«La photocopieuse a décidé d’être brouillonne, aujourd’hui, comme le temps», s’excuse le jésuite en distribuant à chaque participant quelques copies, »dans le désordre», de sa propre traduction de l’Apocalypse. Il s’assied ensuite sur la table qui fait face à l’assemblée et entre dans le thème du jour. «Vous croyez avoir échappé au déferlement du mal dont parle l’Apocalypse?», lance-t-il. «Vous le voyez tous les jours à la télévision. Le texte nous dit qu’un des anges vide sa coupe dans la mer et que cette dernière devient comme du sang. Est-il nécessaire de retourner à Patmos au temps où Jean écrivait l’Apocalypse? Il suffit de voir ce qu’il se passe aujourd’hui en méditerranée…»
En amoureux de la Parole de Dieu, Jean-Bernard Livio scrute le sens des mots qu’elle contient. «Dieu est en colère. C’est un sentiment que nous connaissons bien et la bible a cette audace insigne de plaquer la réalité telle que nous l’éprouvons sur Dieu». Sauf que la distance qui sépare l’homme de Dieu implique d’élargir nos concepts à une réalité plus vaste. «Lorsque l’on parle de la colère de Dieu, il faut saisir qu’il y a quelque chose que nous avons en commun avec lui et, dans le même temps, quelque chose qui rend sa colère spécifique. Lorsque Dieu se met en colère, il nous amène à prendre conscience de la nôtre, parfois légitime. Elle devient problématique lorsqu’elle nous conduit à claquer la porte, à couper toute relation et, au final, à éliminer l’autre. Quand Dieu se met en colère, c’est au contraire pour rester en relation.»
«Jean-Bernard Livio explique la bible avec une pédagogie qui lui est propre», affirme Jacques Pasquier-Dorthe, fidèle à ses rencontres depuis de nombreuses années. «Son style n’est ni académique ni catéchétique, il cherche à être le plus simplement possible en prise avec la réalité. A force d’assister à ses vendredis bibliques, des choses reviennent régulièrement. On les assimile progressivement», confie ce professeur d’université aujourd’hui à la retraite.
Depuis le début de ces rencontres mensuelles à Notre-Dame de la Route, il y a 33 ans, le jésuite cherche à révéler l’actualité de la Parole de Dieu. «C’est une parole vivante, un texte pour aujourd’hui. Nous avons choisi, cette année, le thème de la colère parce que la révolte est toujours d’actualité. La colère est le lot de tous, il est le mien également. Face à tous les drames qui se déroulent au quotidien, on est amené à se poser la question de la présence de Dieu. Où est-il lorsque l’humanité souffre? Je n’ai pas de réponse et je ne suis pas là pour en offrir. Je suis là pour susciter la soif de trouver des réponses.
Pour le bibliste, la bible n’est pas un livre de recettes. «Dieu ne nous dit pas d’entrée ce qu’est le bien – et respectivement le mal. Il n’est pas une leçon de morale, mais une relation. La parole de Dieu est une vie que je dois risquer. Il arrive parfois que je me trompe, c’est normal. Je ne suis sûr que d’une seule chose: Dieu est là. Toujours.»
La colère – celle de Dieu et celle des hommes – restera donc un mystère. Il n’y aura pas de réponse toute faite pour la soixantaine de participants, mais un axe de réflexion en prise avec la complexité du réel. Jean-Bernard Livio aura emmené son auditoire sur une ligne de crête, un juste milieu entre anthropomorphisme et mysticisme désincarné.
Encadré: Les vendredis bibliques de Jean-Bernard Livio
Depuis 33 ans, Jean-Bernard Livio sj propose, un vendredi biblique mensuel à Fribourg (Notre-Dame de la Route), et à Lausanne (paroisse Saint-Amédée). Les thèmes sont différents d’un lieu à l’autre: «Dieu de colère ou Dieu d’amour» à Fribourg cette année et «Comment Jésus lisait-il la Bible?» à Lausanne. Ces rencontres ne sont ni un enseignement académique, ni une prédication, mais plutôt une réflexion en prise avec l’actualité qui s’articule autour de thématiques bibliques.
Prochaines dates:
(apic/pp)
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse
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