Junipero Serra sera canonisé par le pape François le 23 septembre prochain, à l’occasion de son voyage aux Etats-Unis. Le 2 mai, le pontife participera à un événement spécialement dédié à sa figure, au Collège nord-américain, à Rome.
La rencontre d’experts, qui s’est déroulée à l’Augustinianum, près du Vatican, a confronté les connaissances de trois historiens et d’un archéologue spécialistes du missionnaire franciscain et de son contexte, rapporte le 1er mai 2015 le site internet «Vatican Insider».
Le Père Serra, originaire de Majorque, est arrivé en Californie en 1767 pour évangéliser les populations locales, avec 15 autres franciscains. Il a poursuivi son travail dans la mission de San Carlos Borromeo de Carmelo, jusqu’à sa mort, en 1784.
«Je pense que le pape François voit en lui un idéal de la vie missionnaire», soutient Mgr Francis J. Weber, archiviste et historien expérimenté de l’archidiocèse de Los Angeles.
«Les gens le considéraient déjà comme un saint de son vivant», souligne Robert Senkewicz, professeur d’histoire à l’Université de Santa Clara, en Californie. Avec Rose Marie Beebe, professeur de littérature espagnole dans la même université, ils ont examiné une grande partie des documents disponibles sur la vie missionnaire de Junipero Serra, sans occulter les allégations de mauvais traitements et de coercition à l’encontre des indigènes. «Pour les missionnaires de cette époque, le fait d’avoir été baptisé impliquait un engagement pour la vie et une loyauté totale envers la communauté. Ainsi, quand des indigènes quittaient la mission sans permission, les missionnaires envoyaient d’autres indiens ou des soldats pour les ramener», explique Robert Senkewicz. Il affirme que c’est principalement cet élément historique qui a suscité les critiques des milieux amérindiens. Selon l’historien, il existe également une crainte que la canonisation du Père Serra soit perçue comme une caution de tout le système missionnaire
Robert Senkewicz note que le franciscain pratiquait également des approches évangélisatrices respectueuses: «Il avait l’habitude de simplement témoigner de la foi chrétienne et d’attendre que les indigènes se sentent petit à petit attirés par le message». L’historien ajoute que, sans être théologien, les personnes ne sont pas canonisées parce qu’elles sont parfaites mais eu égard à des qualités particulières. «Dans le cas du Père Serra, l’on peut considérer que c’est son engagement dans l’évangélisation dans son ensemble, un domaine où il a excellé», relève Robert Senkewicz.
Rose Marie Beebe souligne que ses années de recherches sur le missionnaire espagnol l’ont amenée à le voir sous un jour positif. «J’aime le personnage et sa complexité», affirme-t-elle.
Ruben Mendoza, professeur d’archéologie à l’Université de Californie, a dirigé des recherches sur les sites des missions dirigées par Junipero Serra. Aux cours de son travail, il a été témoin de l’hostilité toujours vivace envers les missionnaires de cette époque. «Les missions avaient toujours certains foyers où ils faisaient griller de la viande, explique-t-il. Certains étudiants archéologues étaient persuadés que c’étaient des endroits où les missionnaires torturaient et brûlaient les indiens. Mais en fait, la nourriture préparée dans ces endroits était distribuée aux indigènes». L’archéologue note également la vaste série d’innovations dont les missionnaires ont fait bénéficier les populations locales, telles que l’agriculture, l’architecture, l’urbanisation, la viticulture, l’irrigation ou encore la démocratie. «Junipero Serra aurait été profondément attristé de se voir considéré comme un ennemi des peuples auxquels il a dédié sa vie», assure Ruben Mendoza. (apic/vi/rz)
Raphaël Zbinden
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