Dans un discours très attendu devant les deux chambres du Congrès réunies et ponctué plus d’une trentaine de fois par des applaudissements, le pape François a aussi souhaité «courage» et «ouverture» de la part des Etats-Unis dans le rétablissement de leurs relations avec Cuba. Il a exhorté le pays à accueillir les migrants du sud du continent «sans reculer devant leur nombre», ainsi qu’à «inverser les effets les plus graves» de la détérioration de l’environnement.
Face aux membres du Sénat et de la Chambre des représentants réunis, dans un long discours prononcé avec application en anglais, le pape François a souhaité idéalement s’adresser «au peuple des Etats-Unis tout entier». Avant toute chose, le pontife a assuré au monde politique que leurs compatriotes n’étaient pas «simplement concernés par le paiement de leurs impôts», et il a souhaité entrer en dialogue avec tous.
Aucune religion «n’est exempte de formes d’illusions individuelles ou d’extrémisme idéologique», a affirmé le pape. «Cela signifie que nous devons faire spécialement attention à tout type de fondamentalisme, qu’il soit religieux ou de n’importe quel autre genre», a-t-il précisé avant de pointer «une autre tentation», à savoir «le réductionnisme simpliste qui voit seulement le bien ou le mal; ou, si vous voulez, les justes et les pécheurs».
Après les attentats du 11 septembre 2001, le président Georges W. Bush avait mis en avant «l’axe du mal» formé par l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord. La lutte contre le terrorisme avait alors pris la forme et le nom d’une «guerre contre la terreur». Dans ce contexte, il faut savoir sauvegarder la liberté religieuse, a expliqué le pape. Aux Etats-Unis, «il est important qu’aujourd’hui, comme par le passé, la voix de la foi continue d’être entendue».
Dans un continent qui «n’a pas peur des étrangers», le pape argentin a aussi évoqué les milliers de personnes (qui) sont amenées à voyager vers le Nord à la recherche d’une vie meilleure et a invité à «ne pas reculer devant leur nombre». Des propos particulièrement applaudis par une partie du Congrès.
D’une manière plus générale, le pape François a invité à traiter les autres «avec la même passion et compassion avec lesquelles nous voulons être traités». Dans une phrase forte de sens dans le contexte américain, il a ainsi résumé : «En un mot, si nous voulons la sécurité, donnons la sécurité ; si nous voulons la vie, donnons la vie; si nous voulons des opportunités, offrons des opportunités». En passant, le pape n’a pas manqué de préciser que «la Règle d’Or nous rappelle aussi notre responsabilité de protéger et de défendre la vie humaine à chaque étape de son développement».
«Cette conviction, a poursuivi le pape, m’a conduit, depuis le début de mon ministère, à défendre, à différents niveaux, la cause de l’abolition totale de la peine de mort». «Je suis convaincu que ce chemin est le meilleur», a-t-il insisté alors que 31 Etats américains appliquent encore la peine de mort. «Pourquoi des armes meurtrières sont-elles vendues à ceux qui planifient d’infliger des souffrances inqualifiables à des individus et à des sociétés ?», s’est encore demandé le pape en touchant un argument qui devrait irriter le camp républicain. Et le chef de l’Eglise catholique de poursuivre: «Face à ce honteux et coupable silence, il est de notre devoir d’affronter le problème et de mettre fin au commerce des armes».
Très logiquement, le pape François a aussi encouragé l’Amérique dans la «lutte contre la pauvreté et la faim», et il a abordé longuement la question de la protection de l’environnement, après son Encyclique Laudato si’. Il a plaidé pour «une juste utilisation des ressources naturelles», invitant en particulier le Congrès à des actions et des «stratégies courageuses» pour inverser les effets les plus graves de la détérioration environnementale causée par l’activité humaine. «Je suis certain que nous pouvons faire la différence, a-t-il ajouté, et je n’ai aucun doute que les Etats-Unis – et ce Congrès – ont un rôle important à jouer».
Dans une référence explicite à la récente reprise des relations diplomatiques entre les Etats-Unis et Cuba, le pontife argentin a salué «les efforts réalisés au cours des derniers mois pour aider à surmonter les différences historiques liées à de déplorables épisodes du passé». S’il n’a pas explicitement cité l’embargo américain qui pèse sur l’île castriste, le pape a expliqué que ce rapprochement avait «demandé, et demande, courage et hardiesse», assurant encore qu’un bon dirigeant politique «est quelqu’un qui, ayant à l’esprit les intérêts de tous, saisit le moment dans un esprit d’ouverture et de pragmatisme».
Le pape, enfin, n’a pas caché sa «préoccupation pour la famille, qui est menacée, peut-être comme jamais auparavant, de l’intérieur comme de l’extérieur». «Les relations fondamentales sont en train d’être remises en cause, comme l’est la base même du mariage et de la famille», a lancé le pape devant les membres de la Cour suprême qui, en juin dernier, a autorisé le mariage homosexuel sur tout le territoire américain.
Avant de prendre la parole devant le Congrès, le pape s’était entretenu en privé avec John Boehner, le président de la Chambre des représentants des Etats-Unis, aussi appelé speaker. Par la suite, l’entrée du pape dans la salle du Congrès a été annoncée en ces termes étonnants, en anglais: «Mister speaker, the pope of the Holy See» (Monsieur le président, le pape du Saint-Siège).
Dans son discours, très attendu, le pape a voulu mettre en avant la figure de quatre Américains: le premier président républicain des Etats-Unis Abraham Lincoln (1809-1865), le célèbre pasteur baptiste afro-américain Martin Luther King (1929-1968), Dorothy Day (1897-1980) et Thomas Merton (1915-1968). Si les deux premiers sont universellement connus, on sait mois que les deux autres sont des convertis au catholicisme.
De famille épiscopalienne, Dorothy Day est une journaliste et militante proche des milieux anarchistes. Après un avortement puis la naissance d’une fille, elle se convertit au catholicisme et s’engagea ardemment dans des campagnes publiques en faveur de la justice sociale, des pauvres, des marginaux, des affamés et des sans-abri.
Né en France, de confession anglicane, l’Américain Thomas Merton se convertit lui aussi au catholicisme, en 1938, et devint moine trappiste. Ecrivain et poète, il se passionna pour le dialogue interreligieux. (apic/imedia/ami/rz)
Raphaël Zbinden
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