L’organisation caritative rejoint une liste d’associations qui se retrouvent soumises à une approbation officielle, la «prior approval», avant de recevoir ou de distribuer des fonds étrangers dans le pays.
Fondée en 1962, Caritas India est membre du réseau Caritas Internationalis, basé au Vatican. Elle est inscrite sur la liste du gouvernement aux côtés de 16 autres organisations internationales ou financées par des fonds étrangers. Selon le gouvernement, ces organisations ont violé la législation sur le financement par des fonds étrangers, un cadre strict créé en 1976 pour contrôler l’influence étrangère sur les militants de la société civile. Elles sont accusées d’avoir soutenu et financé des groupes ayant des activités politiques, et agissant «contre l’intérêt national».
Ce contrôle sur le financement étranger est la nouvelle étape d’un vaste mouvement de surveillance des ONG opéré par le gouvernement de Narendra Modi, élu en mai 2014, affirme «La Croix». Issu du parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party (BJP), le nouveau pouvoir regarde avec suspicion les ONG étrangères, ou indiennes financées par des fonds extérieurs. Ce financement étant conditionné à une neutralité politique, plus de 9’000 organisations se sont vu geler leurs comptes ces derniers mois, au motif de militantisme. Une note datée du 3 juin 2014 des services de renseignements indiens donne le cadre conceptuel des dirigeants politiques actuels, indique Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Intitulé «Les efforts concertés de certaines ONG financées par des fonds étrangers pour mettre à bas les efforts de développement de l’Inde», le document a rapidement fuitée dans la presse indienne et on peut y lire un réquisitoire sévère contre Greenpeace, Survival ou bien encore Amnesty International dans leur combat contre la mise en service d’une centrale nucléaire de fabrication russe, de certaines mines de charbon qui allaient entraîner une importante déforestation ou de divers projets industriels. «Leur militantisme met en péril la sécurité économique intérieure» et coûte «entre 2 et 3% de croissance à l’économie indienne chaque année», affirmait alors l’Intelligence Bureau – sans donner les détails de ce calcul.
Mais, ainsi que le précise encore le site Asialyst dans un article du 19 juin dernier, les motivations du gouvernement indien ne sont pas qu’économiques. Si le Premier ministre Narendra Modi a développé une aversion pour ces ONG, c’est aussi parce qu’il a été la cible de leurs poursuites à cause de son rôle présumé dans les massacres de musulmans lors des pogroms de 2002 au Gujarat, époque où il était ministre-président de cet Etat.
Selon Michel Roy, secrétaire général de Caritas Internationalis, le prétexte pour mettre l’organisation caritative catholique sous surveillance est lié à la construction contestée de la centrale nucléaire de Kudankulam, dans l’Etat du Tamil Nadu, au sud du pays. Le projet, qui dure depuis 2011, se trouve sur le territoire du diocèse côtier de Tuticorin, un des plus importants diocèses catholiques de l’Inde. Il a rencontré la vive opposition des autorités catholiques locales. «L’évêque du lieu, Mgr Yvon Ambroise, a dénoncé le déplacement forcé des populations du site où est construite la centrale nucléaire, et le danger qu’elle fait peser sur l’environnement, explique Michel Roy. L’évêque est un ancien directeur de Caritas India, et cela a été reproché à l’organisation».
Outre la protestation contre la centrale nucléaire, l’aide apportée par Caritas et les évêques indiens aux dalits, les ex-»intouchables» exclus du système des castes, n’est pas appréciée par les nationalistes hindous. (apic/cx/eda/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/inde-caritas-placee-sous-surveillance/