Clémentine Dubuis, vous avez fondé un groupe de catholiques homosexuels en Valais. Qu’est-ce qui motive votre démarche?
L’expérience de n’avoir pas trouvé ma place dans l’Eglise pendant plusieurs années. En Valais, nous sommes plusieurs homosexuels catholiques, mais très peu osent le dire ouvertement, par peur de se faire «éjecter». Pour vous faire une idée, la première fois que je me suis confiée à une dame engagée dans l’Eglise, elle m’a conseillé de me taire.
J’ai été confrontée à beaucoup d’incompréhension du même type jusqu’à ce que je rencontre un prêtre, Joël Pralong, qui m’a fait comprendre que mon orientation sexuelle n’était pas un obstacle à ma foi. Je l’ai revu à plusieurs reprises avec un ami gay qui avait les mêmes attentes que moi.
Ce prêtre nous a fait rencontrer l’évêque, Jean-Marie Lovey, le 27 janvier dernier. Lui aussi s’est montré très ouvert. Il nous a confirmé que nous étions dans l’Eglise, qu’elle ne nous rejetait pas et qu’il était important que nous puissions y rester tels que nous sommes. Il nous a encouragé à mettre sur pied des rencontres, à inviter des personnes qui partagent nos attentes et à réfléchir à la manière de trouver notre place spécifique dans l’Eglise. L’idée d’un groupe est partie à ce moment-là. Aujourd’hui, il en est encore à ses débuts. Nous ne sommes pas très nombreux – trois ou quatre – mais on sait que d’autres personnes y prendront part.
Quels sont vos objectifs?
En premier lieu nous rencontrer, afin de prendre conscience que nous ne sommes pas des cas isolés; et puis prier ensemble tout en réfléchissant à la manière de vivre notre foi et notre homosexualité sans dissocier l’une de l’autre.
Nous voulons également rendre l’Eglise attentive à la souffrance de certains jeunes homosexuels. Lorsqu’ils se tournent vers elle, elle est souvent démunie. Elle ne sait pas comment les accueillir. C’est aussi pour cela que nous nous engageons, pour qu’elle sache les accueillir comme ils sont, sans les juger.
Vous parlez d’accueil, mais pas encore d’intégration. Est-ce vraiment réaliste de chercher à trouver une place à part entière, comme homosexuel, dans l’Eglise catholique?
Oui, je crois. On peut vivre sa foi et son homosexualité en même temps. Ça n’a pas toujours été le cas pour moi, mais aujourd’hui je vais à la messe tous les dimanches et je prie en semaine. Il y a eu des déclics. La rencontre de ce prêtre, comme je vous le disais, mais aussi la lecture d’un des derniers livres de Sœur Emmanuelle. Elle y avoue avoir ressenti de l’attirance pour une autre femme, ce qui ne l’a pas empêchée d’être religieuse.
Au fond, l’important c’est de saisir que l’orientation sexuelle passe après l’amour. Avant de dire «tu ne peux pas vivre ton homosexualité», la bible dit: «tu peux aimer». L’homosexualité, ce n’est pas seulement sexuel, c’est aussi une histoire d’amour.
Pourtant l’Eglise ne bénit pas l’amour de deux personnes du même sexe…
Oui, en effet, parce qu’elle a une vision mécanique du couple. On croit qu’un couple ne peut porter qu’un fruit «matériel». Il s’agit d’un homme, d’une femme et donc d’un enfant. Les gens qui pensent comme ça ignorent que le fruit de l’amour peut être immatériel.
Immatériel?
Il y a des tas d’exemples. Je peux notamment apporter de la confiance à d’autres homosexuels en assumant au dehors ma propre relation de couple.
Pensez-vous qu’à terme l’Eglise évoluera dans sa conception du couple et qu’elle étendra sa bénédiction aux unions homosexuelles?
Oui, j’en suis convaincue. Des prêtres comme Wendelin Bücheli, prêts à bénir un couple homosexuel, j’en connais en Valais et ailleurs. Ceci dit, je pense que ce processus va prendre encore un peu de temps. On ne peut pas changer 2000 ans de doctrine d’un coup de baguette magique, mais je suis certaine que l’Eglise va s’ouvrir à la réalité du XXIe siècle. C’est juste une question de temps. (apic/pp)
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse
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