Président de Caritas Syrie, le prélat jésuite était l’hôte mercredi 16 septembre 2015 de l’organisation catholique «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED). iI a déclaré que les familles les plus riches qui peuvent se permettre le long voyage vers l’Europe quittent désormais la Syrie le plus rapidement possible, ne laissant au pays que les plus pauvres. La communauté chrétienne est ainsi passée dans un court laps de temps de 150’000 à 50’000 personnes. «Il n’en reste pratiquement plus qu’un tiers !».
L’archevêque chaldéen s’est dit reconnaissant pour l’aide reçue «par nos frères qui ont fui vers l’Europe, mais nous, chrétiens de Syrie, nous voulons rester dans notre pays. Il est donc nécessaire d’aider la pastorale de l’Eglise sur place, où cette Eglise est persécutée et privée des moyens adéquats pour accomplir sa mission». Il a appelé les gouvernements européens à trouver des solutions plus concrètes directement en Syrie.
«Depuis cinq ans maintenant, nous attendons qu’arrive une solution politique pour faire cesser le conflit en Syrie, mais l’impression est que la communauté internationale n’a pas vraiment l’intention de mettre fin à cette guerre. Les communautés chrétiennes vivent une situation dramatique: dans une ville comme Alep, de nombreux quartiers historiquement chrétiens sont maintenant déserts…». Mgr Audo relève que les villes les plus touchées par la guerre, comme Homs, Alep et Damas, sont devenues le théâtre d’attentats quotidiens.
«La véritable mission de la communauté internationale devrait être de donner une voix aux communautés chrétiennes de ce pays. Elles sont assiégées par les extrémistes islamiques. Les gens qui vivent à Alep ont peur de subir le même sort qui a frappé les chrétiens de Mossoul l’an dernier!»
Encadré
L’archevêque d’Alep a également affirmé n’avoir aucune nouvelle du Père Paolo Dall’Oglio, enlevé le 29 juillet 2013 par les terroristes de Daech, l’Etat islamique (EI), dans leur état-major de Raqqa, au nord-est de la Syrie. Le jésuite italien, fervent supporteur de la «révolution syrienne» et du «printemps arabe», avait été expulsé de Syrie pour ses positions radicales et ses critiques des agissements du gouvernement. Il appelait à armer les rebelles contre le gouvernement syrien, qu’il appelait un «régime assassin». Il n’a plus donné de nouvelle depuis son enlèvement par les islamistes. JB
Encadré
«La Syrie se vide de son peuple, surtout de ses chrétiens. Ils sont devenus les ‘réfugiés’ qui vous dérangent tant. Il faut les écouter raconter leurs souffrances et les dangers qu’ils affrontent pour passer clandestinement en Europe. Ah, ils n’ont qu’à rester chez eux, dites-vous ? Mais chez eux, c’est l’enfer, c’est le chaos, c’est la mort. Ce ne sont pas des migrants comme vous vous plaisez à les appeler pour soulager votre conscience, ce sont des réfugiés!» C’est ce qu’écrit d’Alep le médecin Nabil Antaki, membre de la communauté chrétienne des Maristes Bleu, dans une lettre publiée par l’ONG catholique française «Œuvre d’Orient», qui soutient l’action des Maristes Bleus à Alep.
Le médecin rappelle qu’Alep – avec une population qui atteignait les 2 millions d’habitants – manque d’eau. Et si les Aleppins ont eu très soif et très chaud cet été, «ce n’est pas à cause d’une sécheresse ou de la baisse du niveau de l’eau dans l’Euphrate», mais à cause du contrôle du robinet par les rebelles.
La station de pompage existe toujours, elle n’a pas été détruite. Les réservoirs et les bassins sont pleins. «L’eau qui s’y trouve est, tous les jours, vidée dans la nature plutôt que d’être pompée dans les conduites d’eau de la ville. Nous sommes ainsi laissés à la merci des bandes armées qui ont décidé de nous laisser sans eau (avec 40 degrés à l’ombre) pendant de nombreuses semaines». Nabil Antaki dénonce également «ces groupes armés alliés de vos gouvernements» qui arrêtent intentionnellement la fourniture d’électricité, rendant la vie des Aleppins intenable.
Mentionnant les vagues de réfugiés syriens qui arrivent en Europe, il se montre sévère envers les gouvernements occidentaux qui soutiennent la rébellion syrienne: «Si les réfugiés vous dérangent tellement, pensez-y doublement la prochaine fois avant de déclencher la guerre dans leur pays. Entre-temps, arrêtez celle que vous avez déclenchée en Syrie et vous verrez le flot des réfugiés qui vous dérangent se tarir, les gens préférant de loin rester chez eux et garder leur dignité». (apic/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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