Depuis 1951, il y a eu plusieurs tentatives de faire voter une loi permettant que le statut personnel ne soit plus régi par les communautés. Mais cela n’a jamais été approuvé, à cause de l’opposition des chefs religieux. Ainsi le cheikh sunnite Mohammad Rachid Kabbani, mufti de la République, faisait connaître, le 12 février 2013, la position officielle de l’autorité sunnite: «Tout responsable musulman qui approuve la légalisation du mariage civil est considéré comme apostat et traître à la religion musulmane!»
Qualifiant le mariage civil de «microbe», la sanction promise au contrevenant par Kabbani est sans appel: «Il ne sera ni lavé, ni mis dans un linceul et ne recevra pas les prières à sa mort, ni ne sera enterré dans les tombes des musulmans». Le soutien populaire grandissant pour la légalisation du mariage civil – surtout parmi les jeunes Libanais – s’exprime cependant au quotidien sur les réseaux sociaux et sur internet.
Si la loi libanaise reconnaît les mariages civils contractés à l’étranger, mariages, divorces et questions d’héritage relèvent encore des autorités religieuses propres à chacune des dix-huit confessions reconnues dans le pays. Les couples sont de plus en plus nombreux à vouloir fuir le carcan des lois communautaires et à opter pour le mariage civil hors des frontières, à Chypre principalement. D’autre part, au Liban, quand les couples sont mixtes, l’un des époux se convertit à la religion de l’autre.
«La liberté de choix est cette faculté qui nous différencie des dictatures et du terrorisme», déclare Talal Husseini au quotidien francophone libanais «L’Orient-Le Jour». Ce chercheur et instigateur du mouvement en faveur du mariage civil dénonce les nouveaux obstacles au mariage civil.
Talal Husseini est à l’origine en novembre 2012 du premier mariage civil contracté au Liban, celui de Khouloud Succariyé et Nidal Darwiche. Il doit cependant faire face depuis plusieurs mois au refus du ministère de l’Intérieur de délivrer les actes de mariage civil contractés depuis un an, ainsi que les certificats de naissance des enfants nés d’un mariage civil.
Alors qu’il avait cru sa bataille pratiquement gagnée avec 13 mariages civils sur 54 dûment reconnus et enregistrés auprès de l’administration, il affronte aujourd’hui de nouveaux défis, car le combat en faveur du mariage civil n’est pas encore gagné. Ce sont donc plus de 40 couples dont la vie est aujourd’hui administrativement paralysée, déplore-t-il.
Certains de ces couples doivent désormais subir le stigmate social, puisqu’ils sont mariés sans l’être tout à fait aux yeux de leur entourage. D’autres ont vu l’euphorie de leur mariage se transformer en cauchemar. «Il n’empêche que c’est une bataille qu’ils ne sont pas prêts de lâcher», dit-il. L’attitude des autorités n’est aucunement justifiée du point de vue légal, encore moins réglementaire, explique le chercheur.
Talal Husseini, qui souligne que si le Conseil des ministres en tant que tel n’a pas à décider en la matière, il n’en reste pas moins que 19 des 24 ministres se sont prononcés en faveur du mariage civil. «Y compris le ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk lui-même», assure-t-il. Il dit ne pas comprendre la réticence de N. Machnouk, qui a décidé de suspendre la remise des documents relatifs au mariage civil, à joindre l’acte à la parole.
«Il est temps de mettre fin à la pensée terroriste» qui, par définition, «annihile précisément la liberté de choix», assène le chercheur libanais, avant de conclure que la liberté de choix est le principe qui caractérise le Liban par excellence mais aussi l’ensemble de la région. «C’est une vraie bataille qui reste encore à mener».
La tendance du mariage civil n’est plus l’apanage des couples mixtes, mais séduit aussi de futurs mariés de même confession préférant l’assurance d’un mariage à l’étranger alors que les conditions de sécurité se sont dégradées dans le pays ces dernières années. Les professionnels du tourisme et de l’événementiel, ayant flairé le bon filon, n’hésitent pas à surfer sur la tendance, proposant des «mariages clés en main» à l’étranger. A Chypre sont venues s’ajouter la Croatie, les îles grecques, la Turquie ou encore l’Italie. Dans l’événementiel, certains organisateurs de mariages ont même fait du mariage civil un véritable fonds de commerce, note l'»Orient-Le Jour».
Parmi les destinations les plus prisées pour célébrer les mariages civils figure Larnaka, à Chypre. Selon la mairie chypriote, quelque 350 mariages libanais y ont été célébrés en 2012 et 350 en 2013. La tendance était à la hausse en 2014. (apic/orj/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/pour-le-mariage-civil-au-liban-marche-en-faveur-de-la-liberte-de-choix/