La règle du célibat s’est imposée en 1139 au concile de Latran, rappelle l’économiste, qui relève qu’un débat s’engage actuellement sur le sujet au sein de la hiérarchie catholique. Il note que, d’un point de vue économique, la réforme serait délicate à conduire et qu’elle aurait des conséquences importantes sur le mode d’organisation de l’Eglise.
Une association sans but lucratif telle que l’Eglise catholique a comme caractéristique de n’avoir ni actionnaires ni fonds propres, et donc aucun ayant droit pour ramasser «ce qu’il reste», profit ou perte, une fois que les divers engagements contractuels ont été honorés, souligne François Meunier. Qu’une association vive de dons et de cotisations, et non d’apport en capital et de profit retenu, fait en général que le contrôle externe exercé par les tiers (les donateurs) est moindre que pour les sociétés de capitaux, parce qu’il s’agit pour ces dernières d’»investisseurs», qui attendent un retour, relève l’économiste. «Par contre, les incitations des différents agents internes à s’approprier certains avantages à titre privé demeurent, à l’égal de ce qu’elles sont dans les sociétés à but lucratif», assure-t-il.
François Meunier se réfère aux économistes américains Eugene Fama et Michael Jensen, qui se demandent notamment comment, faute d’une surveillance importante dans une organisation d’extension universelle, on ne connaisse finalement que très peu de cas de captation privée des fonds issus des donations et autres revenus de l’Eglise? La raison, selon les deux auteurs, est – pour parler leur langage – que les «contrats» de nomination du clergé catholique imposent les vœux de célibat et de pauvreté. De fait, les prêtres catholiques ont un train de vie très modeste. S’ils avaient une famille à nourrir, et les souhaits pressants de la femme et des enfants d’avoir une vie confortable, la tentation serait plus grande, assurent les experts américains. D’après eux, il s’agit de la principale raison invoquée par les évêques réunis au concile de Latran en 1139 pour imposer le célibat: «le risque était trop grand dans une aussi vaste organisation, riche de plus d’un très gros patrimoine, que s’imposent progressivement par la filiation des nominations de prêtre de père en fils, et des captations larvées de patrimoine». François Meunier ajoute qu’il existe dans l’Eglise, comme élément de cohésion, une formation des prêtres qui repose essentiellement sur la théologie. Cette formation, très «spécifique à l’organisation», lie efficacement le prêtre à son poste, sous la tutelle de sa hiérarchie, sachant en retour que le prêtre bénéficie d’une garantie de poste à vie, soutient l’expert.
François Meunier note qu’il n’en va pas de même dans la plupart des autres religions monothéistes et des autres confessions chrétiennes, où il y a un «check and balances» au niveau local. En contrepartie, il y a un dogme à peu près unifié dans le catholicisme, alors que l’autonomie des communautés de prière favorise dans d’autres cultes un brouhaha sur le dogme, relève-t-il. L’économiste conclut: «Si l’abandon du célibat semble une réforme assez probable, qui de plus répond à l’attente de la communauté des catholiques, ses conséquences sur le mode de gouvernance de l’institution sont importantes». (apic/lt/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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