Reykjavik/Lausanne, 9 janvier 2015 (Apic) En raison de problèmes de santé, notamment de difficultés respiratoires causées par les difficiles conditions climatiques d’Islande, Mgr Pierre Bürcher a renoncé à sa charge d’évêque de Reykjavik, qu’il occupait depuis décembre 2007.
Tout en ayant présenté sa démission au pape François, Mgr Bürcher reste en charge du diocèse de Reykjavik jusqu’à la décision du pape quant à sa succession, a annoncé vendredi 9 janvier 2015 l’association Saint Jean-Marie Vianney Lausanne. Elle a confirmé à l’agence Apic qu’elle continuerait de soutenir l’évêque d’origine haut-valaisanne dans son ministère et sa future mission.
Après vingt ans d’épiscopat en Suisse et en Islande, Mgr Bürcher regrette de quitter pour raisons de santé un beau pays ainsi qu’un diocèse jeune et en pleine expansion. La population catholique en Islande a en effet triplé en une décennie, atteignant désormais quelque 13’000 catholiques sur 325’000 habitants, déclarait à l’Apic l’évêque de Reykjavik, de passage en Suisse en décembre dernier, quand il venait d’être installé comme nouveau chanoine d’honneur du Chapitre cathédral de St-Nicolas, à Fribourg. A cette époque de l’année, le soleil se levait après 11h le matin et se couchait peu après 15h30.
A cette rigueur quasi polaire du climat islandais s’ajoutent depuis plusieurs années les fines poussières des continuelles éruptions volcaniques. La joie qui se lisait sur le visage de ce Haut-Valaisan qui a vécu à Nyon, où sa famille s’était installée quand il était enfant, semblait pourtant montrer qu’il s’était bien adapté aux frimas et aux longs hivers nordiques. «Si on peut supporter le premier hiver en Islande, après c’est bon !», lâchait alors l’ancien évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg. Mais les problèmes de santé duraient depuis un moment déjà.
En tant qu’évêque émérite, Mgr Bürcher, qui est entré récemment dans sa septantième année, servira l’Eglise autrement, note l’Association Saint Jean-Marie Vianney Lausanne. D’entente avec le patriarche latin de Jérusalem, il a choisi de prendre sa retraite, pour une première période, lorsque les circonstances s’y prêteront, en Terre Sainte. Il s’y adonnera à la prière, et selon ses possibilités, il sera à disposition pour animer des retraites spirituelles et des pèlerinages afin de soutenir les chrétiens de Terre Sainte, comme il l’a toujours fait dès les débuts de son ministère.
Si les catholiques dans son diocèse d’Islande sont encore peu nombreux – en majorité des immigrés polonais, philippins, lituaniens et autres, travaillant principalement dans la construction, le tourisme ou la pêche, «leur nombre a triplé en 10 ans, et ce sont surtout des familles, de jeunes foyers», se réjouit Mgr Bürcher. «Nous avons quelque 180 baptêmes par année, contre une vingtaine d’enterrements». Dans ce pays de tradition protestante, où l’Eglise évangélique-luthérienne est l’Eglise nationale, chaque année entre 5 et 25 personnes de tradition luthérienne font un cheminement personnel et communautaire pour être reçus dans la communauté catholique lors de la veillée pascale… C’est bien accepté par l’Eglise nationale, avec laquelle nous avons de très bonnes relations».
«Ce sont des luthériens qui deviennent catholiques après nous avoir découverts à l’occasion d’un mariage ou d’un enterrement. Ils déclarent que dans l’Eglise catholique, ils se sentent ’comme à la maison’, qu’ils reviennent à la maison. Il faut dire que la ferveur des catholiques les impressionne, en particulier celle des Philippins !»
Autre source de satisfaction pour l’évêque démissionnaire de Reykjavik: la jeunesse de son clergé. «Pour nos 18 prêtres, la moyenne d’âge est de 48 ans. Ils viennent d’Allemagne, de France, d’Angleterre, de Slovaquie, d’Argentine, d’Irlande… Un seul est Islandais, l’abbé Hjalti Thorkelsson. Un Américain, qui vit depuis de nombreuses années en Islande, se prépare à devenir diacre permanent. Nous avons un séminariste en stage, qui vient du diocèse de Copenhague. Nos 32 religieuses, qui viennent également toutes de l’étranger, sont également pour la plupart des jeunes».
L’évêque suisse se donnait pour but de favoriser des vocations sacerdotales locales, car les Islandais considèrent encore trop souvent l’Eglise catholique comme une «Eglise d’étrangers», mais c’est loin d’être facile, notamment au plan matériel, car son diocèse dépend essentiellement de l’extérieur pour son financement.
En effet, au contraire de l’Eglise luthérienne, où les pasteurs sont payés par l’Etat, ce n’est pas le cas pour les catholiques, qui sont une communauté ecclésiale reconnue, mais ne bénéficiant pas d’un statut étatique. «Nous ne recevons aucune aide pour les salaires, ni aucun subside pour les constructions». Certes, confiait-il, il y a bien les quêtes auprès des fidèles, mais ce sont des jeunes familles, des travailleurs pas très fortunés. «Avant de venir en Islande, je pensais que c’était un pays riche, et que par conséquent l’Eglise avait les moyens de vivre, mais ce n’est de loin pas le cas. Surtout depuis la crise financière qui a secoué le pays en 2008».
L’entreprenant évêque rêvait, il y a quelques années, d’implanter un couvent de moines bénédictins dans le paradis naturel du Hvalfördjur, le «fjord des baleines», à une heure de route au nord de la capitale islandaise Reykjavik. Le projet ayant fait long feu, Mgr Bürcher a trouvé à louer un espace de près de 1’500 hectares à Úlfljótsvatn, près du parc national de Thingvellir, situé à l’Est de Reykjavik, avec la volonté d’y installer un monastère «pour renouer avec la tradition monastique qui fut extrêmement vivante en Islande au Moyen Age».
Avant la Réforme, l’île scandinave comptait en effet une bonne douzaine de monastères augustiniens et bénédictins, qui furent souvent à l’origine des lettres islandaises, dont les sagas et les poésies ne sont à nulles autres pareilles. Ces centres de culture – où l’alphabet latin avait remplacé l’ancienne écriture runique – furent abolis lorsque la Réforme luthérienne, imposée brutalement aux Islandais par le roi du Danemark, s’imposa définitivement en 1550. C’est le 7 novembre de cette année-là que les agents du Danemark exécutèrent Mgr Jón Arason, le puissant évêque de Hólar, au nord de l’île. Il fut décapité en compagnie de deux de ses fils à Skálholt.
«Un tel monastère ne nous coûterait rien, car les moines pourraient s’autofinancer par leur travail. Les locataires ont le droit de pêche, ils pourraient donc vendre les truites pêchées dans le lac, élever du bétail, se faire payer par l’Etat pour le travail de reforestation de cette zone. Pour des raisons historiques, les luthériens seraient aussi intéressés par l’érection d’un monastère, comme il en existait dans le pays avant la Réforme». Mais il n’est pas facile de trouver des monastères en Europe disposés à laisser partir quelques moines, et pour les non-Européens, regrette Mgr Bürcher, il est devenu de plus en plus difficile d’obtenir des visas, même pour les prêtres et les religieuses.
Encadré:
La présence catholique en Islande est récente, car pendant plus de quatre siècles le catholicisme y fut interdit. Introduit sans violence vers l’an 1000 par un vote de l’Althing, le parlement national, le catholicisme a été brutalement aboli au XVIe siècle sur ordre du roi du Danemark, Christian III, qui sécularisa les biens de l’Eglise et se les attribua. Il fit chasser tout le clergé catholique du pays. Mais pendant plusieurs années, le peuple resta en majorité fidèle au catholicisme et Jón Arason, le puissant évêque de Hólar, se battit avec vigueur pour récupérer les monastères et autres biens d’Eglise confisqués par le pouvoir danois et ses partisans protestants. Fait prisonnier, les partisans du Danemark le firent décapiter. JB
Encadré:
C’est en 1855 que fut fondée la Préfecture Apostolique du Pôle Arctique pour les pays nordiques. Des prêtres catholiques furent alors envoyés en Islande pour, officiellement, s’occuper des marins français qui y séjournaient lors de leurs campagnes de pêche. En mai 1857 débarquait à Fáskrúdsfjördur, dans un fjord de la côte Est de l’île, le Père Bernard Bernard. L’année suivante, un autre prêtre français, Jean-Baptiste Baudoin, arrivait en Islande. Il décidait avec son confrère d’aller à Reykjavik, ce qui faciliterait l’annonce de la foi. Ils y achetèrent un terrain nommé Landakot, où se trouvent l’actuelle cathédrale du Christ Roi, l’école catholique et l’évêché. Le Père Baudoin n’avait le droit ni de dire la messe dans un lieu public, ni de porter à l’extérieur le moindre signe de la foi catholique. En 1875, le Père Baudoin quitta l’Islande sans avoir pu convertir personne! Le nombre d’Islandais convertis est longtemps demeuré désespérément faible, étant donné que le catholicisme était prêché en danois – la langue du colonisateur – et non en islandais.
L’Eglise catholique islandaise n’eut pendant des générations que quelques centaines de fidèles. Malgré tout, Rome décida d’ériger Reykjavík en diocèse en 1968, car jusque-là, les chefs de l’Eglise en Islande faisaient référence à l’ancien siège épiscopal du Nord, Hólar, celui que dirigeait Jón Arason, le dernier évêque catholique avant la Réforme. Avec l’arrivée de travailleurs étrangers, de nouveaux lieux de culte ont été érigés en Islande. La communauté catholique compte désormais quelque 13’000 fidèles, en grande majorité des étrangers. JB
Encadré:
De parents valaisans, Pierre Bürcher est né le 20 décembre 1945 à Fiesch, en Haut-Valais. Sa famille a déménagé dans le canton de Vaud lorsqu’il avait 7 ans. Il a étudié à Nyon, Genève, Einsiedeln et à Fribourg où il a obtenu la licence en théologie en 1971. Il a été ordonné prêtre la même année à Genève. Pendant 18 ans, il exerce le ministère paroissial à Fribourg, Lausanne et Vevey. De 1989 à 1994, il est recteur du séminaire diocésain de Lausanne, Genève et Fribourg.
Nommé par le pape Jean Paul II, Mgr Bürcher est ordonné évêque à Fribourg, le 12 mars 1994. Dès cette année, il est évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg jusqu’en 2007 où le pape Benoît XVI le nomme évêque de Reykjavik. En plus de l’Oberwallisertitsch et du Schwyzertütsch ainsi que de quelques connaissances de l’islandais, Mgr Bürcher parle le français, l’allemand, l’italien et l’anglais.
Pendant dix ans, Mgr Bürcher a été président de Catholica Unio Internationalis. Il est membre de l’Ordre Equestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem ainsi que de l’Ordre de Malte. Le pape François vient de le confirmer comme membre de la Congrégation pour les Eglises Orientales. (apic/be)
Jacques Berset
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