Brasilia, 8 janvier 2015 (Apic) Katia Abreu, nouvelle ministre brésilienne de l’Agriculture, a causé un scandale en prétendant que «les indiens sont sortis de la forêt pour s’installer sur les terres de production».
Nommée Ministre de l’Agriculture le 26 décembre dernier malgré de vives critiques, Katia Abreu a provoqué la colère de la société civile brésilienne à cause d’une interview publiée le 5 janvier dans les colonnes du quotidien national «Folha de Sao Paulo».
Dans cet entretien, cette grande propriétaire terrienne de l’Etat amazonien du Tocantins, présidente de la Confédération nationale de l’Agriculture (représentant les grands propriétaires terriens) et première femme à occuper les fonctions de ministre de l’Agriculture, a notamment affirmé, que «le pays n’a besoin que d’une réforme agraire ponctuelle, car les grandes propriétés n’existent plus au Brésil». Elle a également prétendu que les conflits liés à la terre avec les peuples indigènes existaient parque «qu’ils sont sortis de la forêt et ont commencé à aller vers les zones de production» agricoles.
Les réactions n’ont guère tardé. En particulier celle de Mgr Erwin Kräutler, évêque d’Altamira, au nord du Brésil, et président du Conseil indigéniste missionnaire (CIMI), dans le cadre d’une déclaration prononcée le 7 janvier, au siège du CIMI, à Brasilia, la capitale. «La ministre de l’Agriculture, en plus de révéler une forme de cynisme et de mépris, démontre clairement qu’elle fait partie du gouvernement de Dilma Rousseff afin de piétiner les droits de ceux et celles qui luttent pour une distribution égalitaire de la terre, pour les droits des peuples indigènes, quilombolas (communautés de descendants des esclaves), communautés traditionnelles, paysannes et pour la protection de l’environnement. La ministre n’a pas hésité à assumer ouvertement que sa mission consistait à défendre les intérêts des grands propriétaires et les privilèges accordés par le gouvernement aux acteurs de l’agro business.»
Le responsable du CIMI est également revenu sur le fait que la ministre défendait la proposition d’amendement de la Constitution 215/00, condamnant à terme les processus de démarcation des terres autochtones et tentait d’ôter toute légitimité au droit des peuples indigènes sur leurs terres traditionnelles. «Prétendre que les indiens sont sortis de la forêt pour aller dans des zones de production agricole est une affirmation tellement incorrecte et déconnectée de la réalité de notre pays, que ce ne peut être que le fruit d’une totale ignorance et d’une profonde mauvaise foi. Car, qui connaît réellement l’histoire du Brésil sait que ce ne sont pas les indiens qui sont sortis ou sortent des forêts. Ce sont les grands propriétaires et les acteurs de l’agrobusiness qui envahissent et détruisent les forêts, expulsant et assassinant les populations qui y vivent.»
Toujours sur un ton très dur, le CIMI a considéré que la «reine de la tronçonneuse», comme la nouvelle ministre de l’Agriculture est surnommée par certains militants écologistes au Brésil, s’était couverte de ridicule avec cette interview. «Ce n’est pas digne de la part d’une personne qui a été appelée pour occuper la fonction de ministre de propager l’idée caricaturiste selon laquelle les peuples indigènes revendiqueraient ‘le Brésil en entier’.» Mgr Kräutler a enfin rappelé que «la Constitution Fédérale de 1988 octroie le droit des peuples indigènes survivant à des siècles de massacres et de spoliation à pouvoir vivre sur les terres traditionnellement habitées par eux. (apic/jcg/rz)
Raphaël Zbinden
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