Le prêtre a été kidnappé en compagnie du diacre Boutros Hanna au Monastère de Mar Elian (Saint Julien), dont il est le prieur.
Dimanche 24 mai, solennité de la Pentecôte, les fidèles ont prié dans les églises syro-catholiques du monde entier pour demander la libération du Père Jacques Mourad. Le patriarche d’Antioche des syro-catholiques Ignace Youssef III Younan avait invité tous les fidèles syro-catholiques à exprimer par la prière et par d’autres actes de dévotion et de pénitence leur communion spirituelle avec les deux séquestrés.
«Offrons des prières, des messes, des supplications et des jeûnes – peut-on lire dans le message envoyé par le patriarche aux communautés syro-catholiques de par le monde – dans l’espoir que le Père Mourad soit libéré et revienne bientôt dans sa paroisse». Dans le texte cité par l’agence d’information vaticane «Fides», le patriarche invite tous les fidèles à être «fermes dans la foi, dans l’espérance et dans la confiance dans le Seigneur et dans les promesses qui ne déçoivent pas, en suppliant la Mère de Dieu et tous les saints martyrs et confesseurs pour la libération du Père Mourad».
Le Père Jacques Mourad a été enlevé à Qaryatayn – petite ville du centre de la Syrie à une centaine de kilomètres de Palmyre – où il a dirigé pendant douze ans la paroisse catholique locale et vécu dans le monastère de Mar Elian. Juste avant son enlèvement, le Père Mourad écrivait ceci: «Nous vivons en ce moment un temps difficile, beaucoup de tension, car les extrémistes qui s’appellent ‘Daech’ approchent de notre ville de Qaryatayn après leurs domination de Palmyre où ils ont tué beaucoup des gens en coupant les têtes… C’est terrible ce que nous vivons… Aujourd’hui nous sommes là, demain on ne sait pas. La vie devient compliquée. Priez pour nous S.V.P»
Le couvent de Mar Elian avait accueilli ces derniers jours de nombreuses personnes évacuées de Palmyre, ville tombée entre les mains de ‘Daech’, le soi-disant «Etat islamique», et aidait depuis toujours de nombreux musulmans venu chercher du soutien au couvent de Saint Elian, monastère jumeau de Mar Moussa (Deir Mar Musa al-Habachi, ou Saint Moïse l’Abyssin), mais situé plus à l’est.
Le Tessinois Roberto Simona, responsable pour la Suisse romande et italienne de l’œuvre d’entraide catholique «Aide à l’Eglise en Détresse», vient de passer une dizaine de jours dans la région occidentale de la Syrie, où il a visité le monastère de Mar Moussa, dans la région du Qalamoun, un couvent aujourd’hui déserté par ses hôtes étrangers.
Il rappelle que le prêtre syriaque enlevé fait partie de la communauté monastique de Mar Moussa, dont le fondateur, le Père jésuite italien Paolo Dall’Oglio, a été enlevé par ‘Daech’ le 29 juillet 2013 à Raqqa, au centre de la Syrie, siège du mouvement terroriste islamiste.
A Mar Elian, les religieux apportent un soutien aux victimes des combats. Alors qu’il faut moins d’une heure pour s’y rendre depuis Mar Moussa, Roberto a dû mettre quelque trois heures, pour des raisons de sécurité. Les habitants des lieux, qu’ils soient musulmans sunnites, chiites, alaouites ou chrétiens, craignent en effet les infiltrations des islamistes de Daech qui progressent en direction de Homs, après la prise de Palmyre.
Outre l’enlèvement du Père Dall’Oglio, il faut rappeler qu’on est sans nouvelles de deux évêques d’Alep, enlevés le 22 avril 2013. A cette date, des hommes armés ont kidnappé Boulos Yazigi, évêque grec-orthodoxe d’Alep, deuxième ville de Syrie, et Youhanna Ibrahim, métropolite de l’Eglise syrienne orthodoxe de la même ville, dans la localité de Kafar Daël. Aucune information n’a filtré depuis, rappelle pour sa part le Père Nawras Sammour, directeur régional du Service Jésuite des Réfugiés (JRS) au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Le religieux jésuite mentionne également l’assassinat du Père François Mourad, assassiné à Ghassanieh 23 juin 2013, et celui du Père jésuite Frans Van Der Lugt, tué par balles à Homs 7 avril de l’année dernière. «Nous sommes conscients des risques que nous courons comme prêtres, mais nous ne pouvons pas faire autrement qu’aider et être proche des Syriens, chrétiens et musulmans. Très souvent, nous sommes leur seul point de référence», souligne-t-il.
De son côté, l’Œuvre d’Orient à Paris – une association française qui vient en aide aux chrétiens du Moyen-Orient – appelle la France à réévaluer son action en Syrie. L’œuvre d’entraide «constate avec colère le déploiement de Daech dans différentes zones de l’Irak et de la Syrie», à la frontière irako-syrienne, dans la ville de Ramadi en Irak et de Palmyre en Syrie. «La prise de cette dernière cité est une catastrophe culturelle d’ampleur mondiale, mais aussi une catastrophe stratégique et morale».
L’Œuvre d’Orient souligne aussi que, dans les zones de la plaine de Ninive où se trouvaient les chrétiens, Daech «n’a pas reculé d’un seul centimètre. Il est plus que jamais urgent de prendre les moyens de les neutraliser». L’Œuvre d’Orient espère que la Réunion Internationale qui doit avoir lieu le 2 juin prochain à Paris permettra la mise en œuvre des moyens nécessaires afin de mener des actions efficaces, et souhaite que l’action de la France en Syrie soit «réévaluée». (apic/be)
Jacques Berset
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