«Les croyants, aussi bien chrétiens que musulmans, se sont retrouvés pris ensemble dans cette volonté tragique, dans les mains de personnes qui se disent religieuses, mais qui abusent de la religion pour en faire une idéologie soumise à leur intérêt d’exploitation et de mort», écrit le pape dans une lettre envoyée début mars aux évêques nigérians et rendue publique le 17 mars par le Vatican.
Les islamistes de Boko Haram ont été chassés de l’Etat de Yobé, dans le nord-est du Nigeria, l’armée nigériane en est convaincue. Les soldats nigérians disent avoir délogé les djihadistes de Goniri, la deuxième ville de l’Etat de Borno, située à 70 kilomètres de la capitale régionale, Maiduguri. La semaine dernière, les combattants étaient chassés d’un autre Etat, celui d’Adamawa, toujours selon l’armée.
Mais sur le terrain, la réalité semble bien différente: malgré les offensives répétées lancées par l’armée nigériane, soutenue par l’armée tchadienne, Boko Haram ne faiblit pas dans le Nord-Est du Nigeria. Les attaques du groupe djihadiste sont quasi-quotidiennes et particulièrement violentes. Les combattants n’hésitent pas non plus à franchir les frontières dans cette zone aux confins de trois autres pays – le Niger, le Tchad et le Cameroun -, pour mener des raids meurtriers.
Le Père Grégoire Cador, prêtre missionnaire «Fidei Donum» à Tokombéré, dans le diocèse de Maroua-Mokolo, dans l’extrême-nord du Cameroun, témoigne sur les ondes de Radio Vatican. En raison des incursions fréquentes de Boko Haram, l’insécurité est permanente dans cette région qui a été déclarée «zone rouge» par les ambassades occidentales, ce qui a donné un coup terrible à la coopération et au tourisme. La frontière est désormais bloquée, ce qui a paralysé le commerce transfrontalier, alors que la plupart des ONG sont parties et qu’elles n’envoient plus d’argent sur place de peur qu’il ne tombe aux mains de Boko Haram.
Sur la frontière entre le Cameroun et le Nigeria, sur une distance de 250 km, les hommes de Boko Haram font des incursions quasi quotidiennes. «Du côté nigérian de la frontière, Boko Haram est totalement maître du terrain, il est pratiquement chez lui sur 30 km de profondeur. Dans cette zone, le Nigeria n’a plus du tout de pouvoir». Les militants islamistes lourdement armés arrivent souvent sur des motos, avec 3 ou 4 personnes par véhicule. Ils sont très bien renseignés, sachant que l’armée n’est pas présente. Ils pillent les marchés, les villages, ils attaquent tout ce qui bouge, s’emparent des récoltes, des troupeaux, de tout ce qui peut être embarqué, et repartent avec des otages, en général des femmes et des enfants, témoigne le prêtre.
«Ils ont brûlé des récoltes sur pied, tué des gens qui travaillaient dans les champs. Le principe, c’est de semer la panique, de faire en sorte que les gens fuient la région…» Plus la population est proche de la frontière, «plus c’est angoissant», souligne le prêtre. Dans la zone frontalière, nombre de personnes vont dormir dans des refuges dans la montagne.
Cet extrémisme et ce fondamentalisme que connaît le Nigeria empiètent sur son rôle à jouer sur la scène internationale, affirme le pape François dans sa lettre. Décrivant le Nigeria comme le «géant de l’Afrique» avec ses quelque 170 millions d’habitants, le pape insiste sur le fait que le pays est officiellement devenu la première économie du continent et l’une de celles qui comptent dans le monde.
Ce grand rôle que le pays est appelé à jouer la scène mondiale est cependant rendu plus difficile par l’extrémisme que connaît le Nigeria. Le pape assure les évêques nigérians de sa proximité et de sa prière pour tous ceux qui souffrent. Il invoque la paix, qui n’est «pas seulement l’absence de conflit, mais un don qui vient de Dieu lui-même». François les invite alors à s’engager quotidiennement et courageusement pour favoriser la réconciliation, jeter des ponts de dialogue, et servir les plus faibles et les exclus, assurant que la paix consiste à construire une «culture de la rencontre». (apic/radvat/be)
Jacques Berset
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