Syrie: En visite en Suisse, le Père Georges Aboud dénonce les menaces de bombardements
Fribourg/Damas, 4 septembre 2013 (Apic) En visite en Suisse à l’invitation de l’œuvre d’entraide catholique «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED) à Lucerne, le Père Georges Aboud dénonce les menaces de bombardements de la Syrie brandies tant par le président Barack Obama que par le président français François Hollande. «Ces bombardements n’apporteront aucune solution, seulement un peu plus de misère et de colère», a-t-il déclaré le 4 septembre à l’agence Apic. «Les gens ont peur, ils refusent catégoriquement toute intervention étrangère!»
«Je viens de Damas, la ville de la conversion de saint Paul. Je viens de la Syrie, où se trouvait autrefois Antioche, et c’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de ‘chrétiens’, comme il est dit dans le livre des Actes des Apôtres (11, 26)», lance d’emblée le religieux libanais âgé de 45 ans.
Curé grec-catholique melkite de la paroisse de Saint-Cyrille, dans le quartier de Kassa’a, le Père Georges Aboud vit dans une zone de Damas contrôlée par le gouvernement et épargnée par les combats de rue. «Nous pouvons encore célébrer quatre services religieux le dimanche. L’église est pleine de fidèles, à chaque fois de 350 à 400 personnes. La jeunesse est également présente lors de toutes les messes. Notre centre paroissial est fréquenté chaque semaine par de nombreux jeunes et enfants».
Mais le religieux de l’ordre basilien salvatorien remarque que certaines familles sont parties et que d’autres ont peur d’envoyer leurs enfants au centre, parce que les échanges de tirs qu’ils voient à la télévision ont lieu non loin de la paroisse de Saint-Cyrille. «Des bombes explosent partout, des gens ont déjà été touchés par des balles perdues ou tués par des tireurs embusqués. Même mon presbytère a été touché par des obus, qui ont provoqué d’importants dégâts dans toute la maison. Heureusement, nous n’étions pas là à ce moment-là!»
«Ces derniers temps, la situation est devenue plus difficile à Kassa’a et dans les autres quartiers à forte présence chrétienne, comme Bab Charki et Bab Touma (porte de Saint Thomas)». Nombre d’obus sont tombés sur ces quartiers, faisant des victimes, note le religieux libanais. Mais depuis peu, les combats se sont un peu éloignés du centre.
«Il y a des moments de calme, et la vie semble normale dans ces quartiers. Les gens vont travailler, les boulangeries et les magasins sont ouverts. Quand il y a une menace et que les combats se font plus forts à quelques kilomètres, les gens restent à la maison. Mais certains partent, car ils ont peur. C’est compréhensible, ils craignent pour la sécurité de leurs enfants et se demandent quel sera leur avenir», remarque le Père Georges Aboud, qui doit retourner à Damas la semaine prochaine.
Si les chrétiens, comme le reste de la population civile, ont déserté les quartiers de périphériques de Jobar et d’Aïn Terma, en proie aux combats, au centre de Damas la majorité est restée. Il n’y a pas eu d’exode des chrétiens comme à Homs.
«La plupart des gens sont toujours là et ne veulent pas émigrer. Ils ne veulent pas quitter leur patrie parce que c’est une terre sainte. Le Seigneur l’a bénie avec des saints, et a accueilli dans son ciel Saul – devenu Paul. Sur cette terre, de nombreux martyrs ont sacrifié leur vie pour le Christ. La tragédie des chrétiens d’Irak est toujours devant nos yeux. La majorité d’entre eux ont dû quitter leur pays. Nous craignons que de tels événements se répètent en Syrie. C’est notre angoisse!»
Dans sa paroisse de Kassa’a vivent en bonne entente quelque 15’000 melkites (des catholiques de rite byzantin unis à Rome), aux côtés de syro-orthodoxes, de syro-catholiques, de chaldéens, de maronites, de protestants et de musulmans.
«Musulmans comme chrétiens ont peur des extrémistes. Il y a de la solidarité entre les Syriens. Il y a une très belle tolérance en Syrie, je peux en témoigner. Le peuple syrien n’est pas violent, c’est un peuple tolérant! L’extrémisme est fomenté de l’extérieur, par des puissances qui fournissent de l’argent et des armements, et certains se laissent prendre. Il y a en Syrie de nombreux groupes qui ne sont pas du pays, avec une toute autre mentalité».
Ce que demandent les Syriens, affirme le jeune prêtre, ce n’est pas davantage d’armes, mais le dialogue, que réclame le pape François, tous les patriarches et évêques du Moyen-Orient et au-delà. «Malheureusement, on n’entend pas les gouvernements appeler à la négociation et au cessez-le-feu…On a l’impression que l’on veut épuiser les parties en conflit, alors que la seule solution viendra d’une négociation».
Pendant ce temps, les victimes sont toujours plus nombreuses et le peuple syrien fait face à une crise profonde, avec des millions de déplacés internes et de réfugiés. «Le patriarcat grec-catholique aide aujourd’hui quelque 2’500 familles, soit deux fois plus qu’il y a un an. Le kilo de tomates, qui coûtait auparavant 10 livres syriennes en coûte maintenant 100 ou 105, soit dix fois plus… Il y a de plus en plus de familles dans la misère, et le Patriarcat fait de son mieux pour leur venir en aide, comme nous le faisons également au niveau de la paroisse». ¨
Le Père Georges Aboud déplore la façon trop souvent unilatérale dont est présentée la situation syrienne et le fait que «la vérité de ce monde puisse être manipulée et que le pouvoir des médias prend le dessus, servant ni l’Homme ni Dieu, mais seulement l’intérêt des puissances de ce monde».
C’est pourquoi il souhaite que l’Occident se fasse l’image de la situation en Syrie la plus différenciée possible, en ne négligeant pas la situation des minorités religieuses. «Je souhaite que vous exerciez une pression politique tant sur le gouvernement que sur l’opposition pour soutenir un changement pacifique et des réformes dans notre pays». (apic/be)
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