C’est une journée à marquer d’une pierre blanche, a déclaré en introduction le Père Abbé de Saint-Maurice Joseph Roduit, «car malgré tous les ouvrages déjà publiés sur ce lieu, il nous manquait une histoire exhaustive de l’Abbaye», le plus ancien monastère d’Occident toujours en activité. En effet, il n’existait pas jusqu’ici d’histoire générale réunissant dans le même ouvrage tant la synthèse historique que la richesse patrimoniale.
L’Association Abbaye d’Agaune 2015 ayant lancé l’entreprise, cette lacune est désormais comblée, grâce surtout au travail considérable portant sur les 15 siècles de ce lieu du martyre des soldats de la Légion thébaine. Les recherches ont été menées par 36 auteurs (historiens, archéologues, philologues, historiens de l’art). Ces chercheurs, «telles les abeilles recherchant le suc des fleurs, ont fourni un miel exceptionnel», a lâché Mgr Roduit.
Ces deux ouvrages – le premier de quelque 500 pages, portant sur l’histoire et l’archéologie du lieu, le second, de 440 pages, sur le trésor – sont le fruit de plus de six années de travail. Le premier volume a été rédigé sous la direction de deux historiens, le spécialiste du Moyen Age Bernard Andenmatten, de l’Université de Lausanne, et Laurent Ripart, maître de conférences en histoire médiévale de l’Université de Savoie Mont-Blanc, à Chambéry, tandis que le second l’a été sous la direction de l’historien de l’art Pierre-Alain Mariaux.
Ces professeurs étaient secondés par 33 autres spécialistes et chercheurs de sept universités (Lausanne, Neuchâtel, Genève, Fribourg, Chambéry, Paris VIII, Glasgow), de hautes écoles (notamment la Haute Ecole HE-Arc) et d’instituts scientifiques de Suisse, France, Pays-Bas et Ecosse. Pour la première fois, le public a ainsi accès aux résultats détaillés des dernières campagnes de fouilles archéologiques. L’ouvrage fait, de manière inédite également, une recension des archives de l’Abbaye, désormais entièrement numérisées.
Toutes ces données apportent des éclairages nouveaux sur la vie de la région d’Agaune, dont l’Abbaye était le centre pastoral et culturel. La période marquant la fin de l’Ancien Régime jusqu’aux périodes contemporaines est également analysée par les historiens.
L’ouvrage fait pour la première fois l’inventaire complet de toutes les pièces du Trésor abbatial d’art sacré. En plus des châsses, reliquaires et objets cultuels datant pour la plupart du Moyen Age, ce «catalogue raisonné» mentionne également les ornements liturgiques du passé et apporte une foule d’informations sur les conditions d’exposition des pièces à travers les âges ainsi que sur les documents d’identification des reliques. Nombre de ces pièces retrouvées avaient été «oubliées» dans les réserves du Musée national suisse, auquel elles avaient été prêtées en son temps par l’Abbaye.
La «Commission Histoire», présidée par le chanoine Olivier Roduit, a publié ces ouvrages aux éditions Infolio, à Gollion, près de Lausanne. «Tout a été fait en Suisse, jusqu’à l’impression chez Stämpfli SA à Berne… De plus, les auteurs ont été rémunérés honnêtement», souligne le chanoine historien, qui est également l’archiviste de l’Abbaye de Saint-Maurice.
Les deux ouvrages, disposés dans un coffret intitulé «L’Abbaye de Saint-Maurice d’Agaune 515-2015», ont été tirés à 2’500 exemplaires en édition courante, tandis que 500 coffrets numérotés et signés, dédicacés par Mgr Roduit, sont écoulés hors commerce. Chaque coffret, vendu 150 francs, pèse près de 5,5 kg, ce qui fait en tout plus de 16 tonnes de papier et un volume de 16,7 m3, a noté le chanoine Olivier Roduit. Quant aux coûts de cette œuvre considérable, ils ont été budgétisés à hauteur de 850’000 francs, comprenant la rétribution des auteurs, le secrétariat de rédaction, la couverture photographique (1269 illustrations), la contribution à la recherche et les frais éditoriaux et d’impression.
La réalisation des ouvrages n’a été rendue possible que grâce à la générosité de plusieurs mécènes: La Loterie Romande VS, les Forces Motrices Valaisannes, la Banque cantonale du Valais, la Commune de Saint-Maurice, l’Etat du Valais (Service de la culture) et l’entreprise Losinger-Marazzi SA.
L’ancien conseiller d’Etat valaisan Jean-Jacques Rey-Bellet, qui copréside le Comité d’organisation du 1500e avec Jean-Paul Duroux, précise que les mécènes ont apporté 785’000 francs à ce projet d’édition qui fera date dans l’histoire de la Royale Abbaye et de la région. Cette parution constitue l’événement majeur de l’année du 1500e sur le plan culturel. JB
Encadré
L’Abbaye de Saint-Maurice doit son origine au sanctuaire élevé sur le tombeau de saint Maurice et de ses compagnons martyrs, légionnaires romains originaire de Thèbes (aujourd’hui Louxor, en Haute-Egypte), morts témoins de leur foi vers l’an 300. Selon la tradition, ces soldats chrétiens ont été exécutés sur ordre de l’empereur Maximien parce qu’ils refusaient de persécuter les chrétiens. Vers 380, saint Théodore, dit aussi saint Théodule, évêque d’Octodure (aujourd’hui Martigny), dépose les reliques des martyrs dans un sanctuaire au pied de la falaise. Le 22 septembre 515, le roi burgonde saint Sigismond fonde le monastère et inaugure la «laus perennis»‹ — la louange perpétuelle —, sur le tombeau des martyrs. La terre d’Agaune devient un centre spirituel du second royaume de Bourgogne (888), puis de la dynastie des Savoie. Depuis la fondation de l’Abbaye, la louange perpétuelle ne s’est plus interrompue dans cette église dédiée aux martyrs. (apic/be)
Jacques Berset
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