L’Eglise a rappelé qu’il y a un an, les chrétiens d’Irak étaient chassés de la plaine de Ninive par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), qui venaient de s’emparer de Mossoul.
Des diocèses de Belgique, de Suisse, du Luxembourg, d’Italie, d’Espagne, d’Islande, d’Allemagne et d’Autriche – et même du Canada – se sont joints à l’appel lancé par une laïque de Toulouse, et repris par Mgr Rey, évêque de Toulon-Fréjus. Celui-ci a ensuite été suivi par Mgr Di Falco, évêque de Gap, qui a mobilisé son diocèse. Très vite, l’appel s’est répandu y compris au-delà des frontières de la France. Au total, une cinquantaine de diocèses français ont participé à l’initiative «Christian Bells», faisant sonner les cloches de leurs églises samedi à midi, avant que les fidèles ne se rassemblent sur les parvis pour prier à leur intention.
Dans les églises de l’archidiocèse de Paris, on a également prié spécialement pour les chrétiens du Moyen-Orient et on a lu une lettre du cardinal André Vingt-Trois aux patriarches catholiques chaldéen Mgr Sako et syriaque Mgr Younan. Le 6 août dernier, le pape François déplorait avec force «le silence de tous» face à la persécution de nombreux chrétiens, «victimes du fanatisme et de l’intolérance». Dans une lettre envoyée au vicaire patriarcal en charge de la Jordanie, le pape exhortait une nouvelle fois la communauté internationale à ne pas rester «muette et inerte» face à ce «crime inacceptable».
Mgr Antoine Audo, évêque chaldéen d’Alep, a également parlé de cette tragédie à ses fidèles dans son homélie de l’Assomption. Saluant l’initiative «Christian Bells», à laquelle ses fidèles sont très sensibles, ainsi que tout l’engagement de l’Eglise, particulièrement celui du pape François, il rappelle cependant que «sur le terrain, on a l’impression qu’il n’y a pas de solution politique, c’est plutôt le choix de la solution militaire».
«On nous dit que cela durer des années et des années. Les gens sont découragés et la majorité des chrétiens émigrent et quittent la Syrie. C’est là notre plus grande souffrance». La seule solution, pour l’évêque chaldéen d’Alep, est que les puissances extérieures «cessent d’armer les groupes armés, cessent d’entraîner des gens étrangers à la Syrie et de les envoyer pour détruire, pour semer la violence au nom de la démocratie et de la liberté!»
Mgr Audo estime que les gens commencent à comprendre et se libèrent de la campagne de propagande médiatique à la suite du «Printemps arabe» qui avait dominé la presse, comme si l’Occident apportait la démocratie, la liberté, la promotion de la femme et des individus.
«Toute cette propagande, c’est pour vendre la guerre aux Occidentaux, pour justifier toutes ces violences et ces interventions qui sont au service d’un projet économique et d’une domination politique».
Si la solidarité chrétienne en Occident est désormais lancée grâce à cette initiative, il ne faut pas oublier l’acharnement dont a fait preuve depuis plusieurs années déjà Mgr Jean-Clément Jeanbart, archevêque grec-catholique d’Alep, afin de rappeler le sort de ses compatriotes. Sur les ondes de Radio Vatican, il relève que l’initiative «Christian Bells est «un bon signe de prise de conscience».
Rappelant son action depuis plusieurs années pour attirer l’attention sur le drame des chrétiens du Moyen-Orient, il déploré la «longue indifférence», notant que parfois même «certains de nos évêques et de nos patriarches ont été méprisés pour leur résistance et leur volonté de rester dans le pays, pour leur recherche d’une solution qui puisse donner aux chrétiens des garanties pour l’avenir, des garanties de liberté religieuse, du respect qui leur est dû».
A ses yeux, la minorité chrétienne a été victime «de la grande campagne contre la région», particulièrement contre la Syrie, où la recherche de la démocratie et de la liberté n’était qu’un prétexte». L’archevêque grec-catholique melkite d’Alep demande à la communauté internationale d’aider à restaurer la paix dans son pays et de permettre aux minorités d’y rester pour y vivre en sécurité, rappelant que c’est dans cette région que l’Eglise est née. «Nous n’avons pas besoin d’être déportés en exil dans tous les pays du monde!»
Encadré
Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, contacté par le quotidien libanais «L’Orient-Le Jour», rappelle l’importance de «faire monter vers le ciel une prière à travers ces cloches» qui ont retenti le 15 août. Et de rappeler que ces chrétiens «sont un peuple de mémoire, directement liés au Christ. Leur présence permanente à travers les siècles est pour nous un sujet de mobilisation et de lien fort». Outre le fait de dénoncer les exactions commises envers cette communauté en sensibilisant l’opinion publique, il s’agit d’une occasion «de porter notre prière vis-à-vis de ces fidèles».
La fête mariale, qui revêt une importance toute particulière en France, mais encore davantage en Orient, est donc le moment opportun pour conjuguer les efforts de sensibilisation auprès des chrétiens qui vivent à plus de 3’000 km de l’enfer que vivent leurs frères d’Orient. «Il y a une vague qui commence à traverser l’ensemble de l’Eglise universelle». Les réseaux sociaux ont joué un rôle majeur dans la propagation de l’événement et le mot-dièse #ChristianBells a même été créé sur Twitter pour l’occasion.
Encadré
Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, présidera le 8 septembre prochain à Paris une conférence internationale sur les victimes de violences ethniques et religieuses au Moyen-Orient. Yézidis, shabaks, mandéens et chrétiens subissent de plein fouet la progression des djihadistes. Il y a six mois déjà, le Quai d’Orsay avait provoqué une réunion du Conseil de sécurité pour sensibiliser la communauté internationale au sort des minorités depuis l’arrivée de l’Etat islamique en Syrie et en Irak. Près de 60 Etats seront représentés à Paris, dont les Etats-Unis, la Russie, l’Irak, l’Arabie saoudite ou la Turquie, ainsi que plusieurs organisations internationales, au premier rang desquelles l’ONU et ses différentes agences, rapporte Radio Vatican.
La conférence sera coprésidée par le ministre des Affaires étrangères jordanien. Elle s’articulera autour de trois volets: le premier, humanitaire, concerne l’aide d’urgence à apporter aux déplacés. L’objectif étant à terme de leur permettre de retourner chez eux, dans des conditions matérielles et sécuritaires satisfaisantes. Le second volet, pénal, vise à engager des poursuites contre les auteurs de persécutions. Le troisième volet, politique, engagera les parties sur la promotion du respect du pluralisme ethnique et religieux, surtout en Irak où de plus en plus de voix s’élèvent pour réformer la Constitution, jugée trop sectaire. (apic/radvat/be)
Jacques Berset
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