«Après avoir dit cela, il fut élevé pendant qu’ils le regardaient, et une nuée le déroba à leurs yeux», disent les Actes des apôtres (1,9). L’élévation du Christ comme relatée dans la Bible, a évidemment un aspect éminemment symbolique. Depuis l’essor de l’aviation, nous avons la certitude que le paradis ne se trouve pas au ciel. Le récit figure principalement l’entrée de Jésus dans la gloire du Père, suite à la résurrection, et la fin de sa présence terrestre. Mais l’on peut en fin de compte se demander pourquoi le Christ est censé être parti vers le haut plutôt que vers le bas. Et pourquoi le «haut» est dans notre culture judéo-chrétienne connoté positivement, en opposition au «bas». C’est sur cette question que François-Xavier Amherdt tente d’élever notre compréhension.
cath.ch: La perception d’un paradis situé dans le ciel et d’un enfer placé sous la terre n’est pas universelle. Pourquoi la culture judéo-chrétienne voit-elle les choses ainsi ?
François-Xavier Amherdt: Pour la cosmologie biblique, l’univers se répartit entre le monde céleste, la réalité terrestre et le domaine non maîtrisable et chaotique des profondeurs. Les Ecritures juives et chrétiennes ont tendance à «situer» Dieu dans les hauteurs (»Notre Père qui es aux cieux») pour affirmer que c’est bien le Seigneur qui a créé le soleil, les astres, les étoiles et la lune – que les civilisations environnantes avaient tendances à vénérer – et que c’est lui le seul qu’il faut adorer : Dieu est plus grand que toutes les «puissances d’en-haut» et celles-ci sont disposées comme un chœur cosmique pour célébrer sa louange.
De plus, pour exprimer la Résurrection de Jésus-Christ, le Nouveau Testament emploie le verbe «se lever», par exemple dans la phrase «il s’est levé d’entre les morts». Ainsi le Ressuscité transmet aux hommes son Esprit Saint pour qu’ils soient des êtres debout, non des esclaves rampant sur le sol ou regardant vers le bas. Au jour de Pâques, la liturgie fait retentir le cri de saint Paul aux Colossiens: «Vous êtes ressuscités (= relevés) avec le Christ. Recherchez donc les réalités d’en-haut; c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu». Même la devise olympique «Plus vite, plus haut, plus fort» s’inscrit dans cette dynamique: l’être humain n’est pas fait pour baisser la tête et demeurer sous terre ; il est aspiré vers le haut, vers les grands espaces où il peut donner sa pleine mesure.
Q: Y a-t-il eu chez les chrétiens une réelle croyance à un moment de l’histoire selon laquelle le paradis se trouvait physiquement dans le ciel ?
FXA: Sans doute que la tentation a pu guetter les chrétiens, à certaines époques, de vouloir matérialiser le paradis et de le placer quelque part, au sommet des plus hautes montagnes, ou dans les nuées. Cependant, l’enseignement de l’Eglise a toujours considéré que le «Royaume des cieux» n’était pas un lieu physique, mais un état, c’est-à-dire «être avec Dieu pour l’éternité». Ainsi que Jésus le dit sur la croix au bon larron: «Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis!».
Q: Quel sens finalement donner au récit et à la fête de l’Ascension?
FXA: L’Ascension signifie que toute la réalité terrestre et charnelle du Fils de Dieu, ses paroles, ses larmes et ses joies, ses rencontres, son combat pour les petits et la justice, ses déceptions et ses souffrances, son corps crucifié, est assumée auprès du Père. Lui qui est «descendu» sur terre pour se faire l’un de nous, «remonte» dans l’Esprit auprès de celui qui l’a envoyé, afin de nous permettre, à nous les hommes, de devenir Dieu comme lui. Et c’est l’ensemble de l’humanité et de la création qu’élevé de terre, le Ressuscité attire vers le haut, en attendant les cieux nouveaux et la terre nouvelle, pour le banquet céleste partagé par les nations de toutes races et toutes cultures.
Encadré
La fête de l’Ascension
Les sources essentielles du récit de l’Ascension se trouvent dans deux textes écrits par saint Luc, son Evangile et les Actes des apôtres.
C’est au IVe siècle que l’Eglise a fixé la date de l’Ascension quarante jours après Pâques. C’est pourquoi elle tombe toujours un jeudi. Elle marque la fin du temps pascal. Après les quarante jours de privations du Carême vient ainsi une autre période de quarante jours de fêtes et de joie.
La tradition chrétienne situe l’événement de l’Ascension sur le Mont des Oliviers, près de Jérusalem. On dit même, sur place, que l’on peut voir l’empreinte des pieds de Jésus restée dans le roc.
Jour férié en…Indonésie
La fête a rapidement connu une grande importance dans les pays catholiques. En France, lors du concordat signé entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII, l’Ascension est restée l’une des quatre fêtes d’obligation, c’est-à-dire toujours chômées, avec Noël, l’Assomption et la Toussaint. Aujourd’hui, ce jeudi est encore férié dans plus de 23 pays, dont l’Indonésie, le pays regroupant le plus grand nombre de musulmans.
La fête donne lieu à de nombreuses traditions dans les pays où elle est célébrée. En Suède, certains fidèles pratiquent le jeudi de l’Ascension, le «gök-otta». Il s’agit d’une balade très matinale dans les bois afin d’écouter les premiers chants du coucou. Un cri de cet oiseau venant de l’est ou de l’ouest est censé porter chance.
En Angleterre, la fête est associée à de nombreux festivals liés à l’eau. A cette occasion, des sources où des fontaines sont décorées de pétales de fleurs et de motifs religieux.
Dans les communautés rurales du Portugal, des fagots composés de branches d’oliviers, de fleurs et d’épis de blé sont fabriqués pour être placés dans les maisons. Ils sont censés apporter paix et prospérité aux résidents tout au long de l’année. (apic/rz)
*L’interview a été réalisée en avril 2013
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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