«Comment la doctrine théologique et ecclésiastique ainsi que la législation de l’Eglise sont en mesure d’être à la hauteur de la réalité dans laquelle la vie humaine et chrétienne se déroule»: la théologienne Eva-Maria Faber, de Coire, a résumé ainsi la journée d’études organisée le 25 mai dernier à l’Université grégorienne à Rome, par les conférences épiscopales suisse, française et allemande. Leurs textes, qui viennent d’être publiés, ont alimenté la réflexion des 50 participants sur les thèmes du Synode sur la famille de cet automne à Rome.
Ces exposés ont balayé les approches actuelles sur la théologie du mariage. Pour Anne-Marie Pelletier, de Strasbourg, la discipline de l’Eglise au regard de l’histoire du mariage a été changeante. Or les changements sociaux contemporains questionnent l’indissolubilité du mariage. La théologienne plaide pour une pastorale des divorcés remariés, dont l’enjeu serait de réconcilier ces personnes avec leur passé, «en leur permettant de confier une relation morte (la première union) à la puissance du Ressuscité».
La pastorale préoccupe le professeur allemand Eberhard Schockendorff. Car la vie actuelle génère une multiplication des formes de vie et une segmentation des biographies individuelles. Le couple devient ainsi un endroit où les personnes cherchent à être acceptées dans tous les aspects de leur personnalité.
Dans un registre proche, le professeur François-Xavier Amherdt, théologien de Fribourg, indique que tout se passe, dans un certain nombre de cas, «comme si les couples vivaient en plusieurs mois ce que les générations précédentes vivaient en une seule journée», à savoir l’union, les relations sexuelles, le mariage civil et le mariage religieux. Il plaide donc pour la valeur des situations intermédiaires vécues par les jeunes couples, tout en gardant à l’esprit l’appel «à une valeur plus haute encore», le mariage sacramentel.
Pour le jésuite Alain Thomasset, de Paris, la doctrine des actes intrinsèquement mauvais apparaît pour beaucoup comme «pastoralement contreproductive». Il faut considérer la diversité des situations afin de permettre un discernement moral en conscience. De fait, les décisions à prendre sont plus nombreuses que pour les générations précédentes. Et dans ce sens, le partenariat sans mariage est vécu comme un «allégement».
«La réussite des mariages est devenue plus complexe», estime Anna-Maria Faber. L’Eglise doit donc porter attention aux défis de la conjugalité à travers le temps. Car le mariage indissoluble ne doit pas être d’abord un lieu d’obligation mais un don. Or les nouvelles unions, après séparation, sont encore considérées comme peccamineuses, alors qu’elles ouvrent à un avenir rempli de sens. De fait, une étude au cas par cas semble aujourd’hui présente dans l’esprit de bien des évêques.
En conclusion, les actes soulignent l’importance de la biographie individuelle dans l’histoire des couples. La crédibilité de l’Eglise est en jeu. Car l’échec d’un couple est «aussi un échec pour l’Eglise dans son ensemble». Il faut donc envisager une réflexion approfondie sur le lien entre la foi et le salut dans un peuple de Dieu en chemin, avec ses ajustages inévitables entre la doctrine et la vie. (apic/bl)
Pierre Pistoletti
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