Le groupe zougois porte atteinte aux droits humains de milliers de personnes
Zurich/Aix-la-Chapelle, 12 juin 2013 (Apic) Le groupe zougois Glencore-Xstrata ne respecte pas suffisamment les droits des populations locales dans son projet minier de Tampakan, sur l’île de Mindanao, aux Philippines, ont dénoncé le 12 juin à Zurich les œuvres d’entraide chrétiennes suisses «Action de Carême» et «Pain pour le prochain» à Lausanne, et allemande «Misereor», à Aix-la-Chapelle.
Dans ce qui va être l’une des plus grandes mines à ciel ouvert du monde, le géant du négoce des matières premières basé dans le canton de Zoug menace les moyens de subsistance de 10’000 personnes, accentuant de la sorte les tensions sociales sur place, affirment les œuvres d’entraide. «Déjà, les premières victimes sont à déplorer», selon une étude mandatée par les trois œuvres d’entraide chrétiennes et présentée le 12 juin à Zurich. «Le gouvernement suisse est maintenant appelé à agir!»
Sagittarius Mines Inc. (SMI), une filiale du géant minier zougois Xstrata, qui a fusionné il y a peu avec Glencore, prévoit d’exploiter à Tampakan, aux Philippines, la plus grande mine de cuivre d’Asie. «Ce projet signifierait l’expulsion de plus de 5’000 indigènes, qui verraient la destruction de leurs terres ancestrales».
La mine menace par ailleurs l’approvisionnement en eau de dizaines de milliers de personnes, affirme le Père Joy Pelino, qui s’oppose au projet en sa qualité de directeur du Centre d’action sociale du diocèse de Marbel. La région est instable du point de vue politique et de plus en plus en proie à la violence: déjà huit personnes ont perdu la vie en lien avec le projet. «Il s’agit là d’un baril de poudre qui menace d’exploser à tout moment».
Mgr Felix Gmür, nouveau président du Conseil de fondation d’Action de Carême, s’est rendu aux Philippines il y a plus d’un an. Il a fait part de l’inquiétude des évêques des trois diocèses de Marbel, Digos et Kidapawan à propos du projet de Tampakan. Certes, l’entreprise promet des emplois à la population locale et l’accès à l’éducation et à la santé, «mais son projet présente des risques élevés pour les populations et la nature». Après avoir examiné la planification en cours, mon confrère, Mgr Romulo De La Cruz, évêque de Kidapawan, a de sérieux doutes quant à la possibilité de réaliser le tout sans porter atteinte aux droits fondamentaux de la population concernée».
L’évêque de Bâle relève que selon des études menées à l’échelle internationale, le secteur minier est celui où les atteintes aux droits humains sont les plus fréquentes. «Un projet minier ne peut être réalisé que si la population concernée l’accepte, si ses droits sont respectés et si les effets négatifs qui en découlent sont compensés de manière à ce qu’elle puisse, elle aussi, tirer profit de la richesse de son sol».
Mgr Felix Gmür souligne que «la solidarité à l’échelle de la planète et l’engagement pour une justice mondiale, qui défend la dignité de tous, et en particulier les droits des pauvres et des exclus, est l’une des missions fondamentales de l’Eglise».
L’étude menée par l’Institut für Frieden und Entwicklung (INEF) montre que SMI a contrevenu à son devoir de diligence. Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme précisent que les entreprises doivent respecter les droits humains dans le monde entier.
Dans une région aussi conflictuelle, il est encore plus important qu’elles évaluent, au préalable et de façon détaillée, l’impact de leurs activités sur les droits humains.
Pour Daniel Hostettler, expert des droits humains à Action de Carême, la situation est claire: «La combinaison d’un Etat toujours plus faible, la pauvreté, la marginalisation et les conflits armés constituent un cadre très défavorable à l’exploitation d’une mine à ciel ouvert de cette envergure». Cette étude en arrive à la conclusion qu’il semble actuellement impossible que le projet de SMI ne soit mis en oeuvre sans porter gravement atteinte aux droits humains.
Les organisations Action de Carême, Misereor et Pain pour le prochain demandent à SMI et au gouvernement philippin de nouer un dialogue franc et honnête avec les populations concernées. Ce dialogue doit être ouvert et doit pouvoir aussi envisager comme issue l’abandon du projet. «Le droit des populations locales de décider librement de la mise en oeuvre ou non d’un projet minier sur leur territoire doit être respecté», précise Elisabeth Strohscheidt, spécialiste de la politique de développement à Misereor. Les trois organisations de coopération au développement s’adressent également au Conseil fédéral: la Suisse doit adopter une loi qui exige des entreprises qu’elles respectent leur devoir de diligence, comme le demande la coalition «Droit sans frontières».
En effet, l’exemple de Tampakan montre que des normes volontaires ne suffisent pas. Beat Dietschy, secrétaire général de Pain pour le prochain, rappelle en effet que les entreprises suisses doivent respecter l’ensemble des droits humains, partout dans le monde.
Mgr Felix Gmür, s’oppose, lui aussi, au projet de mine à Tampakan. Il a vu de ses propres yeux, aux Philippines, la manière dont on sacrifie la dignité et les droits des êtres humains «et dont on pille la Création sans vergogne». Pour lui, il est évident que «d’une perspective chrétienne, la recherche du profit ne doit pas se faire au détriment des droits fondamentaux de la population».
Des collaborateurs d’Action de Carême et de Misereor se sont rendus en novembre 2012 dans la région de Tampakan, sur l’île philippine de Mindanao. Ils ont pu discuter avec des membres des communautés concernées. Les tensions autour de la plus grande mine d’or et de cuivre de l’Asie du sud-est «prennent une ampleur effrayante», relèvent les organisations chrétiennes. «Ce projet minier a déjà causé tellement de dégâts dans la phase actuelle de préparation, qu’avec son lancement à proprement parler, le pire est à craindre», affirme Daniel Hostettler, spécialiste des droits humains à Action de Carême. (apic/com/be)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse