Dans une société indienne qui fait face à de rapides changements socioculturels et où la communauté catholique, qui compte 18 millions de fidèles, ne représente que 1,7% de la population indienne, quels sont les principaux défis pour l’Eglise ?
Les réponses au questionnaire, envoyé à 50’000 fidèles – membres du clergé, laïcs et religieux, dans 80 des 131 diocèses latins du pays – font ressortir un sentiment général de décalage entre les fidèles et l’Eglise, perçue comme «déconnectée» de la réalité vécue par les familles. Autre dominante du rapport, le besoin de «compassion» exprimée par les fidèles, avec moins de jugement de la part des autorités ecclésiastiques. «Nous devons chercher à comprendre davantage les familles plutôt qu’à essayer d’être compris par elles, surtout à notre époque où les familles ont à faire face à de multiples difficultés», explique Mgr Thomas Menamparampil, archevêque émérite de Guwahati.
La société indienne fait actuellement face à de rapides changements culturels qui ne sont pas sans répercussion sur l’évolution sociologique de la famille. Composée de multiples facettes, la cellule familiale contemporaine va de la famille traditionnelle rassemblant plusieurs générations, à la famille nucléaire, voire monoparentale. La communauté catholique, à l’instar de la société indienne dans son ensemble, connaît aussi une forte migration soit dans soit hors du pays. Ces dernières années, elle a également été malmenée par des mouvements extrémistes, en particulier les nationalistes hindous.
Mariages interreligieux
Dans ce contexte complexe, l’Eglise latine indienne distingue quatre grands enjeux: le phénomène migratoire, l’impact socioculturel des révolutions numériques, la nouvelle évangélisation auprès des périphéries et le défi pastoral des mariages mixtes.
Depuis quelques années, l’Eglise catholique constate une augmentation significative du nombre des mariages interreligieux. Les moyens de communication actuels permettent aux jeunes de rencontrer des personnes de religion, de culture ou de caste différente de la leur. Il existe ainsi de plus en plus de mariages d’amour, où les questions de religion et de foi deviennent secondaires, par opposition aux mariages traditionnels arrangés.
Si, autrefois, l’Eglise catholique n’autorisait pas les mariages mixtes, ce n’est plus le cas. Mais les jeunes doivent solliciter une demande de dispense de disparité de culte, qui engage les conjoints dans le respect de la pratique de la foi du conjoint et la volonté d’élever les enfants dans la foi catholique. Si ces mariages mixtes sont une richesse pour l’Eglise, ils soulèvent néanmoins des questions complexes. Ainsi en Inde, le choix d’une religion aura des répercussions directes sur l’application de la loi relative au droit privé, qui diffère en fonction de la religion, notamment en ce qui concerne les mariages, le divorce et les successions. Pour l’Eglise catholique, il est urgent de répondre aux besoins de ces couples en proposant une pastorale adaptée, fondée sur l’écoute et l’accompagnement avant et après leur mariage.
Les mouvements migratoires ont également un impact non négligeable sur les familles déjà constituées, notamment en fragilisant la cellule familiale : éloignement des couples de leur famille quand elles ne séparent pas les conjoints, augmentation des relations extraconjugales, divorces (en Inde, le taux de divorce est actuellement de 2 %). Comment l’Eglise peut-elle aider ces familles à rester unies ? Les réponses collectées plaident pour une approche pastorale basée sur l’écoute, la compassion et la formation des couples.
L’avortement n’est pas un péché
Le rapport souligne également la prédominance du relativisme dans une société de plus en plus sécularisée et influencée par le matérialisme, l’hyper sexualisation véhiculée par les médias et le culte du corps, dans un contexte de révolution numérique où tout paraît possible. Il relève la vulgarisation des moyens de contraception, et la banalisation de la pornographie qui touche les enfants de plus en plus jeunes. Il dénonce enfin l’augmentation des violences sexuelles envers les femmes et les enfants. Le rapport met également en évidence l’augmentation du nombre des avortements, précisant que, comme dans la société indienne, «beaucoup de fidèles pensent que l’avortement n’est pas un péché».
Les évêques indiens proposent également de simplifier la procédure de reconnaissance de nullité des mariages catholiques. C’est chose faîte depuis le 8 septembre dernier avec la publication par le pape François de deux Motu Proprio qui rendent la procédure judiciaire de demande de nullité gratuite, plus rapide, et accessible.
Lors du prochain synode, l’Eglise latine indienne sera représentée par trois évêques de même que l’Eglise syro-malabare, tandis que les syro-malankars auront un représentant. Parmi les auditeurs libres, on peut noter la présence de Jacob Mundaplakal Abraham, consultant pour l’apostolat de la famille et les organismes laïcs des diocèses du Kerala ; et Penny et Ishwar Bajaj, un couple hindou-chrétien, du diocèse de Bombay. (apic/eda/mp)
Maurice Page
Portail catholique suisse
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