Les personnes qui présentent des tendances homosexuelles «doivent être accueilli[e]s avec respect, compassion et délicatesse», stipule le Catéchisme de l’Eglise catholique (1992), en précisant que les actes homosexuels sont «des dépravations graves» et «intrinsèquement désordonnés» (no 2357 et 2358). «En gros, cela revient à dire aux homosexuels ‘on vous aime bien, mais ce que vous faites c’est un péché'», explique le chanoine Nicolas Betticher, théologien et canoniste. Pour certains, cette approche mérite d’être affinée si l’on veut éviter une sorte de schizophrénie identitaire chez les personnes concernées, partagées entre un accueil effectif de l’Eglise auquel elles aspirent légitimement et la condamnation des actes qui découlent de leur orientation sexuelle, parfois déterminée.
La «solution» n’est pas à chercher du côté d’une révolution de la conception catholique du mariage. «Impossible», selon le père Benoît-Dominique de la Soujeole, professeur de théologie dogmatique à l’Université de Fribourg. «Le mariage est l’union d’un homme et d’une femme fondée comme devant être l’image de l’union du Christ et de l’Eglise.» L’altérité sexuelle en restera la condition sine qua non puisque, dans l’intention de Dieu, l’union des esprits et des corps vise à «participer à son dessein créateur, en appelant à la vie de nouveaux êtres». «D’un point de vue dogmatique, l’homosexualité reste un comportement différent de celui qui résulte de cette intention divine», selon le père dominicain.
Dès lors, que proposer aux couples dont l’orientation sexuelle diffère de ce modèle? «Soit on leur dit: ‘ce que vous vivez n’est rien’, ce qui serait cruel et irrespectueux, soit on accepte de reconnaître que ces personnes sont aussi en recherche d’une plénitude humaine, même si elles ne partent pas de là où on voudrait», affirme Thierry Collaud, professeur de théologie morale à l’Université de Fribourg. «En stigmatisant leur condition, on empêche toute évolution. Tout serait dès lors figé pour elles.» Un point de vue inacceptable pour l’éthicien qui prône une morale de croissance, où l’humain s’inscrit dans un dynamisme constant. «La communauté chrétienne devrait accompagner leur marche, en reconnaissant que Dieu est présent à leurs côtés».
En ce sens, d’après Nicolas Betticher, l’Eglise pourrait affirmer aux couples du même sexe: «Nous reconnaissons que vous avez une manière différente de vivre l’amour, mais nous ne pouvons pas juger de la qualité de cet amour. C’est là votre vérité que nous reconnaissons comme quelque chose qui s’épanouit en bien». La réflexion s’éloignerait ainsi de la sexualité pour interroger la relation: est-ce que l’amour de deux personnes du même sexe pourrait être comparable à celui qui cimente un couple hétérosexuel?
Cela ne fait aucun doute pour Joël Pralong, prêtre du diocèse de Sion. Auteur du livre «Mais qui a dit que Dieu n’aimait pas les homos?» dans lequel il relate son expérience pastorale, il soutient que l’idéal de l’amour – tel que le conçoit l’Eglise – existe également dans certains couples homosexuels. «Un amour oblatif, capable de bâtir un projet commun dans le don de soi et sur la durée, lie des personnes du même sexe».
Dans cette optique, selon Nicolas Betticher, une reconnaissance pourrait être envisageable, moyennant certaines précisions. «Le mot ‘bénédiction’ n’est peut-être pas le bon terme, même si l’on veut bénir les personnes individuellement et non pas le couple lui-même. Il ne s’agirait pas d’une reconnaissance sacramentelle, mais plutôt de l’accueil d’un couple qui veut dire du bien à Dieu de son amour, l’amour qu’il vit en profondeur. L’Eglise accompagnerait cet amour et prierait pour ce couple, pour sa fidélité, pour les droits et devoirs issus de cette décision de vivre ensemble sous le regard de Dieu.»
L’avenir de ce qui n’est encore qu’une perspective hypothétique va dépendre en grande partie du synode de la famille, dont la seconde partie se tiendra en octobre prochain. «Une réponse pastorale claire est attendue qui ne mette pas en péril la théologie matrimoniale, mais qui donne des réponses évangéliques aux couples du même sexe et surtout aident les agents pastoraux à unifier leur pratique à l’égard de ces personnes», explique le canoniste.
Dans l’Eglise catholique, le processus s’annonce bien plus compliqué que dans les Eglises réformées cantonales – dont la majorité a accepté de bénir les couples du même sexe. La problématique, plutôt occidentale, risque de créer un certain trouble parmi les 1,2 milliard de catholiques. «Il faudrait se mettre d’accord sur des principes généraux, dont le dénominateur commun pourrait être la liberté de conscience éclairée de la personne devant Dieu, c’est-à-dire accompagnée par la communauté ecclésiale et ses pasteurs», explique Nicolas Betticher. Le Christ nous enjoint à chercher une cohérence», conclut-il, «une cohérence dans laquelle s’inscrit le pape François lorsqu’il demande ‘Qui suis-je pour juger un homosexuel?’ En affirmant cela, il place tout simplement l’homme debout devant Dieu.» (apic/pp)
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse
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