Saint-Siège: Un accord «prêt à être conclu» avec la Chine sur les nominations d'évêques

Rome, 13 mars 2015 (Apic) Le 12 mars, le Père Federico Lombardi a affirmé sur une chaîne de télévision chinoise que le Saint-Siège était prêt à conclure un accord avec Pékin au sujet de la nomination des évêques en Chine continentale.

Depuis plusieurs mois, le dossier des relations sino-vaticanes semblait s’animer plus que de coutume, affirme l’agence «Eglises d’Asie». En novembre dernier, le Global Times citait une source chinoise proche du dossier selon laquelle la Chine et le Saint-Siège avaient trouvé un accord concernant le mode de nomination des évêques en Chine – l’un des principaux points d’achoppement d’une relation très délicate. Selon des sources ecclésiales, du côté du Saint-Siège, l’accord en question était sur la table de travail du pape François la semaine dernière et si son porte-parole s’exprime désormais dans les médias, notamment à l’attention de l’audience chinoise, c’est le signe que le Saint-Père y a donné son assentiment.

De quel accord parle-t-on ici ? Le Père Lombardi n’en a donné aucun détail dans son interview à Phoenix TV, chaîne hongkongaise diffusée en mandarin sur le continent chinois. Il a seulement rappelé qu’il n’existait aucune antinomie entre le fait d’être «en même temps un bon catholique et un bon citoyen chinois». Il a ensuite évoqué de manière précise et détaillée les relations entre le Saint-Siège et le Vietnam pour laisser entendre qu’elles pouvaient servir de modèle à celles entre Pékin et le Saint-Siège.

Vers une liste de trois noms présentée au pape?

Selon les informations d’Eglises d’Asie, dans l’affaire chinoise, les négociations de ces derniers mois auraient abouti à l’accord suivant: pour chaque siège épiscopal vacant, l’Administration d’Etat des Affaires religieuses – qui chapeaute les organisations religieuses en Chine – remettrait à Rome une liste de trois noms (au départ Pékin souhaitait une liste réduite à deux noms seulement), à charge pour le pape d’en accepter un ou de les récuser tous les trois. En cas d’acceptation, le candidat à l’épiscopat serait nommé par le Saint-Père, la nomination étant reconnue par les autorités chinoises, avant la cérémonie d’ordination proprement dite. Par ailleurs, rien n’est dit d’une éventuelle normalisation des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Chine populaire.

Le 13 mars, la Chine a communiqué sa position. Hong Lei, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a déclaré qu’en ce qui concerne les ordinations d’évêques, le Vatican devait respecter «la tradition historique et la réalité des catholiques en Chine». Il a ensuite repris, quasiment mot pour mot, ce que les porte-paroles du ministère réitèrent à chaque fois qu’il est question de négociations avec le Saint-Siège: «La Chine est toujours sincère dans sa volonté d’améliorer les relations avec le Vatican et déploie sans discontinuer des efforts en ce sens. Nous souhaitons avoir un dialogue constructif avec le Vatican (…). Nous espérons que le Vatican pourra créer les conditions favorables à une amélioration des relations.»

La Chine garderait le contrôle des nominations d’évêques

Selon Joseph Cheng Yu-shek, catholique et professeur de sciences politiques à la City University of Hong Kong, la réponse de Pékin signifie que le gouvernement n’est pas prêt à abandonner le contrôle qu’il exerce sur la nomination des évêques. A l’agence Ucanews, il explique: «D’un côté, vous pouvez simplement considérer que les dirigeants chinois ne sont prêts à aucune concession. D’un autre côté, c’est là une tactique de négociation typique de la Chine: elle pose le cadre, c’est elle qui impose ses principes, à charge pour l’autre partie d’accepter de discuter dans le cadre ainsi posé. De ce point de vue, Pékin serait prêt à aller au-delà d’un simple refus opposé aux demandes de Rome.»

En l’absence de détails sur la réalité d’un accord, les questions qui se posent sont nombreuses, estime Egklises d’Asie. Quid des évêques emprisonnés ou empêchés d’exercer leur ministère? Quelle situation pour les évêques de la partie «clandestine» de l’Eglise? Quel avenir pour les évêques ordonnés de manière illégitime ou qui sont excommuniés? De quels moyens disposera le Saint-Siège pour se renseigner sur le profil des candidats à l’épiscopat qui lui seront présentés par la Chine?

Le 11 mars, le cardinal Zen Ze-kiun, évêque émérite de Hongkong, a accordé une interview au Corriere della Serra. Son opinion est tranchée: «Pékin ne veut pas le dialogue. Leurs négociateurs mettent un document sur la table pour qu’il soit signé et, de notre côté, nous n’avons pas la capacité ou la force d’apporter des propositions différentes. Voulons-nous sacrifier la nomination et la consécration des évêques sur l’autel d’un dialogue creux?» (apic/eda/ra/bb)

Bernard Bovigny

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