Faisant suite à une étude de l’Université de Bâle commanditée par la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, qui proposait des mutations assez profondes de la famille, le rapport sur le droit de la famille, publié en mars 2015 par le Conseil fédéral, fait réagir Benoît Rey. Le député chrétien-social reconnaît que le paysage social est effectivement en pleine transformation. S’il apprécie l’institution du mariage, il se rend bien compte que le choix de diverses formes de communautés de vie dépend de divers éléments: culture, croyances religieuses, éducation, orientation sexuelle, etc.
«Je ne me permets pas de juger ces différentes formes… Que ce soit un engagement formulé civilement ou religieusement. Là où cela me gêne, c’est quand il manque l’engagement et qu’il n’y a pas de coresponsabilité. Pour moi, le mariage religieux est important, même s’il ne doit pas être nécessairement la norme pour tous! J’admets d’autres formes que le mariage classique. Que ce soit un mariage devant le maire ou le curé, voire un PACS, ce qui importe, c’est l’engagement vis-à-vis de l’autre, le devoir d’assistance, la coresponsabilité».
A ses yeux, le mariage doit être ouvert aux personnes du même sexe, car il n’est pas question de discriminer ces couples. Par contre, il n’est pas tout à fait sûr que ce type d’union doive s’appeler «mariage». Il faudrait peut-être trouver un autre terme, même si le contenu est le même, à savoir un engagement scellé entre deux personnes.
En cas de dissolution d’une communauté de vie, s’il y a une rupture franche avec le passé au sein d’un couple, Benoît Rey admet que le juge puisse faire usage d’une certaine souplesse et décider au cas par cas en ce qui concerne la communauté des acquêts, le partage de la prévoyance professionnelle et la contribution d’entretien. «D’accord avec une certaine marge d’appréciation laissée au juge, si c’est pour corriger des inégalités, mais pas pour en créer de nouvelles!»
Quant à l’adoption d’enfants, le député chrétien-social n’est pas partisan de mettre sur un pied d’égalité les couples mariés, non mariés, hétérosexuels et homosexuels. Mais il nuance: s’il y a un lien de parentalité – l’enfant d’un des membres du couple homosexuel, qui vit au sein de cette communauté de vie de façon stable – une adoption de l’enfant du conjoint peut être acceptable. «Par contre, je ne suis pas favorable à l’adoption conjointe par un couple homosexuel d’un enfant qui ne serait pas celui d’un des partenaires. Dans ce cas, il n’y a pas beaucoup d’autres solutions que d’obtenir un enfant d’une mère porteuse, mais la législation suisse ne le permet pas. Alors, il faudrait que cet enfant naisse d’une mère porteuse à l’étranger. Je ne peux admettre une telle instrumentalisation de la femme, c’est inadmissible».
«Quand j’étais au service de la protection de la jeunesse, j’ai vu la difficulté que représente l’adoption pour des familles traditionnelles. L’adoption n’est pas toujours une réussite, et il faut de toute manière passer par un véritable parcours du combattant pour obtenir un enfant à adopter. J’ai beaucoup d’admiration pour les parents qui mènent ce combat malgré tous les obstacles, mais dans le cas d’un couple homosexuel, les difficultés seraient vite insurmontables… De plus, cela représenterait trop d’écueils dans la vie de ces enfants. Pour un enfant adopté qui se montre résilient, il y en a huit qui échouent».
L’assistant social se dit «à 200% favorable» à l’introduction de prestations complémentaires pour les familles (PCFam), notamment pour les familles monoparentales, dans le but de remplacer ou d’éviter le recours à l’aide sociale. «Le Tessin a introduit de telles PCFam en 1997, ce qui a beaucoup réduit le recours à l’aide sociale. Il y a beaucoup d’avantages: ces PC relèvent de l’assurance sociale. De plus, les PC sont financées au niveau suisse de façon péréquative, ce qui n’est pas le cas de l’aide sociale, qui est de plus une dette sociale remboursable dans le canton de Fribourg. Une motion dans ce sens a été déposée par le PCS, il y a des années, sans réponse jusqu’à maintenant. C’est un déni de droit de la part du Conseil d’Etat !»
A choisir, pour soutenir les familles de la classe moyenne, entre les déductions fiscales, l’augmentation des allocations familiales, la réduction des primes d’assurance-maladie, les bourses de formation, Benoît Rey opte clairement pour une augmentation des allocations familiales. «C’est le meilleur moyen d’aider les familles à bas revenus, car les déductions fiscales ne profitent qu’aux revenus supérieurs. Une déduction fiscale ne soulage en rien une famille qui est trop pauvre pour payer des impôts, mais qui doit tout de même élever ses enfants. Ce n’est pas un bon système. Pour aider ces familles, il faut utiliser avant tout le biais des allocations familiales». Benoît Rey est par ailleurs très favorable à l’introduction au plan fédéral d’un congé-paternité pour les pères.
La libre circulation des personnes et l’accueil en matière d’asile a amené en Suisse bon nombre de familles étrangères. Cette diversité, qui est aussi une richesse, pose cependant certaines difficultés pour les collectivités en matière d’infrastructures et d’intégration. S’il est d’accord avec la mise en place de mesures spéciales pour accueillir les enfants étrangers, pas question pour Benoît Rey de les cantonner dans un ghetto. «Il faut faire un effort particulier, développer les cours de langues, utiliser toutes les structures intégratives et inclusives. Les enfants étrangers ne doivent pas être traités comme un groupe à part, mais être intégrés le plus possible dans les structures de la petite enfance – crèches, garderies, jardins d’enfants – dans l’école, les clubs sportifs, pour favoriser la compréhension de la langue et la connaissance de la culture de la société locale». JB
Encadré
Benoît Rey, père de trois enfants adultes, est né en 1958 dans une famille imprégnée de l’idéal chrétien-social. Après avoir étudié le travail social à l’Université de Fribourg, il travaille, de 1981 à 1990, comme assistant social à l’Office des mineurs, devenu entretemps le Service de l’enfance et de la jeunesse (SEJ). Après avoir passé 14 ans à Pro Juventute, Benoît Rey est depuis 2004 au service de Pro Infirmis, en tant que membre de la direction générale et responsable de toute la Suisse latine. Député au Grand Conseil depuis 1996, il le présidera en 2016. (apic/be)
Jacques Berset
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