Au Colisée, le pape évoque le sort des chrétiens persécutés pour leur foi

Rome, 4 avril 2015 (Apic) Le pape François a présidé, dans la soirée du Vendredi saint 3 avril 2015, le traditionnel Chemin de croix au cœur de Rome, évoquant particulièrement le sort des chrétiens «persécutés, décapités et crucifiés pour leur foi» dans un «silence complice».

Face au Colisée, en présence de dizaines de milliers de fidèles, le pape a prié au rythme des méditations qui évoquaient notamment la persécution des croyants, mais aussi l’abolition définitive de la peine de mort à travers le monde ou encore le sort des enfants maltraités jusque «dans leur intimité».

Tués seulement parce qu’ils sont croyants

Le pontife a ainsi suivi depuis la colline du Palatin les 14 stations du Chemin de croix parti de l’intérieur du Colisée. Assis et couvert d’un long manteau blanc, l’évêque de Rome a écouté les méditations écrites à sa demande par Mgr Renato Corti, évêque émérite de Novare, en Italie, et prédicateur reconnu.

Dans ce texte, le prélat italien de 79 ans a notamment évoqué les hommes et les femmes actuellement condamnés ou encore tués seulement parce qu’ils sont croyants ou engagés en faveur de la justice et de la paix. Il a appelé de ses vœux l’abolition totale de la peine de mort à travers le monde et dénoncé la traite des êtres humains. Il a également mentionné le sort des enfants soldats ou, en référence aux actes pédophiles, des jeunes «blessés dans leur intimité, profanés de façon barbare».

«Nos frères décapités»

Au terme du Chemin de croix, le pape a brièvement pris la parole pour assurer que l’on pouvait voir dans la «cruauté» de la Passion du Christ et dans son «visage défiguré», la brutalité des péchés des hommes ou encore «la cruauté de (leur) cœur et de (leurs) actions». Il a particulièrement mentionné tous ceux qui sont abandonnés par leurs proches, par la société, évoquant en particulier les «frères abandonnés le long des rues, défigurés par notre négligence et notre indifférence».

«En toi (…), a poursuivi le pape à l’adresse du Christ, nous voyons aujourd’hui encore nos frères persécutés, décapités et crucifiés pour leur foi en toi, sous nos yeux ou souvent avec notre silence complice».

Croix portée par des chrétiens de pays où sévit la persécution

Ces propos du pape François résonnent de façon toute particulière alors que les épisodes de persécution de chrétiens par des groupes islamistes ne cessent d’être plus violents, de l’Irak au Kenya en passant par la Libye ou le Nigeria.

Au cours de cette Via Crucis, la croix a d’ailleurs été portée par des chrétiens de pays où les fidèles souffrent plus particulièrement de la persécution ou d’un régime oppressant: deux religieuses d’Irak, des fidèles syriens, nigérians, chinois ainsi que des égyptiens. Elle a aussi été portée par plusieurs familles, dont une avec ses enfants adoptifs.

Après les cérémonies du Vendredi saint, le pape François présidera la messe de la nuit de Pâques dans la basilique Saint-Pierre, dans la soirée du 4 avril. Le lendemain matin, il célèbrera la messe solennelle de Pâques sur la place Saint-Pierre avant de prononcer à 12h son message pascal et de donner sa bénédiction «Urbi et Orbi» – à la ville, Rome, et au monde – depuis la loggia centrale de la basilique vaticane.

Le prédicateur pontifical déplore l’indifférence face à la persécution des chrétiens

Devant le pape François, le prédicateur de la Maison pontificale avait auparavant déploré «l’inquiétante indifférence des institutions mondiales et de l’opinion publique» face à la persécution des chrétiens. Lors de l’office de la Passion dans la basilique Saint-Pierre, le 3 avril 2015 en fin d’après-midi, le Père Raniero Cantalamessa a mis en garde ceux qui courent le risque d’être «des ›Pilate’ qui se lavent les mains», évoquant l’attaque qui avait coûté la vie à de nombreux chrétiens au Kenya, la veille, et l’assassinat de 21 coptes égyptiens en Libye en février dernier.

«Les vrais martyrs du Christ ne meurent pas les poings fermés mais les mains jointes». Mentionnant explicitement dans son homélie les 21 coptes égyptiens morts assassinés en février dernier en Libye, en «murmurant» le nom de Jésus, et tant d’autres exemples récents de persécutions, le capucin italien a mis en avant ceux qui subissent des «tortures décidées de sang-froid et infligées volontairement, en ce moment-même».

«Combien de prisonniers se trouvent dans les mêmes conditions que Jésus (lors de sa Passion, ndlr)», a-t-il ainsi déploré: «seuls, menottés, torturés, à la merci de militaires grossiers et pleins de haine qui s’abandonnent à toute sorte de cruauté physique et psychologique».

Des ›Pilate’ qui se lavent les mains

«La fête de Pâques de cette année 2015 sera ainsi pour de nombreux chrétiens», a lancé le Père Cantalamessa, relatant l’attitude des «martyrs parfaits» décrits par un évêque du 3e siècle au moment des persécutions sous l’empire romain, qui célébraient la Pâques où ils pouvaient, que ce soit en prison ou dans un désert.

Si le prédicateur de la Maison pontificale a précisé que les chrétiens n’étaient pas les seuls à subir «la violence homicide qu’il y a dans le monde», il a soutenu que l’on ne pouvait ignorer qu’ils étaient néanmoins les victimes désignées les plus fréquentes dans beaucoup de pays. Il a alors fait référence au massacre intervenu la veille dans une université au Kenya où les terroristes somaliens liés à Al-Qaïda avaient visiblement ciblé les non-musulmans. Prenant l’exemple de Ponce Pilate dans le récit de la Passion du Christ, le Père Cantalamessa a alors lancé: «nous risquons tous – institutions et personnes du monde occidental – d’être des ›Pilate’ qui se lavent les mains».

Le capucin italien a alors salué le courage du journaliste et historien italien Ernesto Galli della Loggia qui avait dénoncé «l’inquiétante indifférence des institutions mondiales et de l’opinion publique» face aux persécutions de chrétiens, en juillet 2014, dans les colonnes du Corriere della Sera.

Jésus, sur la croix, a dit un «non définitif à la violence»

Le Père Raniero Cantalamessa a par ailleurs assuré que Jésus, sur la croix, avait dit un «Non! définitif à la violence», lui opposant «le pardon, la douceur et l’amour». Soulignant la «générosité infinie» du Christ, il a encore précisé que Jésus n’avait pas vaincu la violence «par une plus grande violence», mais justement «en la subissant et en mettant à nu toute son injustice et son inutilité».

A la fin de son homélie, dans laquelle il a cité plusieurs auteurs, comme Friedrich Nietzsche (1844-1900) ou Blaise Pascal (1623-1662), le Père Cantalamessa a invité à prier pour tous les «chrétiens et non chrétiens» persécutés et demandé à Dieu d’inspirer aux «hommes et aux femmes de notre temps» la miséricorde et le pardon. Il a également fait mention du Jubilé de la miséricorde qui s’ouvrira en décembre prochain.

Au début de la célébration, le pape François s’était étendu sur le sol de la basilique, devant l’autel majeur, pendant que l’assemblée priait en silence. Après l’homélie du Père Cantalamessa, le pontife a présidé le rite de vénération de la croix du Christ. Il a quitté les insignes de son pontificat – sa calotte blanche et sa chasuble -, avant d’embrasser les pieds du Christ crucifié, suivi par de nombreux cardinaux, évêques, prêtres, religieux et par quelques laïcs. (apic/imedia/lf/ami/be)

 

Jacques Berset

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