Ancien membre de la commission de consécration de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV), Jacques-André Haury jette son regard de protestant sur le texte du pape François. Il relève la vision hiérarchique de l’encyclique qui fait clairement la distinction entre Dieu, l’être humain et la création.
Cath.ch : Quelle est votre appréciation générale de l’encyclique du pape François «Laudato si»?
Jacques-André Haury: Je vous remercie de m’avoir ‘obligé’ à lire cette encyclique. Il s’agit d’un document de synthèse, remarquable, très fouillé, très riche. Ce n’est pas un travail courant. Cela montre aussi la capacité du Saint-Siège à disposer des forces matérielles et intellectuelles pour réaliser ce genre d’analyse. Je suis très admiratif de l’exhaustivité de la réflexion. J’apprécie aussi le ton modéré et la prudence. Par exemple sur les OGM le ton est ferme, mais il ne condamne ni l’activité humaine ni la science.
Cath.ch : Quel est à vos yeux l’élément le plus typique qui distingue ce texte d’autres réflexions sur l’écologie ?
J-A H: La vision ordonnée et hiérarchique de l’encyclique me plaît beaucoup. Il y a Dieu, l’être humain et la création. On ne met pas la création à la place de Dieu, ce qui est la tendance de beaucoup d’écologistes qui divinisent la création. On ne met pas l’homme au même rang que les animaux, les plantes ou les rochers. Cela distingue l’encyclique de pas mal de réflexions faites par les milieux écologiques fondamentalistes. L’encyclique contient aussi une espérance dans l’humanité. L’être humain est porteur d’espérance, il n’est pas juste une espèce d’accident nuisible à la création.
Cath.ch : L’encyclique insiste aussi sur l’aspect intégral de l’écologie ?
J-A H: Ce n’est peut-être pas ce qui est le plus frappant. Le développement durable englobe l’environnement, le social et l’économie. Ce qui est particulier est la dimension morale. Le pape établit une corrélation nette entre la perte des valeurs morales due à l’individualisme et la perte du respect de la création. Il fait de l’écologie une valeur morale, dans le sens de la distinction entre le bien et le mal, même si la société actuelle peine à l’entendre. Il dénonce aussi la théorie de la croissance infinie qui est presque une théologie chez les économistes.
Comme protestant, je me retrouve bien aussi dans la conception du travail relevée par le pape. Le travail de l’homme n’est pas une pénitence ou un fardeau, mais une manière de contribuer à la gloire de Dieu.
Cath.ch : Vous dites beaucoup de bien de ce texte, mais vous avez probablement des points de désaccord ?
J-A H: Ce qui me paraît faux est de nier l’importance de la croissance démographique. C’est à mon avis le facteur le plus déterminant dans l’épuisement des ressources. Sur ce point, je suis en désaccord. Dans bien des pays, y compris chez nous, c’est un aspect déterminant, voire prépondérant, que cette croissance soit liée à la natalité ou à l’immigration.
Cath.ch : Dans son texte le pape épingle aussi le libéralisme et la soumission aveugle au marché.
J-A H: J’appartiens à un courant du libéralisme moral protestant qui a marqué le canton de Vaud et la Suisse romande. Ce n’est pas un libéralisme économique total. Pour ainsi dire, notre vision est celle d’un homme ‘libre de faire le bien’. Le vert libéral a une dimension morale. L’insistance du pape François sur cet aspect ne me dérange pas. D’autant moins qu’il ne nie pas les efforts des pays occidentaux pour réduire la pression sur l’environnement. Nous avons pris chez nous un certain nombre de décisions qui vont dans le sens de sortir de la ‘culture du déchet’, comme il le dit. On pourrait probablement faire mieux quant à l’équilibre des ressources entre les pays. En tant que député, je suis conforté dans l’idée que l’écologie doit être animée par une volonté morale. Contre le relativisme ambiant dans lequel chacun sait ce qui est bon pour lui.
Cath.ch : Comment voyez-vous l’importance et la portée de ce texte ?
J-A H: On aurait en quelque sorte besoin de missionnaires qui portent cet évangile de l’écologie dans les pays frappés par la corruption où des réalités empêchent la prise de conscience et la réalisation de progrès.
Le texte aura une portée importante dans une l’Eglise catholique hiérarchisée. On sent qu’il s’adresse aux cardinaux et aux évêques dans tous les pays. Ces réflexions vont ainsi pourvoir passer. J’espère que les pasteurs de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) vont le lire et peut-être en dire quelque chose. (apic/mp)
Maurice Page
Portail catholique suisse
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