«Alors que, aux yeux du monde, ce conflit passe encore pour être le résultat d’une opposition entre musulmans et juifs, certains peinent à se souvenir des chrétiens d’Israël et de Palestine. Ce n’est pas surprenant vu le faible pourcentage des chrétiens dans les deux pays. La majorité des chrétiens ici sont Arabes», souligne-t-il dans une interview accordée à l’agence de presse Zenit. «C’est pourquoi la plupart des causes soutenues par les Palestiniens musulmans sont aussi défendues par les Palestiniens chrétiens».
Le patriarche Twal explique que les chrétiens de Terre Sainte se sentent en effet plus proches des Palestiniens musulmans que des Juifs israéliens, car ils vivent quotidiennement la réalité de l’occupation: les Palestiniens vivant en territoires palestiniens ou à l’Est de Jérusalem ont différents statuts de résidents, les empêchant de circuler librement sans permis spéciaux, notamment en ce qui concerne l’accès aux Lieux Saints.
«Par exemple, explique-t-il, un chrétien de Béthleem ne peut pas venir à Jérusalem prier au Saint Sépulcre (…) C’est valable pour Pâques. Même si des permis peuvent être accordés, si Pâques tombe en même temps que les fêtes juives de Pessah, alors la sécurité ferme les accès!»
«Bien sûr, poursuit-il, la plus grande difficulté reste le mur de séparation entre Israël et les territoires palestiniens et les nombreux problèmes que celui-ci génère. Le mur sépare efficacement les territoires palestiniens du territoire israélien, rendant la circulation entre les deux très compliquée. Mais la séparation des familles, chrétiennes et musulmanes, à cause du mur et de la politique israélienne a des conséquences dévastatrices. Les politiques de résidences peuvent aussi avoir un impact terrible sur les familles». Il y aurait à peu près 200 familles chrétiennes qui vivent séparées – les membres de ces familles vivant à cheval entre les territoires occupés et Jérusalem.
«Des projets comme le mur ne font qu’inspirer des sentiments anti-israéliens aux Palestiniens et réduisent les efforts de paix. Les chrétiens arabes souffrent aussi de leur statut de minorité au sein des populations israélienne et palestinienne (…) La vérité est que les chrétiens font face à des souffrances des deux côtés du mur et souvent pour les mêmes raisons».
Le patriarche note encore la confiscation des terres palestiniennes: des chrétiens perdent leurs terres à cause de la construction du mur de sécurité ou des implantations israéliennes. En 2012, par exemple, 3’000 hectares ont été confisqués à 59 familles chrétiennes de Beit Jala pour permettre l’agrandissement de la colonie juive de Gilo et pour permettre la construction du mur. «Les Israéliens comme les Palestiniens ont beaucoup à faire en ce qui concerne la protection des minorités religieuses, poursuit le patriarche Twal, surtout pour les chrétiens. Nous sommes épuisés peut-être, conclut-il, mais nous ne sommes pas désespérés».
Encadré
Dans un esprit de solidarité avec les Eglises et les populations d’Israël et de Palestine, les responsables du Comité central du Conseil œcuménique des Eglises (COE) ont effectué une visite en Israël et Palestine du 7 au 12 mars. La délégation – qui comprenait Agnes Abuom, présidente du Comité central du COE, le métropolite Gennadios de Sassima et l’évêque Mary Ann Swenson, vice-présidents du Comité central, ainsi que le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE – a mis en exergue l’importance qu’accorde le COE aux initiatives de paix dans cette région troublée.
Cette visite est une expression du pèlerinage de justice et de paix, affirmant l’engagement du COE à soutenir le processus de paix en Terre Sainte et au Moyen-Orient et à mener une réflexion sur la volonté inaltérable et sans équivoque d’une paix juste, affirme le COE dans un communiqué du 17 mars 2015.
Au programme de la visite figuraient des rencontres avec des représentants des Églises membres, notamment le patriarche orthodoxe Theophilos III de Jérusalem et l’évêque Munib A. Younan, de l’Eglise évangélique luthérienne de Jordanie et de Terre Sainte, ainsi que d’autres responsables d’Eglise de Jérusalem, accueillis par le patriarche Fouad Twal dans le cadre d’une réunion au siège du Patriarcat latin de Jérusalem.
Des réunions ont été organisées entre la délégation et des responsables juifs et musulmans, mais aussi avec des membres d’organisations de défense des droits de la personne, tant palestiniens qu’israéliens. Les membres de la délégation ont par ailleurs pu se rendre compte par eux-mêmes des conditions de vie sous l’occupation et ils ont visité des exemples de projets communautaires ayant fait leurs preuves dans la région.
La délégation a été accueillie par le Centre inter-Eglises de Jérusalem, initiative des Eglises de Jérusalem en association avec le Conseil des Eglises du Moyen-Orient et le COE. Le Centre sert de point de coordination de l’action œcuménique pour Jérusalem et ses Eglises.
La délégation du COE a également pu s’informer sur l’action du Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et en Israël (EAPPI) du COE. L’objectif de l’EAPPI est d’accompagner les Palestiniens et Israéliens dans leurs actions non violentes en faveur de la paix et de mener un plaidoyer concerté pour mettre fin à l’occupation militaire israélienne des territoires palestiniens. «Depuis 2002, plus de 1’500 bénévoles sont venus pour des périodes de trois mois pour devenir accompagnateurs œcuméniques. Il s’agit d’une des initiatives concrètes menées par le COE pour exprimer sa solidarité et manifester son soutien aux efforts entrepris aux niveaux local et international en vue de trouver une issue au conflit israélo-palestinien par une paix juste fondée sur le droit international et les résolutions de l’ONU», a déclaré Agnes Abuom, présidente du Comité central du COE. (apic/zenit/coe/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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