Non au diagnostic préimplantatoire, oui à l’être humain, disent les évêques suisses

Fribourg, 11 mai 2015 (Apic) Les évêques suisses refusent la modification de la Constitution en vue de l’autorisation du diagnostic préimplantatoire (DPI) soumise au vote populaire le 14 juin prochain.

Dans un communiqué du 11 mai 2015, la Conférence des évêques suisses (CES) refuse fermement d’ouvrir la porte au diagnostic préimplantatoire (DPI).

«La situation de départ est tragique: c’est la souffrance d’un couple qui est susceptible de transmettre une maladie génétique grave. La méthode du DPI est présentée comme solution à ce problème», explique la CES. Mais la méthode pose plusieurs problèmes graves: «par le DPI, on ne soigne pas une maladie, mais on l’évite en supprimant le porteur de la maladie, ce qui est injustifiable !»

Décider qui mérite de vivre ?

Les évêques rappellent en outre que le DPI nécessite la production volontaire d’embryons afin de faire une sélection, ce que l’on appelle de l’»eugénisme libéral». Le DPI est une technique de sélection où l’on s’octroie le droit de décider qui mérite de vivre, et qui ne le mérite pas.

Pour la CES, la protection maximale de l’embryon humain qui doit être considéré comme une personne, est assurée au mieux par la Constitution fédérale actuelle qui précise que «ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules humains pouvant être immédiatement implantés » (Art. 119). Si cet article de la Constitution est modifié selon ce que propose le Parlement, la congélation d’embryons sera implicitement autorisée. Cette cryoconservation pose de graves problèmes éthiques, car il atteint directement la dignité humaine.

Voter ‘non’ à la modification de la Constitution et donc au DPI qui suivra signifie donc attester que la dignité humaine de tout être humain doit être respectée et sauvegardée au maximum dans notre pays, concluent les évêques suisses.

Le DPI n’est pas un traitement

Les évêques renvoient par ailleurs à l’argumentaire de leur commission de bioéthique qui liste les principales questions éthiques lié au DPI. (http://www.commission-bioethique.eveques.ch/nos-actualites/votation-populaire-sur-le-diagnostic-preimplantatoire-dpi).

La commission rappelle d’abord que le DPI n’est pas un traitement. Il permet de transférer l’embryon non-malade et de supprimer ceux qui sont atteints par une affection que l’on juge indésirable. Comme le DPI se fait au profit d’un tiers, il n’est pas une thérapie.

L’argumentaire relève ensuite qu’on ne peut pas comparer le DPI à l’avortement, malgré leur similitude. Lorsque l’on découvre une anomalie en cours de grossesse, le couple est confronté à un grave dilemme: liberté de la mère ou protection de l’enfant à naître. Dans le DPI, avant toute grossesse, on produit volontairement plusieurs embryons dans le but d’en éliminer certains.

La notion de maladie grave qui permettrait d’autoriser le DPI est délicate à définir. Pour la commission de bioéthique, la limite d’une maladie grave est impossible à établir d’une manière qui ne soit pas arbitraire. Ou bien on dresse une liste, mais on stigmatise les personnes vivant avec un tel handicap; ou bien on laisse le libre choix au couple, avec le risque d’arbitraire que cela implique.

La garantie du respect des limites fixées est un autre problème. L’argumentaire note que les pays qui ont accepté le DPI ont fini par élargir les indications médicales. C’est le phénomène de la «pente glissante». Dès qu’on a ouvert une porte, il est impossible de retenir l’élargissement des conditions.

Non au bébé médicament

Dans le débat sur le DPI revient assez fréquemment la question du ‘bébé-médicament’, c’est-à-dire un enfant sélectionné par DPI dans le but de soigner, par don de cellules, un aîné atteint d’une maladie génétique. Pour la commission de bioéthique, l’embryon humain est ainsi instrumentalisé, il est comme fabriqué sur mesure dans un but précis, ce qui n’est pas éthique.

Or une fois le DPI autorisé pour diagnostiquer une maladie génétique grave, il deviendra quasi-impossible de refuser le typage HLA (‘bébé-médicament’)

Le dernier argument du danger du tourisme de la procréation est aussi réfuté par la commission épiscopale. Elle souligne que la Suisse n’admet pas une baisse de qualité sur ses produits, au motif qu’on pourrait en acheter à moindre prix à l’étranger: elle doit d’autant moins s’aligner sur les législations libérales quand il s’agit de la dignité humaine, mais maintenir la plus haute exigence de protection de la vie humaine.

 Dignité humaine ou simple qualité de vie ?

La commission des évêques conclut en soulignant que le DPI ne concerne pas seulement la vie privée et la souffrance individuelle. Il met en jeu le bien commun, dont la valeur première, garantie par un Etat de droit, est la dignité humaine. Le glissement de la dignité à l’idée d’une vie ‘digne d’être vécue’ (qualité de vie) est un pas vers la déshumanisation. Ou pour reprendre l’expression du pape François: «Quel grand mensonge se dissimule derrière certaines expressions qui insistent tellement sur la ‘qualité de la vie’, pour inciter à croire que les vies gravement atteintes par la maladie ne seraient pas dignes d’être vécues !»

Pour la FEPS : «On ne choisit pas ses enfants»

«On ne choisit pas ses enfants!», a souligné le 30 avril la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Elle estime que la sélection d’embryons est en contradiction avec le devoir primordial de protection de la vie humaine, avant comme après la naissance.

La FEPS indique pouvoir comprendre le souhait de parents porteurs d’une maladie héréditaire de bénéficier d’un examen génétique dans le cadre de la procréation médicalement assistée. Mais la sélection génétique d’embryons touche à un domaine extrêmement sensible et problématique: celui de l’eugénisme, soit la sélection artificielle d’êtres humains et le contrôle de la procréation humaine, note les protestants. Il est donc indispensable d’élaborer une disposition légale stricte et claire. La révision constitutionnelle proposée au vote ne remplit pas ces conditions; en conséquence, la FEPS la rejette.

La Fédération rappelle finalement que pour Dieu, «aucune créature ne doit être rejetée (1 Tim 4,4)». On ne peut donc ni tester, ni sélectionner la vie humaine. L’attitude fondamentale d’ouverture à la vie doit se refléter dans les conditions qu’offre la société pour que chaque enfant soit le bienvenu ; pour que ses parents aient toutes les raisons de l’accueillir avec joie, mais aussi avec courage ; pour que les parents obtiennent tout le soutien nécessaire, conclut la FEPS. (apic/com/mp/rz)

Maurice Page

Portail catholique suisse

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