«Qui cherche Jésus sans la croix trouvera la croix sans Jésus»

[Homélie du 23e dimanche C (Lc 14, 25 – 33)] Si nous voulons marcher à la suite de Jésus, renonçons à tout ce qui pourrait nous entraver, afin  que Jésus soit notre seule richesse. Pour un chrétien sachant calculer, la vraie sagesse ne compte sur aucune de nos sécurités terrestres. Que rien ne soit plus important pour le disciple que d’être uni à son Seigneur Jésus-Christ. Sa grâce nous suffit.

«Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple…».

Vous entendez la condition pour être disciple de Jésus. C’est ahurissant! Qui peut répondre oui à une telle condition? Cette exigence de Jésus est effarante, elle nous plonge dans la stupeur. Qui donc est cet homme pour exiger une pareille chose et que signifie-t-elle?

«Jésus n’est pas venu augmenter les croix humaines mais leur donner un sens.»

Une première erreur serait de penser que l’amour pour le Christ entre en concurrence avec les différents amours humains, tel l’amour pour les parents, le conjoint, les enfants et les frères et sœurs. Non, le Christ n’est un pas «rival en amour»!

Le soulier de satin de Claudel le dit très bien. Cette histoire se passe en l’Espagne au Siècle d’or. Une femme et un homme s’éprennent d’une «passion sans retour». La femme, Prouhèze, le personnage principal, fervente chrétienne, très mariale, nourrit un amour fou pour un homme prénomé Rodrigue. Les deux amants se débattent contre le péché que leur union représente aux yeux de Dieu. Ils veulent faire ce qui est juste, mais en même temps, ils réalisent leur faiblesse. A un moment donné, Prouhèze s’exclame comme si elle n’osait pas y croire: «cet amour des créatures les unes pour les autres est donc permis? Vraiment, Dieu n’est pas jaloux?». Et son ange gardien de lui répondre: « Comment pourrait-il être jaloux de ce qu’il a fait lui-même?» (cf. acte III, scène 8).

Voilà la clef, Dieu n’est pas jaloux de l’amour parce qu’il est lui-même l’amour! Il aime l’amour. Cependant, il veut un amour ordonné! Et l’amour est toujours une bonne chose quand il est ordonné à Dieu.

Dans les faits, un lien qui nous empêcherait de suivre le Christ ne serait pas un lien d’amour. Au contraire, l’intensité par laquelle cet amour nous aide à aimer Dieu et notre prochain vérifie la qualité d’un amour. Autrement dit, un amour qui nous enferme, un amour passion-fusionnel qui isole n’est pas un amour nous mettant à la suite du Christ. Car l’amour authentique unit toujours à Dieu et au prochain.

Ainsi, pour les chrétiens l’amour pour le Christ n’exclut-il pas les autres amours, mais les ordonne. C’est même dans cet amour que tout amour authentique trouve son fondement et son appui, ainsi que la grâce nécessaire pour aller jusqu’au bout. Ceci est le sens de la «grâce d’état» que le sacrement du mariage confère aux conjoints chrétiens. Elle assure que, dans leur amour, ils seront soutenus et guidés par l’amour que le Christ a eu pour son épouse, l’Eglise.

Par deux petites paraboles, celle de l’homme qui veut bâtir une tour et celle du roi qui part en guerre, Jésus nous demande ensuite d’ajuster nos ambitions au niveau de nos moyens. Avec les mots de la sagesse populaire nous pourrions dire que gouverner, c’est prévoir. Ce qui signifierait peut-être pour nous qu’être adulte, assumer, c’est peser les conséquences de ses actes et agir de manière responsable.

«Ainsi, avant de t’engager, assieds-toi et prends le temps de réfléchir ».

Ainsi, avant de se lancer dans quoi que ce soit, faisons bien nos calculs, sans nous tromper de comptes. Si nous partons en guerre, comptons nos hommes et nos munitions; si nous construisons une maison, calculons le prix de revient, les intérêts, etc. Si nous voulons marcher à la suite de Jésus, renonçons à tout ce qui pourrait nous entraver afin que Jésus soit notre seule richesse. Pour un chrétien sachant calculer, la vraie sagesse ne compte sur aucune de nos sécurités de la terre. Que rien ne soit plus important pour le disciple que d’être uni à son Seigneur Jésus-Christ. Sa grâce nous suffit.

Enfin, en conclusion de l’Evangile, Jésus nous rappelle également quel est le signe de l’amour authentique, un signe qui ne finira jamais de nous étonner: «prendre sa croix sur soi». Prendre sa croix ne signifie pas partir à la recherche de souffrances! Jésus n’est pas non plus allé chercher sa croix, il l’a prise sur lui, par obéissance à la volonté du Père.

Jésus a pris la croix, que les hommes lui mettaient sur les épaules; par son amour obéissant il a fait de cet instrument de supplice un signe de rédemption et de gloire. La croix est comme retournée, d’instrument de torture, elle devient signe d’amour. Jésus n’est pas venu augmenter les croix humaines mais leur donner un sens. Il a été dit très justement que qui cherche Jésus sans la croix trouvera la croix sans Jésus, c’est-à-dire qu’il trouvera également la croix mais sans la force pour la porter.

Seigneur, tu nous demandes de te préférer à tout.
D’être le premier amour de nos vies.

Tout ce qui est amour est bon, tu n’es pas jaloux de nos amours.
Tu es l’origine et le terme de chaque histoire d’amour.
Avec toi, l’amour authentique est ordonné, il a un sens.

Merci Seigneur pour les époux chrétiens. Merci pour la grâce du sacrement.

Viens nous aider à accepter nos croix. Ainsi nous aurons la force de les porter.

Seigneur, je veux te chercher avec la croix.
Sinon je ne trouverai que la  croix sans toi.

Amen.


Père Jérôme Jean, sept. 2013

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