Egypte: Les coptes craignent de nouvelles attaques après l’appel à un «vendredi de la colère»
Le Caire, 16 août 2013 (Apic) La situation des chrétiens en Egypte est devenue dramatique depuis l’éviction du dictateur Hosni Moubarak en février 2011. Depuis plus de deux ans, les coptes sont la cible des salafistes tenant des prêches haineux contre les «croisés». Mais ils sont désormais également dans le collimateur des Frères musulmans. Les partisans du président destitué Mohamed Morsi, malgré la proclamation de l’état d’urgence, ont promis pour le 16 août un «vendredi de la colère», après la répression qui a fait plus de 600 morts et plusieurs milliers de blessés depuis mercredi.
Dès avant la répression des manifestants pro-Morsi, qui occupaient les places du Caire à Al-Nahda et Rabiya Al-Adawiya, les violences contre les chrétiens coptes étaient monnaie courante depuis l’appel lancé début août par Ayman al-Zawahiri. L’actuel chef d’Al-Qaïda accusait les Etats-Unis d’avoir comploté avec l’armée égyptienne et la minorité chrétienne copte pour renverser le président islamiste Mohamed Morsi. Cet appel du terroriste d’origine égyptienne était abondamment relayé par les sites et les blogs islamistes, accusant les chrétiens d’être complices des militaires.
Au cours d’actions qui semblent avoir été coordonnées, des églises coptes orthodoxes, protestantes et catholiques, ainsi que des écoles coptes, des commerces et des maisons appartenant à des chrétiens ont été attaqués les 14 et 15 août au Caire, à Alexandrie, à Assiout, à Sohag, à Minya. «Dans cette dernière ville, en particulier, la situation est préoccupante, ce sont de vraies représailles contre les chrétiens, coupables, selon les Frères musulmans, d’avoir soutenu les grandes manifestations qui ont mené à la déposition du président Morsi», confie à l’agence catholique italienne SIR le Père Daniel Cima, provincial de l’Institut du Verbe Incarné pour le Moyen-Orient (IVE), qui travaille en Egypte depuis 1995 en faveur des handicapés et des orphelins.
«La tension est élevée – dit le provincial – et c’est pourquoi nous avons demandé à nos religieux et religieuses d’être prudents. Ils savent comment se comporter dans de telles situations: ne pas sortir, surtout pas seuls, éviter les rassemblements de foule, rester en communication autant que possible pour se donner les informations utiles et nécessaires».
Cette situation, selon le Père Cima, était d’une certaine manière prévisible, étant donné que les Frères musulmans ne veulent pas perdre le terrain gagné au cours de nombreuses décennies de lutte politique et sont prêts à donner leur sang pour cela. «Je ne vois pas, en ce moment, beaucoup de possibilités pour une solution politique (…) Mais il faut tout de même rechercher le dialogue avec une grande détermination, parce que c’est utile».
Cependant, avertit le religieux, «il ne faut pas que se produise ce que nous voyons en Syrie, où des pays étrangers fournissent des armes aux belligérants. Ceux qui en font les frais, c’est le peuple et la minorité chrétienne… nous pensons aux prêtres et aux évêques qui ont été enlevés, aux nombreuses personnes déplacées et réfugiées». «Ce que le peuple égyptien demande – ajoute-t-il – c’est le progrès, le droit, un pays ouvert et respectueux, pas intégriste ou un califat. Il faut respecter la volonté politique des millions d’Egyptiens qui voulaient la transition. Morsi – il est bien de le rappeler – a été destitué après que plus de trente millions d’Egyptiens soient descendus dans la rue pour protester et exiger le changement. La déception à l’égard du gouvernement des Frères musulmans a été forte».
L’analyse du Père Daniel Cima est confirmée par le Père Rafic Greiche, porte-parole de l’Eglise copte catholique, qui note que la majorité de la population égyptienne refuse le retour au pouvoir des Frères musulmans, «une minorité dans le paysage politique du pays». «Celui qui parle d’une Egypte divisée en deux parties égales se trompe. D’une part, il y a les islamistes, qui représentent moins de 5% de la population, de l’autre, il y a les gens qui sont descendus dans les rues le 30 juin (pour demander la démission du président Morsi, ndr), où figurent des mouvements politiques divers, y compris même des musulmans conservateurs qui rejettent l’agenda politique des Frères musulmans».
Les chrétiens égyptiens se plaignent que les forces de l’ordre ne les protègent pas. Suite à des appels angoissés provenant de plusieurs gouvernorats, l’Union des jeunes de Maspero, qui rassemble des militants coptes, a annoncé qu’elle allait protéger les édifices religieux, les maisons et les commerces des chrétiens menacés par les islamistes.
Vendredi 16 août, le bilan des églises incendiées par les émeutiers était de 22, mais les jeunes de Maspero affirment que le nombre d’églises attaquées se monte à au moins 39. Des monastères ont été attaqués, et des maisons de chrétiens ont été signalées par des croix et des slogans haineux, les désignant comme de futurs objectifs. Dans le gouvernorat de Beni Suef, les menaces des islamistes se précisent. «Vos églises seront brûlées aujourd’hui ou demain!», alors qu’il n’y a aucune présence de policiers ou de militaires dans les rues, se plaignent les chrétiens de ce gouvernorat. (apic/sir/asian/be)
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