Un ermitage où l’on n’est jamais seul
Soleure, 5 août 2013 (Apic) Un ermitage est habité par une personne solitaire. Le visiteur qui se rend à Sainte Vérène, près de Soleure, avec une telle pensée passera complètement à côté du lieu. Non seulement la clairière avec les chapelles et la cellule est entrée dans les cœurs des habitants de la région, mais également le chemin qui les y mène. L’agence Apic s’est promenée à travers les gorges ombragées en compagnie de Hans-Rudolf Hug, vice-président de la Société de l’ermitage de Sainte Vérène.
L’ermitage de Sainte Vérène n’est plus un lieu de pèlerinage habituel, affirme Hans-Rudolf Hug. Peu de visiteurs s’y rendent désormais avec des motivations religieuses. Les gens marchent plutôt à la recherche de délassement dans un lieu un peu caché, à l’extérieur de la ville de Soleure. On croise beaucoup de promeneurs dans ces gorges ombragées et agréables, en cette fin de semaine caniculaire. «Des mamans avec pousse-pousse se rendent volontiers ici pour une promenade», constate Hans-Rudolf Hug. Comme sur commande, on rencontre sans arrêts des femmes avec des poussettes à trois roues. Le chemin forestier suit les courbes d’un ruisseau. Plusieurs petits ponts permettent de passer d’une rive à l’autre. Déjà petit, il venait jouer dans les gorges, raconte l’homme de 77 ans. Aujourd’hui aussi, plusieurs enfants entreprennent des jeux le long du ruisseau.
«On l’appelle la pierre du Diable», affirme l’ancien professeur d’histoire en montrant une roche de plusieurs mètres de hauteur au milieu du ruisseau. Selon la légende, raconte-t-il, Sainte Vérène a cueilli des herbes médicinales pour sa tisane en cet endroit. Vérène a également parlé du Christ à de nombreuses femmes de paysans à qui elle a offert de sa boisson. «Le Diable n’a pas apprécié», affirme Hans-Rudolf Hug, tout en baissant progressivement la voix. Et lorsque Vérène se mit à nouveau à la cueillette des herbes en cet endroit de verdure, le Démon l’attendait, avec une grande pierre entre ses énormes pattes afin de la lui lancer. Mais Vérène a aperçu la pierre. Elle a fait un signe de croix et juste à ce moment, la force a abandonné le Diable, et la pierre lui est tombée sur les pieds. Depuis, il s’est mis à boiter, raconte l’historien en souriant. Et pour donner un fond réaliste à la légende, Hans-Rudolf Hug montre sur le rocher l’emplacement où le Diable l’a saisi avec ses pattes. En haut à gauche et en bas à droite, la pierre couverte de mousse est dénudée. La Société de l’ermitage de Sainte Vérène doit régulièrement ôter la mousse à ces deux emplacements de la pierre, admet-il avec un sourire complice.
Après dix minutes de promenade décontractée, la gorge étroite s’ouvre et la cellule apparaît sur le côté droit sous un énorme promontoire rocheux. Elle rappelle un peu une petite maison de pain d’épices tirée d’un conte: des petites fenêtres et un toit penché qui touche presque terre des deux côtés. Une croix de pierre plus haute qu’un homme est plantée au milieu d’un jardin aménagé avec art. Un panneau en bois sur la porte du jardin indiquant «Privé» est censé procurer un espace de sphère privée à l’habitante de ces lieux. «On sait selon les rapports, que la cellule a toujours été habitée par des ermites depuis plus de 600 ans», affirme Hans-Rudolf Hug. Et probablement même depuis bien plus longtemps.
Depuis 2009, l’ermitage est habité pour la première fois par une femme, Verena Dubacher. Une autochtone modeste et intelligente, affirme Hans-Rudolf Hug. Elle n’a pas peur dans cet ermitage où elle n’est jamais seule dans la journée. Mais durant la nuit… Pourquoi devrais-je avoir peur, a-t-elle affirmé. « Si quelque chose doit se passer, eh bien que cela se passe ! ». Cette ancienne pédagogue religieuse de Hochdorf, dans le canton de Lucerne, est sacristaine pour les chapelles de Sainte Vérène et Saint Martin.
La chapelle dédiée à Vérène s’insère dans la falaise qui se dresse en face de la cellule. Ce n’est qu’en y pénétrant que l’on remarque qu’elle n’a que dix mètres de profondeur dans la roche. Une statue en albâtre de Vérène avec ses attributs, le peigne et la cruche, est posée sur l’autel. La cruche représente symboliquement l’utérus. Vérène est notamment la sainte patronne des jeunes femmes qui désirent ardemment un enfant. C’est la raison pour laquelle le lieu de pèlerinage a attiré autrefois beaucoup de femmes venues déposer leurs intention de prière auprès de Sainte Vérène en vue de recevoir un enfant.
La grotte sur deux étages, dans laquelle sainte Vérène aurait vécu au IVe siècle, est cachée derrière la chapelle de Saint Martin et n’est pas accessible. Hans-Rudolf Hug, qui mène régulièrement des visites guidées, regrette que l’on ait dû laisser la chapelle de Saint Martin toujours fermée. Les statues de grande valeur et le toit en bois aménagé avec art à l’intérieur n’ont pas laissé d’autre choix en raison de la criminalité croissante.
Un coup d’œil dans la chapelle à travers des barreaux dans la lourde porte en bois est cependant possible. La chapelle Saint Martin est très appréciée pour des mariages et des baptêmes, indique Hans-Rudolf Hug. D’autres célébrations ne s’y déroulent que sur demande. Des personnes de tous âges viennent ici pour reprendre des forces. Il arrive parfois que l’une ou l’autre personne tende sa main dans une ouverture dans la paroi derrière la chapelle de Sainte Vérène, en espérant que sa prière soit exaucée. «Vrenerli, Vrenerli, nimm mer d’Schmärze, düür mer wäg die böse Wärze» (Vérène, Vérène, prends mes douleurs, ôte-moi mes méchantes verrues»). C’est en prononçant ces paroles qu’une femme aurait perdu ses verrues, affirme le guide tout en souriant, mais en ajoutant qu’il s’agit là d’une forme d’effet Placebo. L’historien est pourtant persuadé qu’un grand rayonnement positif émane de cet endroit et qu’il est recherché par les visiteurs. Lui-même semble passionné par ce lieu. Il s’y rend trois à quatre fois par semaine, affirme-t-il.
Selon la tradition, Vérène a vécu entre la fin du IIIe et le début du IVe siècle. Elle est originaire de la Thébaïde, en Haute-Égypte. Baptisée par saint Chérémon, elle accompagne avec son cousin saint Victor la Légion thébaine menée par saint Maurice. Quand ce dernier et ses compagnons sont martyrisés à Agaune (aujourd’hui Saint-Maurice, en Valais), elle parvient à s’enfuir avec Victor et Urs à Soleure, où les deux hommes sont capturés et exécutés. Vérène mène alors une vie de recluse dans la grotte située actuellement derrière la chapelle de Saint Martin. Elle se consacre à l’accompagnement des malades et des nécessiteux, et à l’enseignement des jeunes filles vers la religion chrétienne.
Selon la légende elle quitte Soleure assise sur une meule de moulin flottant sur l’Aar, puis remonte le Rhin, jusqu’à Zurzach, où elle meurt en 344. Son corps est enseveli dans la crypte de l’église.
Les deux chapelles et la cellule de l’ermitage, telles qu’elles apparaissent aujourd’hui, remontent au XVIIe siècle et appartiennent à la Bourgeoisie de Soleure. La grotte de Marie-Madeleine et une autre grotte, dans laquelle est représentée la scène biblique au Mont des Oliviers avec le jardin de Gethsémani, font aussi partie du lieu de pèlerinage. Selon la légende, Vérène se serait tenue à une ouverture dans la paroi rocheuse derrière la chapelle qui porte son nom, à un moment où les eaux tumultueuses et débordantes du ruisseau menaçaient de l’emporter. On dit maintenant que des forces positives émanent de cette ouverture.
Des documents attestent de la présence des ermites depuis le XVe siècle. La femme ermite actuelle, Verena Dubacher, est disponible sur demande pour des entretiens personnels. L’ermitage est accessible toute l’année. Les deux chapelles sont fermées le lundi. La Société de l’ermitage de Sainte Vérène soutient l’entretien du lieu et propose des visites guidées à travers les gorges. L’ermitage peut être atteint par le chemin à travers les gorges, le chemin de méditation, ou encore par le nord.
Informations supplémentaires sur le site internet www.einsiedelei.ch
A côté d’Einsiedeln ou du Ranft, de nombreux lieux de pèlerinage moins emblématiques attirent de nombreux visiteurs en Suisse. Ils sont connus dans leur région, mais souvent très peu au-delà des frontières cantonales. L’agence Apic en présente 14 dans une série consacrée aux «Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse».
Déjà parus: La Collégiale Ste-Vérène à Zurzach (AG), la Basilique Notre-Dame de Genève, la Grotte de Sainte-Colombe à Undervelier (JU), Notre-Dame de Fatima à Ponthaux (FR), Notre-Dame de l’Epine à Berlens (FR), le pèlerinage d’Heiligkreuz (LU), Notre-Dame de Lourdes à Zurich-Seebach (ZH), l’ermitage de Longeborgne (VS), Maria Rickenbach (NW), Maria Dreibrunnen à Wil (SG), Ziteil (GR), la chapelle de Notre-Dame à Hergiswald (LU) et les gorges de Sainte-Vérène à Soleure.
A paraître: la chapelle de l’Immaculée à Quarten (SG).
Note: Des photos de l’ermitage de Sainte Vérène sont disponibles au prix de 80 francs la première et 60 francs les suivantes. A commander à kipa@kipa-apic.ch
(apic/am/bb)
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