«La solidarité est dans l’intérêt de la Suisse», a lancé Odilo Noti, responsable du secteur communication pour Caritas Suisse. Les trois représentants de l’œuvre d’entraide présents à la conférence de presse à l’hôtel Bern ont présenté la démarche comme un positionnement de Caritas Suisse dans la perspective du prochain message concernant la coopération au développement pour les années 2017-2020. Le Conseil fédéral soumettra le printemps prochain au nouveau Parlement ce document devant servir de cadre de référence à la politique suisse dans ce domaine pour les années à venir.
«La Suisse doit déterminer sur quelles valeurs elle base son soutien aux plus pauvres», a martelé Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse. «La Confédération est-elle intéressée par la préservation du libre marché, ou voit-elle ça dans une perspective de solidarité?», s’est interrogé le responsable.
L’œuvre d’entraide entend réaffirmer que l’ouverture et la solidarité envers le monde extérieur est, contrairement à ce que certaines forces voudraient faire penser, «une recette de succès». Caritas Suisse estime que cette démarche est nécessaire, dans la mesure où le large consensus dont bénéficiait l’aide au développement depuis des décennies est en train de s’effriter. Des voix critiques jugeant que la coopération au développement est inutile et inefficace s’élèvent de plus en plus. Pour Caritas Suisse, il est donc nécessaire de définir cette coopération sur une nouvelle base politique, de l’éthique et des droits humains.
Le programme en dix points présenté par Geert Van Dok, responsable du service politique du développement de Caritas Suisse, souhaite ainsi apporter à ce secteur de l’aide au développement un soutien et augmenter son efficacité.
L’un des points phare du programme est l’augmentation progressive, jusqu’à 1% du produit national brut (PNB), du montant alloué à l’aide publique au développement, actuellement fixé à 0,5%. Caritas Suisse rappelle à ce sujet que le bien-être de la Suisse est aussi redevable des bénéfices provenant des pays émergents et en développement.
L’œuvre d’entraide considère en général comme un devoir central du Conseil fédéral de mieux englober les perspectives internationales et leur importance pour la Suisse, en particulier dans le débat politique intérieur, sur les questions économiques, sociales et écologiques.
Selon le programme de Caritas Suisse, la Confédération devrait apporter sa contribution au «Partenariat mondial pour le développement», signé en 2000, par exemple en ouvrant sans restrictions les frontières aux importations des pays en développement, en facilitant l’accès à ses marchés et en établissant des accords de libre-échange.
Le texte de l’organisation catholique demande par ailleurs plus de cohérence au niveau des interventions politiques de la Suisse ayant une importance pour les pays en développement. Ces interventions devraient aller dans le sens d’un développement durable et devraient éviter de se bloquer mutuellement.
Le Conseil fédéral est également exhorté à augmenter la pression sur les gouvernements des Etats «fragiles», pour qu’ils fassent respecter les droits humains. Parallèlement, la Suisse devrait, selon le texte, obliger légalement les entreprises internationales dont le siège est en Suisse à respecter ces mêmes droits humains, ainsi que les normes écologiques et sociales, en particulier dans le domaine des matières premières.
Caritas Suisse souligne qu’une lutte efficace contre la pauvreté ne signifie pas uniquement améliorer la situation matérielle des personnes. L’objectif est également d’œuvrer au respect des droits, à la dignité humaine et à la justice sociale.
Pour l’œuvre d’entraide, il est souhaitable d’accroître la formation professionnelle dans les pays en développement, tout en s’assurant que celle-ci soit accessible à tous les groupes de population.
Le programme exhorte la politique migratoire de la Suisse à veiller en particulier à la protection des migrants économiques, souvent exploités. L’œuvre d’entraide rappelle les faits actuels, notamment concernant le flux migratoire de Syrie, qui «montrent de manière évidente» qu’il faut avant tout à ces personnes une aide humanitaire dans le respect de leur dignité et de leurs droits, une protection dans leur pays d’origine et sur leur route, ainsi qu’une assistance en tant que personnes dans le besoin.
Pour Caritas Suisse, l’idée du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) d’impliquer le secteur privé dans la coopération au développement doit être remise en question. L’œuvre d’entraide souligne que ces deux parties poursuivent des intérêts différents. «Les entreprises doivent d’abord prendre au sérieux leur responsabilité sociale», estime l’organisation catholique.
Elle demande en général au Conseil fédéral d’informer et d’éclairer au mieux la population sur les engagements internationaux de la Suisse, notamment dans l’application de l’Agenda 2030 de l’ONU et de ses objectifs de développement durable.
Les intervenants, réunis à l’Hotel Bern, ont également rappelé les quatre piliers fondant la conception, pour Caritas Suisse, de la coopération publique au développement. Ils ont d’abord souligné que ce principe de coopération naissait de la solidarité et d’un choix de rééquilibrage. Ils ont rappelé que cet aspect était bien ancré dans la tradition politique suisse, avec de nombreux mécanismes de péréquation et de redistribution des ressources.
Mais lutter contre la pauvreté, «ce n’est pas seulement aimer les autres», a relevé Hugo Fasel, soulignant la nécessité d’agir pour la stabilité et le respect des droits humains à l’intérieur des sociétés.
Le directeur de Caritas a par ailleurs mis en exergue l’importance de la coopération au développement au regard des changements climatiques actuels. Face à ses nouveaux défis, il s’agit principalement «d’améliorer la résilience des populations rurales du Sud», a affirmé le responsable de Caritas Suisse. Il a rappelé en cela la responsabilité des pays industrialisés quant à ces dérèglements climatiques qui affectent principalement les populations du Sud.
A la fin de la conférence de presse, les trois représentants de Caritas Suisse ont réaffirmé que «la Suisse fait partie du monde». Ils ont ainsi souhaité mettre en garde contre une montée en puissance des voix qui appellent le pays à se fermer et à s’isoler. (apic/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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