Sao Paulo, 20 avril 2015 (Apic) Excommunié le 29 avril 2013 pour avoir remis en cause publiquement la morale sexuelle de l’Église, Roberto Francisco Daniel, dit «Père Beto», ex-prêtre du diocèse de Bauru, près de Sao Paulo, dans le sud du Brésil, n’a jamais renié ses propos. Depuis deux ans, à la demande de très nombreux fidèles, il continue même de célébrer des messes et des mariages, y compris entre personnes du même sexe.
Dimanche 5 avril, 19 heures. Près d’un demi millier de personnes ont pris place sur les chaises en plastique alignées sur le parquet du Gymnase municipal de Bauru, une ville de 400’000 habitants, à 300 kilomètres de Sao Paulo, dans le sud du Brésil. Pendant que le Père Roberto Francisco Daniel, dit «Père Beto» finit de disposer les objets liturgiques sur l’autel improvisé, des enfants courent en poussant des cris de joie au milieu des fidèles. Largement familiale, l’assistance se fait silencieuse lorsque le Père Beto commence la célébration de la messe dominicale «alternative». Une messe célébrée «non plus au nom de l’Église catholique, mais au nom de Dieu», par ce prêtre exclu de l’Église le 29 avril 2013.
«J’ai été excommunié car je me suis exprimé dans des médias brésiliens sur la morale sexuelle de l’Église, explique l’ex-religieux de 49 ans. J’ai critiqué ouvertement le fait que cette morale sexuelle fait beaucoup plus de mal que de bien. Je pense qu’elle doit être modifiée et se transformer». Y compris en ce qui concerne l’homosexualité. «Je considère que l’homosexualité est une sexualité de même valeur que la bisexualité ou l’hétérosexualité, estime le Père Beto. Ce n’est pas parce qu’ils ont une sexualité différente des hétérosexuels que les homosexuels ne sont pas ou sont moins aimés de Dieu. L’homosexuel doit être reconnu comme tel et accepté par l’Église. Le problème, c’est que l’Église accepte l’homosexuel mais pas son homosexualité. C’est comme si elle acceptait un noir mais pas sa négritude.»
Titulaire d’une maîtrise de droit et d’histoire, disciplines qu’il enseigne aujourd’hui à l’Université de Bauru, entré au Séminaire à l’âge de 27 ans, le père Beto a étudié la théologie à l’Université Ludwig–Maximilian de Munich, en Allemagne. Il a été ordonné prêtre en 1998 à Bauru, avant de retourner en Bavière pour y terminer son doctorat. «Ma vocation à devenir prêtre a été le fruit d’un processus naturel, explique t-il. J’ai grandi dans une famille catholique. Jésus-Christ a toujours fait partie de mon éducation et a toujours été un modèle pour moi.» Revendiquant une sensibilité sociale, Père Beto a toujours cru en «une société plus juste, plus fraternelle, avec le minimum de différences sociales.» C’est avec ces idéaux-là en tout cas qu’il est rentré à Bauru en 2001 afin d’y exercer son ministère.
Si les relations avec Mgr Caetano Ferrari, l’évêque du diocèse de Bauru -celui-là même qui l’a excommunié- n’ont jamais été chaleureuses, le Père Beto a néanmoins eu le sentiment de pouvoir donner libre cours à sa sensibilité sociale. Mais son discours d’ouverture à l’égard des homosexuels, ses prises de positions en faveur du mariage pour les couples homosexuels et les divorcés ont toujours été ignorées par l’évêque. «Le tournant, c’est lorsque j’ai accordé une interview télévisée, mise ensuite en ligne sur Internet, dans laquelle j’ai déclaré que nous devrions être simplement considérés comme des êtres sexués et non pas comme des homosexuels ou bisexuels puisque l’amour peut surgir à tous ces niveaux.» La large diffusion de cet entretien a généré des commentaires qui ont particulièrement irrité l’évêque. Résultat ? «J’ai été sommé de renier mes propos et de présenter des excuses, se souvient le Père Beto. Ce que j’ai refusé.» Le religieux a ensuite dû comparaître devant un tribunal religieux. Il a enfin été excommunié le 29 avril 2013. Une décision confirmée par le Vatican, le 24 novembre 2014.
«J’ai vécu cela comme une profonde injustice, assure Le Père Beto. Car c’est une chose de réfléchir et de s’exprimer sur la morale sexuelle de l’Église. C’en est une autre de vivre une vie qui va a» l’encontre de ce que vous prêchez. J’ai des colle»gues prêtres qui ont commis des crimes comme des actes de pédophilie, et qui n’ont pas été excommuniés. Ils ont simplement été éloignés, alors que moi j’ai été condamné à la peine capitale.» La sentence est d’autant plus mal vécue que, selon le Père Beto, l’homosexualité est omniprésente au sein de l’institution. «Je peux vous dire sans crainte que dans le diocèse de Bauru, au moins 75% du clergé est homosexuel. Et une bonne partie de ce clergé vit sa sexualité de manière active.» De quoi s’interroger sur le refus de l’Église à entamer le débat.
«Je pense que l’Église a des difficultés pour dialoguer sur le thème de l’homosexualité parce qu’elle a peur de réfléchir à des problèmes auxquels elle est elle-même confrontée», pointe le religieux. Pourtant, l’ex-prêtre est convaincu que l’acceptation des homosexuels par l’Église peut aider à lutter contre l’homophobie au Brésil, pays qui détient le record du monde des crimes homophobes, avec 312 meurtres d’homosexuels, travestis et transsexuels commis en 2013. «La religion, comme l’éducation, ou le droit créent les mentalités et les aident à évoluer, estime le Père Beto. Donc l’Église, en prenant position en faveur des homosexuels, en valorisant ces personnes, en faisant en sorte qu’elles soient reconnues comme des êtres humains et des enfants de Dieu, contribuerait à l’humanisation de la société brésilienne.»
La messe dans le gymnase de Bauru vient de se terminer. A la sortie, le Père Beto salue chaleureusement chaque fidèle. Tous le remercient pour l’office et l’assurent de leur soutien. «Finalement, l’excommunication a été plus une distinction qu’un châtiment, en raison du motif pour lequel j’ai été excommunié, sourit le Père Beto. Car je n’ai pas été excommunié parce que j’ai commis un crime ou une erreur, mais pour avoir montré du doigt des erreurs de l’Église et les injustices qu’elle commet au nom de la morale sexuelle.» Et de poursuivre : «En interdisant les préservatifs, le sexe avant le mariage, en n’acceptant pas le mariage de personnes divorcées et en excluant les homosexuels, l’Église commet de graves erreurs et ne remplit pas son rôle d’évangéliser la parole de Dieu, de Jésus, de prêcher l’Amour de l’autre et entre les personnes».
Considérant dès lors son excommunication comme une «gratification» et non comme une «punition», le Père Beto se dit même aujourd’hui «libéré». «Je continue d’être prêtre et d’exercer ma vocation». D’autant plus librement, selon lui, que ce sont les fidèles qui lui ont demandé de revenir pour célébrer la messe dominicale. «Aujourd’hui, je me sens plus libre, y compris pour célébrer des mariages entre homosexuels ou de personnes divorcées. Dans les messes que je célèbre, il y une immense diversité de personnes et de sexualités. Mais ce sont tous des êtres humains qui possèdent au moins une chose en commun : l’envie d’aimer, d’avoir un monde meilleur et plus humain»,conclut-il. (apic/jcg/mp)
Maurice Page
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