Série Apic : Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse (8) L'ermitage de Longeborgne en Valais central

Le berceau de la compassion

Longeborgne, 24 juin 2013 (Apic) L’ermitage de Longeborgne, accroché à la falaise au dessus de Bramois, aux portes de Sion, est un pèlerinage important du Valais central. Depuis au moins le début du XVIe siècle, les pèlerins y montent pour y confier leurs joies et leurs peines à Notre-Dame de Compassion et à saint Antoine de Padoue. Chaque année, ils sont des dizaines de milliers à gravir l’étroit sentier jusqu’à la chapelle creusée dans le rocher, dont des couples dans l’attente d’un enfant.

Un petit tableau bleu éclairé par l’embrasure de la fenêtre. Il représente une rose blanche avec en son cœur la photo d’un nourrisson et tracé d’une écriture naïve : «Merci pour mon petit-fils né le 14.05.2012». Il s’agit d’un des derniers ‘ex-voto’ qui tapissent les parois de la chapelle de l’ermitage de Longeborgne, près de Bramois, dans le Valais central. Témoin anonyme d’une piété populaire encore bien vivante au creux de la falaise qui domine le flux de la Borgne. «Depuis longtemps les couples qui ont de la peine à concevoir font le pèlerinage à Notre-Dame de Compassion de Longeborgne dont c’est une des ‘spécialités'» raconte le Père François Huot, gardien du lieu. Plusieurs ex-voto en témoignent depuis le XVIIe siècle.

La Vierge de Longeborgne veille sur ses enfants depuis près de cinq cents ans. Elle n’est pas ici représentée sous forme de statue, mais par un tableau où on la voit penchée sur son fils Jésus allongé, mort sur le banc de pierre du tombeau. L’autel baroque, exécuté en 1683 par Maître Jean Grassanter de Loèche, a coûté vingt doublons d’Espagne à Mgr Adrien V de Riedmatten, évêque de Sion.

Les ex-voto racontent

Dans la pénombre de la chapelle géminée creusée dans la falaise, les pèlerins contemporains rencontrent ceux des siècles passés présents en effigie par les 178 ‘ex-voto’. Qui leur racontent sans paroles leur histoire: celle d’un religieux tombé de la falaise, celle d’un charroi précipité dans un torrent, celle d’un enfant malade, celle d’un soldat lors de la bataille et que le regard compatissant de la Vierge a sauvé. Pénombre, silence, fraîcheur, la grotte invite à l’abandon sincère.

Pour y monter il a fallu quitter le bruit de la plaine, s’arrêter au café du pèlerin, cheminer le long des murs de pierres sèches du vignoble, avant de s’engager dans le sentier qui gravit la falaise. Odeurs de sureau et de tilleul, chant des oiseaux, bruissement de l’eau, lézards qui fuient sous les pas, en ce début d’été, la balade conduit en quelques minutes dans un autre monde. Et l’on n’est guère surpris de rencontrer au détour d’un zigzag saint Antoine, l’ermite du désert accompagné de son cochon.

Chemins de croix les vendredis de Carême

Les vendredis de carême, la montée se fait au rythme du chemin de croix dont les 14 stations, sous forme d’édicules en pierre, jalonnent le parcours. «Or ce sont nos souffrances qu’il portait, et nos douleurs dont il était chargé». (Isaïe 53,4).

Depuis dix ans qu’il réside à l’ermitage, hiver comme été, le Père François, moine bénédictin de Port-Valais, au Bouveret, a vu passé de très nombreuses souffrances, mais aussi des joies. «Je ne reçois personnellement que 2 à 3% des visiteurs. Je réponds à ceux qui viennent vers moi. Je suis le serviteur des grâces qui passent par ici, certaines passent par mes mains, pas toutes.» Avec souvent son lot de surprises. «Un mail ce matin me promet de venir me présenter un petit Sylvain né après un pèlerinage à Longeborgne». Parfois le langage est plus direct comme celui de ce jeune garçon : «Quant une femme vient vous demander un enfant vous faites quoi ?», sourit le Père François. «Il y a beaucoup de grâces d’espérance et de consolation. Lorsqu’on ne voit plus comment s’en sortir.» Le religieux n’en dira pas plus sur son ministère d’accompagnement spirituel. «Certaines personnes viennent me voir une seule fois, d’autres quelquefois, d’autres régulièrement».

La quiétude des lieux a déteint sur le personnage. Une voix douce, un large sourire, des yeux pleins de vie, dans sa bure noire, le Père François dégage une vraie sérénité. Pour favoriser l’accueil, un ancien bûcher vient d’être transformé en parloir. Banquettes couvertes de coussins rouges, table basse, petite bibliothèque, vue sur les gorges de la Borgne, le local est bien loin d’un confessionnal. Quand le magasin de cierges, de livres et d’objets de dévotion sera terminé, tout sera parfait. Ce d’autant plus qu’on ne risque plus de recevoir un rocher sur la tête ! La falaise a été entièrement assainie et protégée de gros filets d’acier pour éviter tout accident.

50’000 pèlerins par an

Malgré une vie toujours plus trépidante entre téléphone portable et internet, des pèlerins, il en vient encore beaucoup à Longeborgne, jusqu’à 50’000 par an. Les jours de grande foule, ils peuvent être plus de 300 pour la célébration de la messe. «Dans la chapelle on en met 40 sur les bancs, 40 sur des tabourets, 20 dans le couloir, 12 à 15 sur la tribune, 2 dans une niche et le reste sur l’esplanade on l’on ajoute des bancs au fur et à mesure… en commençant par l’avant», calcule le Père François.

Le 17 janvier, fête de saint Antoine l’ermite, qui partage le patronage du lieu avec son homonyme saint Antoine de Padoue, la foule se presse à Longeborgne pour la bénédiction du sel selon l’antique coutume des religieux antonins. «Il s’agissait d’une bénédiction indirecte pour le bétail puisque ce sel était mélangé au foin. Aujourd’hui on vient avec du sel de cuisine. C’est un peu à la limite de la superstition», reconnaît le Père François qui ne sent toutefois pas le cœur de la supprimer.

Les pèlerins viennent surtout du Valais central, mais aussi de Martigny – Fully ou du Haut du canton. Il faut dire qu’en cette terre de chrétienté, chaque coin de pays possède son lieu de dévotion. Un récent guide en retient pas moins de dix-huit pour le Valais.

Le fracas des avions militaires de l’aéroport de Sion voisin vient briser la quiétude du lieu et nous ramener sur terre. «On ne sait pas trop à quoi ils peuvent bien servir !» ose le Père François. La parenthèse hors du monde et du temps se referme.

Longeborgne

La présence d’un ermitage à Longeborgne est attestée depuis au moins le début du XVIe siècle. Un document conservé aux archives de la Ville de Sion daté de 1522 donne l’autorisation à Jean Bossié, religieux de l’ordre mineur conventuel, et à ses compagnons d’établir un oratoire et une habitation à Longeborgne. Mais ces premiers religieux moururent tous avant 1546, suite probablement à une épidémie liée à l’insalubrité des lieux. L’ermitage resta vide durant plus d’un siècle. Vers le milieu du XVIIe siècle s’y installent des ermites laïcs qui ont pour tâche de réciter fidèlement les prières prescrites et d’accueillir les pèlerins. En 1683, l’évêque de Sion, Adrien V de Riedmatten fait réaménager la chapelle et construire l’autel Notre-Dame. En 1699, la Bourgeoisie de Sion reçoit le patronat sur l’ermitage. Elle est chargée de le maintenir avec en contrepartie le droit de nommer les ermites. Cette situation perdure jusqu’en 1907 avec l’arrivée du Père capucin Cyprien Crettaz qui fit faire divers aménagements dont l’esplanade actuelle.

En 1924 les bénédictins, qui cherchaient à rétablir une fondation en Suisse romande, se voient confier le sanctuaire. Don Hildebrand Zimmermann puis son frère Benno, tous les deux moines de Maredsous en Belgique, mais originaires de Sion, furent les pionniers de cette nouvelle étape. Les bénédictins purent ensuite s’établir à Corbières, dans le canton de Fribourg, puis au Bouveret où ils fondèrent l’Abbaye de Port-Valais. L’affaire fut assez compliquée car la Constitution fédérale interdisait encore, par ses fameux articles d’exception hérités du Kulturkampf du XIXe siècle, l’établissement de nouveaux couvents en Suisse.

En 1932 la Bourgeoisie de Sion céda aux bénédictins son droit de patronat. Le site dépend aujourd’hui d’une fondation ecclésiastique et bénéficie de l’appui d’une association des amis qui a permis notamment la restauration des ex-voto. Les quelques arpents de vignes liés à l’ermitage sont gérés par des paroissiens de Bramois.

Série Apic: Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse

A côté d’Einsiedeln ou du Ranft, de nombreux lieux de pèlerinage moins emblématiques attirent de nombreux visiteurs en Suisse. Ils sont connus dans leur région, mais souvent très peu au-delà des frontières cantonales. L’agence Apic en présente 13 dans une série consacrée aux «Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse».

Déjà parus: La Collégiale Ste-Vérène à Zurzach (AG), la Basilique Notre-Dame de Genève, la Grotte de Sainte-Colombe à Undervelier (JU), Notre-Dame de Fatima à Ponthaux (FR), Notre-Dame de l’Epine à Berlens (FR), le pèlerinage d’Heiligkreuz (LU), Notre-Dame de Lourdes à Zurich-Seebach (ZH) et l’ermitage de Longeborgne (VS).

A paraître: Zitail (GR), Maria Dreibrunnen à Wil (SG), la chapelle de l’Immaculée à Quarten (SG), les gorges de Sainte-Vérène à Soleure et Maria Rickenbach (NW).

Des photos de ce pèlerinage sont disponibles auprès de l’Apic au prix de 80.– francs la première et 60.– francs les suivantes.

(apic/mp)

Maurice Page

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