Adrian Schenker, comment appréhender ces deux passages difficiles du Lévitique (Lv 18, 22 et 20, 13) cités par Mgr Huonder?
Ces versets disent deux choses: ils parlent de l’acte sexuel entre deux hommes et, par analogie, entre deux femmes. Ils ne parlent en aucun cas de l’inclination homosexuelle que la bible ne condamne d’aucune manière.
Pour comprendre ces passages, il importe d’en saisir le contexte. Il s’agit ici de l’interdiction de l’inceste. Une telle prohibition sert à la paix du vivre-ensemble, garantie par des relations ordonnées: une fille est la fille de son père et non pas en même temps son amante – auquel cas elle ne saurait pas qui elle est.
De même, l’altérité sexuelle est source de paix: elle octroyait à l’individu une place et un rôle défini dans la société israélienne telle qu’elle était cinq siècles avant Jésus-Christ.
Cette conception est-elle directement transposable à notre société, 2500 ans plus tard?
Pas dans une proportion d’un à un. Il faut mesurer le rapport entre notre société et celle du Lévitique au travers d’une herméneutique biblique, ce que Mgr Huonder ne semble malheureusement pas avoir entrepris.
D’un point de vue exégétique, on peut dire que ce que la bible veut assurer en premier lieu, c’est l’identité personnelle, psychologique et sociale paisible. Dans cette perspective, les punitions que mentionne l’Ancien Testament [être puni de mort, ndlr], ne sont pas de l’ordre du droit pénal: les peines ne sont pas des peines pénales qu’un «juge» devrait faire appliquer, mais elles indiquent la gravité d’un acte.
Sur un plan moral, on peut aujourd’hui se demander dans quelle mesure le nivellement des rapports sexuels – non pas des inclinations – ne constitue pas un danger pour la quête identitaire des individus.
On assiste aujourd’hui à une relativisation des relations sexuelles – il y a de moins en moins de distinctions: elles sont toutes équivalentes. Je crois que ce n’est ni utile, ni bon pour une société, quelle qu’elle soit, parce que, ce faisant, elle ne protège pas l’identité personnelle et sociale dont on a besoin.
C’est bien évidemment une question difficile et il n’y a pas de réponse complètement satisfaisante. La bible ne condamne pas l’inclination homosexuelle, mais les actes homosexuels. Il y a là une sorte de réserve que le monde moderne et beaucoup de psychologues ne reconnaitraient pas.
D’un point de vue pastoral enfin, comme prêtre, que diriez-vous à un chrétien homosexuel qui ne pourrait pas vivre chastement?
Faites ce que vous pouvez et ne soyez pas culpabilisé plus que nécessaire par ce que la bible exprime, précisément parce qu’elle n’exprime pas une peine à appliquer. Je suis conscient que, devant les milieux gays, cela ne suffirait pas, mais je crois que pour un croyant, on peut essayer de considérer la réserve de la bible et de l’Eglise sur l’acte sexuel. (apic/pp)
Pierre Pistoletti
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