Le ministère précise toutefois qu’une somme de 230’000 euros en provenance de Cordaid, la Caritas des Pays-Bas, à destination de Caritas India, a été bloquée. L’argent ne sera versé à son destinataire qu’après un éventuel feu vert des agences de sécurité, rapporte le 1er juillet 2015 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris.
Joint au téléphone par EdA, le Père Jolly Puthenpura, administrateur de Caritas India, déclare que ce communiqué met fin à un «quiproquo» né d’une mauvaise interprétation par la presse du gel de ce virement bancaire en provenance des Pays-Bas. Il précise que, depuis sa fondation en 1962, Caritas India a toujours agi en respectant la législation indienne, veillant scrupuleusement à observer les dispositions de la Loi sur les contributions financières étrangères. Quant au virement de 230’000 euros, le Père Jolly ajoute que le don sera refusé si le gouvernement formule des objections à l’endroit de Cordaid.
Selon les informations d’EdA, Cordaid a été placée le 6 août 2012 sur la liste dite de «prior approval», regroupant les ONG et autres organisations dont les dons arrivant en Inde sont soumis à un accord préalable des autorités fédérales. A cette époque, le gouvernement de New Delhi, dirigé par Manmohan Singh (Parti du Congrès), appréciait très peu l’opposition manifestée au Tamil Nadu contre la construction d’une centrale nucléaire de conception russe. Parmi les riverains de cette centrale, sise à Kudankulam, à la pointe du pays, se trouvent des villages très majoritairement catholiques. L’évêque du lieu, Mgr Yvon Ambroise, évêque de Tuticorin et ancien président de Caritas India, faisait l’objet d’une étroite surveillance des autorités indiennes. Les comptes bancaires de l’association diocésaine de Tuticorin et d’une autre ONG liée à l’Eglise catholique, toutes deux accusées de servir des intérêts étrangers, avaient été un temps bloqués. Depuis cette époque, Cordaid est restée sur la liste dite de «prior approval» de la loi FCRA et les virements qui en sont issus à destination de Caritas India se trouvent soumis à vérification de la part du gouvernement fédéral.
A ce jour, seize ONG étrangères actives en Inde se trouvent sur la liste «prior approval». Près de douze d’entre elles y ont été inscrites du temps du dernier gouvernement de Manmohan Singh (2009-2014). Ces dernières semaines toutefois, l’attention des médias, notamment étrangers, s’est focalisée sur le fait que le gouvernement de Narendra Modi (droite nationaliste hindoue, au pouvoir depuis mai 2014) avait, un temps, gelé les comptes de l’organisation écologiste Greenpeace India. Sous couvert de faire respecter l’exigence légale de neutralité politique à laquelle sont astreintes les ONG étrangères ou financées sur fonds étrangers actives en Inde, le gouvernement Modi a été soupçonné de vouloir faire taire les organisations dénonçant les méfaits d’une exploitation sans frein des ressources naturelles et minières du pays.
Parmi les quelque deux millions d’ONG actives en Inde, qu’elles soient locales ou issues d’ONG internationales, dont un très grand nombre sont impliquées dans des actions de développement, le gouvernement a lancé une vaste opération de contrôle. Ces deux derniers mois, 13’000 ONG ont vu leur enregistrement administratif révoqué, au motif qu’elles n’ont pas rempli de déclarations fiscales durant au moins trois ans depuis 2009.
Selon Tapan Kumar Bose, écrivain et militant engagé pour la défense des droits de l’homme, «le problème est qu’en contraignant des ONG à cesser leurs opérations, le gouvernement agit de manière particulièrement sélective et arbitraire». L’action gouvernementale semble en effet dirigée par une volonté de réduire au silence certaines ONG perçues comme influentes. Fondatrice et présidente de l’ONG United Human Rights Federation Delhi, Prabha Kiran souligne le rôle qu’ont tenu certaines ONG dans la défaite cuisante essuyée par le BJP face au Parti de l’homme du peuple (Aam Admi Party – AAP), mené par Arvind Kejriwal, en février dernier aux élections législatives du territoire de Delhi. «Le gouvernement de Modi craint le pouvoir d’influence des ONG car certaines d’entre elles ont joué un rôle-clef dans la dénonciation de la corruption et des pratiques délictueuses des partis politiques», explique Prabha Kiran à Benar News. Tout comme la campagne anti-corruption menée par Anna Hazare a contribué à la défaite de la coalition UPA (United Progressive Alliance), menée par le Parti du Congrès, lors des dernières législatives, «le gouvernement Modi peut craindre le même sort et il agit donc de manière préventive en s’en prenant aux ONG», analyse encore Prabha Kiran. (apic/eda/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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