«Évangéliser est notre révolution» a lancé le pape lors de la célébration de la messe au parc du Bicentenaire de Quito. Il a comparé le «susurrement de Jésus lors de la dernière Cène», au «cri de l’Indépendance de l’Amérique hispanique, un cri né de la conscience de manque de libertés, la conscience d’être objet d’oppression et de pillages. Je voudrais qu’aujourd’hui les deux cris coïncident sous le beau défi de l’évangélisation», a alors souhaité le pape, en référence au thème principal de son voyage en Amérique latine : la joie de l’évangélisation. Et le pape de lancer avec vigueur à la foule : «C’est cela évangéliser, c’est cela notre révolution – parce que notre foi est toujours révolutionnaire – c’est cela notre cri le plus profond et le plus constant !».
Le voyage du pape en Amérique latine survient en plein bicentenaire de nombreux pays du continent. «A ce cri de liberté lancé il y a un peu plus de 200 ans, a continué le pape argentin, il n’a manqué ni conviction ni force, mais l’histoire nous relate qu’il a été indiscutable seulement quand il a laissé de côté les individualismes, la volonté de leadership uniques, le manque de compréhension d’autres processus de libération ayant des caractéristiques différentes mais pas pour autant antagonistes». «L’évangélisation, a alors souligné le pape, peut être le véhicule d’unité des aspirations, des sensibilités, des espoirs et même de certaines utopies».
Ce discours du pape François est fortement teinté de références à l’histoire postcoloniale de l’Amérique latine. A peine l’indépendance consommée, de nombreux conflits frontaliers ont éclaté sur le continent latino-américain. Entre le Pérou et l’Equateur, par exemple, le différend frontalier, éclaté en 1830, n’a trouvé sa résolution que récemment, en 1998. Avec ces mots, le pape argentin rappelle ainsi aux fidèles d’Amérique du Sud le «rêve de la Grande Patrie», idéal d’unité des peuples américains, porté par les grands héros des indépendances sud-américaines comme José de San Martin et Simon Bolivar, et encourage donc l’union entre les différents peuples d’Amérique latine.
«L’immense richesse de ce qui est varié, de ce qui est multiple, atteignant l’unité chaque fois que nous faisons mémoire de ce Jeudi saint, nous éloigne de la tentation de propositions plus proches des dictatures, des idéologies ou des sectarismes», a ajouté le pape François, se référant à l’histoire plus récente d’Amérique latine. L’Equateur, tout comme la Bolivie et le Paraguay – prochaines étapes du pape lors de ce voyage– ont vécu plusieurs périodes de dictatures militaires. L’Equateur, notamment, a été marqué par trois épisodes de dictature. Le pape a dès lors appelé à «lutter pour l’inclusion à tous les niveaux, en évitant des égoïsmes, en promouvant la communication et le dialogue, en encourageant la collaboration». «Il est impensable que brille l’unité si la mondanité spirituelle fait que nous sommes en guerre entre nous, a insisté le pape, dans une recherche stérile du pouvoir, du prestige, du plaisir ou de la sécurité économique».
Cette messe géante a ainsi été célébrée dans un décor des plus orignaux, sur le tarmac d’un aéroport désaffecté, où avait atterri Jean-Paul II (1978-2005) en 1985 lors de son voyage en Equateur. Le pape François, vêtu d’une chasuble tissée de manière artisanale avec des motifs indigènes, s’est adressé aux fidèles équatoriens depuis un immense podium blanc coloré de nombreuses décorations réalisées avec des roses. Devant l’autel, un immense colibri fait de roses représentait le symbole de Quito. Au cours de la célébration, les lectures ont été effectuées en langue amérindienne. Dans l’assemblée, figuraient de nombreuses communautés indigènes, dont certains Tsachilas en costume traditionnel. On ne compte plus que quelque 2000 Tsachilas aujourd’hui en Equateur, contre environ 20 000 à la fin du 18e siècle. (cath.ch-apic/imedia/bl/ce)
Catherine Erard
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