Rome, 1er février 2015 (Apic) Le Suisse Daniel Rudolf Anrig a quitté ses fonctions à la tête de la Garde suisse pontificale le 31 janvier 2015, à la demande du pape François. Il a confié à l’agence I.MEDIA, à Rome, ce qu’il retenait de son mandat, écartant les critiques de «sévérité» à son égard qui auraient poussé le pape à le limoger, mais justifiant son départ par un besoin de renouveau.
Le 31 janvier, le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin a célébré une messe au cours de laquelle il a salué «l’exemple de responsabilité et de fidélité» du commandant nommé en août 2008, évoquant longuement dans son homélie l’exemple d’autorité du Christ.
Puis, lors d’une cérémonie qui a marqué le terme de sa mission, Daniel Anrig a soutenu que la Garde suisse était «un corps militaire» qui devait «rester comme tel», précisant que «discipline n’est pas synonyme de dureté ou de rigidité». Il a particulièrement remercié tous ceux qui avaient soutenu son travail, surtout au début de son mandat. Le nom de son successeur devrait être prochainement connu. Selon toute vraisemblance, le pape devrait nommer Christoph Graf, l’actuel vice-commandant.
I.Media: Quel bilan tirez-vous des six années et demi passées à la tête de la Garde suisse pontificale?
Daniel Anrig: Ma nomination par Benoît XVI fut, dans mon existence, un véritable cadeau et je regarde en arrière en remerciant pour ce don. J’étais lié à ce corps depuis mon passage comme hallebardier entre 1992 et 1994, puis je m’étais activement engagé comme ancien garde. Etre rappelé comme commandant fut comme revenir à la maison, avec émotion. C’est la première fois qu’un ancien hallebardier revenait à la garde comme comandant et j’ai pu donner à ce corps tout ce que j’avais jugé nécessaire lorsque je n’étais qu’un jeune homme.
I.Media: Quel est le plus beau souvenir que vous avez de ces années?
D.A: Mon sac est plein de très beaux souvenirs, en particulier concernant la vie de l’Eglise: les canonisations, l’élection du nouveau pape, mais aussi les belles rencontres personnelles avec Benoît XVI et le pape François. Il y aussi toutes les amitiés personnelles liées ici. Ces derniers jours, au terme de mon service, j’ai d’ailleurs vécu de très beaux moments d’amitié.
I.Media: Quels ont été les moments les plus difficiles?
D.A: Il n’existe pas de commandant à travers le monde qui ne sache pas ce que cela représente de devoir prendre une décision dont on sait bien, parfois, que ce n’est pas la meilleure, mais que c’est à vous de décider. Le devoir du commandant est de décider… même s’il n’a pas la réponse parfaite. Pour quelqu’un comme moi qui apprécie la perfection et souhaite donner le meilleur de lui-même, tu ne peux oublier que ce n’est pas parfait mais tu sais que tu as fait ton devoir.
I.Media: D’aucuns ont écrit que la Garde suisse était trop militaire aux yeux du pape, ce qui semble étrange pour un corps d’armée. Nous avons quant à nous rapporté votre sévérité excessive. Que répondez-vous à ceux qui vous ont fait cette critique?
D.A: La Garde suisse pontificale a déjà vécu 509 ans en étant organisée de manière militaire. Ces dernières années nous ont prouvé combien c’était nécessaire. Ainsi, lorsque le nouveau pape a décidé d’augmenter le dispositif de la garde en lui confiant aussi la sécurité à la Maison Sainte-Marthe, nous avons parfaitement réussi à garantir ce dispositif. Et cela grâce à l’organisation militaire. Nous avons réussi cela sans augmenter l’effectif, sans problèmes, grâce à l’organisation militaire: les responsables et les soldats ont immédiatement suivi mes décisions et j’en suis fier.
I.Media: Et la sévérité?…
D.A: C’est marrant d’entendre cela! Comme ancien hallebardier, je savais probablement mieux que les autres commandants avant moi ce dont les jeunes avaient besoin. J’ai eu une grande empathie pour ces jeunes, j’ai aimé dialoguer avec eux. J’ai augmenté les possibilités de sortir, la liberté d’organiser des fêtes, car j’avais apprécié, étant jeune, de pouvoir vivre! J’ai fait en sorte qu’ils puissent sortir pour faire du sport, je suis allé avec eux jouer au football, j’ai campé avec eux lors d’une marche de plusieurs jours, etc… Ainsi, j’ai vécu avec la troupe et c’est étrange d’être accusé de sévérité. Et puis je suis père de quatre enfants – la plus grande famille qui existe au Vatican – et cela a fait de moi un père pour les jeunes. Pour une figure proche des jeunes, la sévérité est inutile. Il faut être un point de référence pour la stabilité, il doit être ferme, et je crois que c’est une critique éloignée de la réalité.
I.Media: Au regard du bilan très positif que vous dressez, comment comprendre la décision du pape François de mettre fin à votre mission?
D.A: Le pape François nous montre qu’il veut du renouveau. Il est normal qu’un nouveau pape aille de l’avant, avec des initiatives. C’est aussi son devoir et il est normal de commencer le renouveau par le sommet des institutions. S’il a une idée pour la Garde suisse pontificale, il doit commencer par le commandant.
I.Media: Certains assurent que le pape souhaite la fin de la Garde suisse, ce qui semble surprenant. Mais que souhaite-t-il pour l’avenir de la garde?
D.A: Je ne le sais pas. Mais le simple fait qu’il s’intéresse au rôle du commandant témoigne à la Garde suisse de son appréciation pour ce service.
I.Media: Quand sera nommé votre successeur?
D.A: (Rires) Demandez à l’Esprit-Saint et directement au pape lui-même!
I.Media: Nous, journalistes, n’avons pas toujours été tendres avec vous, en répercutant des propos négatifs vous concernant…
D.A: Si j’ai vécu une belle collaboration avec les institutions de sécurité – Gendarmerie vaticane et Police italienne -, je dois dire que cela a aussi été le cas avec les journalistes, lorsque j’ai présenté des projets. Je remercie les médias car la Garde suisse a aussi besoin que l’on parle de la beauté de cette institution, un corps de plus de 500 ans qui se nourrit de ces jeunes qui perçoivent à travers les médias le caractère extraordinaire de cette institution. Ils nous aident à recruter et à faire que cette vieille institution soit toujours plus jeune. Quant aux échos négatifs, vous devez faire votre travail et je comprends que c’est difficile lorsque l’on a seulement un petit communiqué (sur la fin de sa mission, ndlr). A l’avenir, je serai probablement responsable d’une institution et je sais qu’en termes de communication chacun fait son travail.
(apic/imedia/ami/bb)
Bernard Bovigny
Portail catholique suisse
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