Avant que le christianisme ne passe éventuellement de mode en Chine continentale et avant que les témoins des persécutions de ces 70 dernières années ne disparaissent, le dissident chinois exilé à Berlin a voulu coucher leurs témoignages sur le papier.
Liao Yiwu, qui vit dans la capitale allemande depuis 2011, a été durant les années 1980 un poète majeur de l’avant-garde chinoise. Mais un de ses poèmes, «Massacre», à propos de l’écrasement du printemps de Pékin de la place Tian’anmen, le 4 juin 1989, le fait basculer dans la dissidence. Libéré en 1994 après quatre ans de prison, l’écrivain proscrit mène ensuite une vie d’errance, voyant ses livres interdits par la censure.
Il est devenu l’un des auteurs chinois les plus lus clandestinement dans son propre pays. «L’Empire des bas-fonds» (Bleu de Chine, 2003), saisissante galerie de portraits, puis «Dans l’empire des ténèbres» (François Bourin Editeur, 2013, réédité chez Books Editions), récit de son séjour dans les prisons chinoises, le font connaître du public occidental.
Interrogé sur le caractère double de ses livres, à la fois témoignage et œuvre littéraire, il répond qu’avant de faire de la prison, l’aspect qui primait pour lui était la littérature. Après la prison, témoigner est devenu central, rapporte «Eglises d’Asie» (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP).
Elevé dans la Chine rouge, où on enseigne aux enfants l’idée que la religion, en général, incarne le mal et que le christianisme, en particulier, est l’avant-garde de l’Occident impérialiste, Liao Yiwu n’était prédestiné en rien à s’intéresser aux chrétiens chinois. Aujourd’hui encore, il se présente comme n’ayant pas d’appartenance religieuse précise, souligne EdA.
Ce sont des rencontres en prison avec des chrétiens incarcérés comme lui qui l’ont amené à découvrir cette frange de la population chinoise. Dans un style tour à tour poétique, alerte et gouailleur, il rend compte d’une vingtaine de destins, sauvant de l’oubli les histoires enfouies de croyants courageux dont le gouvernement communiste n’a pas réussi à briser la foi. Ne connaissant rien ou presque de l’histoire de l’Eglise, il retrace les vies aussi bien de catholiques que de protestants, étant entendu que pour lui comme pour l’immense majorité des Chinois non chrétiens la distinction ne fait pas sens.
Lors de la présentation le mois dernier de son livre à la librairie parisienne Le Phénix, spécialisées sur l’Asie et la Chine, Liao Yiwu a relevé que le problème de la Chine aujourd’hui est l’effacement de la mémoire, l’impossibilité d’écrire l’Histoire. L’histoire des chrétiens dont il a croisé la route devait donc être écrite. Dans la Chine d’aujourd’hui, chacun sait que les conversions au christianisme sont nombreuses. Or, a-t-il souligné, les convertis ne connaissent pas l’histoire du christianisme et de ses martyrs en Chine. (A lire les bonnes feuilles de son livre sur http://eglasie.mepasie.org/asie-du-nord-est/chine/2015-02-04-pour-approfondir-ab-dieu-est-rouge-bb-de-liao-yiwu) (apic/eda/be)
Jacques Berset
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