisantes, et rien ne viendra compenser, pour ces populations déplacées, la disparition de l’espace historique cultivé depuis des générations, et où se trouvent également leurs lieux de cultes traditionnels. (apic/be)

Jacques Berset

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