Sur les ondes de la Radio Suisse Romande, l’envoyé spécial du pape François pour le Jubilé des 1’500 ans de la fondation de l’Abbaye de Saint-Maurice a souligné que les chrétiens continuent d’être martyrisés pour leur foi dans certaines régions du monde, sans mentionner explicitement l’Irak ou la Syrie.
Le cardinal Kurt Koch présidait mardi la messe pontificale à la Basilique à l’occasion de la fête de la Saint-Maurice, patron de la cité et de l’Abbaye. Interrogé sur la 1ère, lors du «Journal du matin», sur la pertinence de la procession des reliques des martyrs de la Légion thébaine à travers la ville de Saint-Maurice, le cardinal Koch a rappelé que dans le monde d’aujourd’hui, il se passait la même chose.
«Nous célébrons des martyrs qui ont donné leur vie pour la foi, pour la liberté de la foi. Et maintenant nous avons, dans notre monde, une grande persécution des chrétiens. Dans le monde entier, 80% de tous les hommes, de toutes les femmes qui sont persécutés en raison de leur foi, sont des chrétiens. Je pense que cette célébration des martyrs est un grand message dans la situation d’aujourd’hui».
Interrogé sur l’avenir de l’Abbaye de Saint-Maurice en raison de la crise des vocations, l’ancien évêque de Bâle relève que l’Eglise ne manque pas de vocations au niveau mondial, mais que le phénomène touche surtout l’Europe occidentale. «Cela indique une crise de la foi et de la transmission de la foi dans notre société».
Pour expliquer ce phénomène, le cardinal relève qu’autrefois il y avait dans les familles 8 ou 9 enfants. «Ce n’était pas une catastrophe si un des neuf enfants devenait prêtre». Aujourd’hui, quand il y a 1,5 enfant en moyenne par femme, c’est un problème si un enfant choisit cette voie. Le manque de naissances en Europe de l’Ouest est à ses yeux un défi très grand, non seulement pour les vocations dans l’Eglise mais également pour la société, qui connaît un vieillissement de sa population.
Mgr Kurt Koch ne pense cependant pas que cette crise des vocations va mettre en danger l’existence même de l’Abbaye de Saint-Maurice, car dans l’histoire, l’Eglise a surmonté ce genre de problèmes. «Je suis convaincu qu’il y a maintenant une crise des vocations, mais je crois que la foi chrétienne est tellement belle qu’il y a tant d’hommes qui en sont touchés, et nous aurons peut-être une autre situation. Je ne crois pas que l’Abbaye soit maintenant en péril».
Face à la crise de la foi, le cardinal Koch mentionne la «nouvelle évangélisation» en Europe. «C’est le grand défi du pape François, qui dit que l’Eglise doit être une Eglise missionnaire». Et d’affirmer que l’Eglise a un bon message, qu’elle doit transmettre aux autres de façon crédible. «C’est pourquoi un renouvellement de l’Eglise est absolument nécessaire pour la transmission de la foi».
A la question de savoir si le pape François, en raison de ses critiques du libéralisme effréné qui cause de graves atteintes sociales et environnementales, est «un pape de gauche» comme l’affirment des politiciens républicains américains, le cardinal Koch rétorque que François n’est pas un homme politique.
On ne peut pas dire qu’il est de droite ou de gauche, «il a un message de la foi chrétienne qu’il annonce». Aujourd’hui, souligne-t-il, il est à Cuba et il va se rendre ensuite aux Etats-Unis. «C’est un grand cadeau qu’il a fait que Cuba et les Etats-Unis aient à nouveau des relations». Le cardinal Koch rappelle que ce rapprochement avait déjà été préparé par les papes Jean Paul II et Benoît XVI lors de leur visite à Cuba. Il souligne, à ce propos, que «tout le message de la foi a une dimension politique, parce que cela concerne les hommes».
A propos de la grande popularité du pape François, le cardinal Koch mentionne avant tout sa crédibilité, «parce tout ce qu’il dit, il le vit; il n’y a pas de distance entre les mots et la vie». A ses yeux, c’est cela qui impressionne les gens.
«C’est un homme crédible, et cela compte beaucoup dans la société d’aujourd’hui». Kurt Koch, à propos des divergences d’opinions qui se font entendre au sein du Vatican à propos du réformisme du pape François, affirme qu'»il n’y a pas une guerre, comme on peut le lire dans certains journaux». Il se refuse également à opposer les papes précédents au pape actuel, qui serait, contrairement aux autres, un «pape moderne».
«Je vois une très grande continuité entre le pape Benoît XVI et le pape François, surtout dans la doctrine de la foi, dans la proclamation de la foi. Et je vois aussi une grande continuité de l’humilité. Le pape Benoît XVI était aussi une personne très simple, et pas tellement dogmatique, comme on en a l’impression dans le public». Les papes Pie XII, Jean XXIII, Paul VI, Jean Paul II ou Benoît XVI sont tous différents, comme l’est le pape François, «et tous sont catholiques, 100%!», déclare-t-il sur un ton de plaisanterie.
Concernant le «mariage des prêtres» ou l’accès des femmes au sacerdoce, le cardinal Koch estime que «ce ne sont pas des soucis principaux pour le pape François». A propos de l’ordination des femmes, relève-t-il, le pape François a déjà dit que ce n’était «pas possible». «Il n’a pas donné d’indications sur le célibat des prêtres, mais le défi principal du pape François est que l’Eglise devienne une Eglise missionnaire qui a un message à transmettre dans le monde».
Interrogé sur l’avenir de l’œcuménisme dans le monde, le président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens a estimé que la réalité avait beaucoup changé: «On fait des pas de rapprochement dans différentes Eglises, mais le grand défi aujourd’hui, c’est que nous n’avons plus une vision commune du but de l’œcuménisme».
Il note d’autre part un grand changement des partenaires œcuméniques: «Par exemple, nous avons aujourd’hui dans le monde une grande croissance des mouvements évangéliques et pentecôtistes. Le pentecôtisme est la seconde réalité au niveau numérique après l’Eglise catholique. Cela change les dialogues œcuméniques parce les partenaires ont changé!»
Abordant la question de l’islam et de l’islamisme, le cardinal Koch tient à bien faire la distinction: «l’islam est une religion avec laquelle nous avons des contacts, des dialogues. Mais l’islamisme, ce n’est pas la même chose!»
Pour le cardinal, l’islamisme relève d’une idéologie politique et, c’est même, dans certains cas, «une perversion de la religion». Et d’affirmer qu’il ne faut pas mélanger islam et islamisme. Quand on voit ce que font des mouvements comme «l’Etat islamique» au Moyen-Orient, ou Boko Haram en Afrique, il comprend que face à cette véritable «tragédie», les gens aient peur. Mais Kurt Koch insiste pour dire qu'»il ne faut pas attaquer tous les musulmans pour cela»; il faut faire une distinction entre les deux. Il est d’avis qu’on ne peut dialoguer qu’avec ceux qui sont disposés à le faire, mais pas avec ceux qui veulent tuer les autres. Dans ce cas, le dialogue est «tout à fait impossible». (apic/be)
Jacques Berset
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