Saint-Maurice: Rencontre avec Mgr Ramzi Garmou, archevêque assyro-chaldéen de Téhéran
Saint-Maurice, 13 mai 2013 (Apic) Au cours des trois dernières décennies, les deux tiers des fidèles de l’Eglise assyro-chaldéenne ont quitté la République islamique d’Iran pour s’installer avant tout aux Etats-Unis, mais aussi en Europe occidentale. «Nos fidèles restés sur place ne sont plus qu’environ 5’000», confie à l’Apic Mgr Ramzi Garmou, archevêque chaldéen de Téhéran.
De passage en Suisse à l’invitation de la section suisse romande de l’œuvre d’entraide catholique «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED) à Villars-sur-Glâne, l’ancien président de la Conférence épiscopale catholique iranienne a témoigné de la réalité de ce «petit troupeau» en marche. Lors de messes célébrées à Saint-Maurice, en Valais, samedi 11 et dimanche 12 mai 2013, il a porté un regard de foi et d’espérance sur la présence de ces chrétiens et l’avenir de l’Eglise en Iran.
Les chrétiens, minorité reconnue par la Constitution de la République islamique
La Constitution de la République islamique d’Iran reconnaît trois minorités non musulmanes: les chrétiens, qui sont quelque 70’000, appartenant à diverses obédiences; les zoroastriens, la plus ancienne religion de la Perse, qui sont environ 30’000 et possèdent encore leurs «temples du feu»; et enfin les juifs, qui sont encore quelque 20’000 et disposent de synagogues. Les chrétiens sont une infime minorité au sein d’une population de 78 millions d’habitants, essentiellement musulmans chiites.
La plus grande partie d’entre eux (plus de 50’000) sont des Arméniens apostoliques (orthodoxes), dont le berceau historique est la ville d’Ispahan, où ils avaient été déportés sur ordre de Shah Abbas Ier au XVIe siècle. Les Assyro-chaldéens avaient leur centre, dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, à Ourmia, dont le nom d’origine syriaque signifie «cité de l’eau», près du grand lac éponyme situé au nord-ouest de l’Iran, à proximité de la frontière turque. Ils ne sont plus aujourd’hui que 5’000. Comme les autres chrétiens, ils se concentrent essentiellement dans la capitale Téhéran, où toutes ces communautés ont leur église.
Les Assyriens de l’Est, autrefois nommés «Nestoriens», sont bien 7’000, tandis que les protestants, évangéliques et pentecôtistes, sont un millier, et les Arméniens catholiques 300. Quant aux catholiques latins, qui sont des étrangers ou des membres de couples mixtes, ils doivent être un demi millier. «Ces chiffres sont approximatifs, car nous n’avons pas de statistiques fiables sur le nombre réel des chrétiens dans le pays», admet Mgr Garmou.
«Les chrétiens ont connu une forte émigration depuis l’instauration de la République islamique, relève l’évêque d’origine irakienne. Ceux qui sont restés appartiennent aux couches les moins aisées. Des chrétiens sont restés parce qu’ils étaient trop âgés pour refaire leur vie à l’extérieur du pays, dans une culture qui leur était étrangère, parce qu’ils ne voulaient pas quitter leur famille et pour certains, par conviction chrétienne… Ceux-là, même s’ils sont une toute petite minorité, croient que l’Eglise a la mission de porter témoignage…»
Etre chrétien en Iran, pas une sinécure
Le quotidien de Mgr Garmou n’est pas une sinécure: ses permis de séjour et de travail doivent être renouvelés chaque année et il ne doit s’adresser qu’aux chrétiens pour ne pas encourir le reproche de faire du prosélytisme auprès des musulmans, ce qui est strictement interdit ! Mais pour l’archevêque de Téhéran, il est faux de penser que la force de l’Eglise réside dans le nombre de ses fidèles ou dans la force de ses institutions. «Ce regard n’est pas très évangélique et surtout Jésus lui-même nous dit: n’ayez pas peur, petit troupeau ! Ce petit troupeau peut aussi témoigner de la présence de Jésus, là où il est, en vivant sa foi au quotidien».
A Téhéran, l’Eglise assyro-chaldéenne dispose de deux lieux de culte. Il s’agit de l’église St-Joseph, qui est la cathédrale, où, à part l’évêque, vivent deux prêtres, dont un vieux prêtre d’origine irakienne âgé de 84 ans, et un prêtre iranien. A la paroisse de Marie Mère de Dieu réside un jeune prêtre iranien et trois religieuses chaldéennes, dont deux sont Irakiennes et une est Iranienne, auxquelles il faut ajouter six religieuses de l’Esprit Saint (trois Iraniennes, deux Italiennes et une Brésilienne, qui ont toutes la nationalité iranienne, acquise à l’époque du Shah).
Une Eglise qui ne souffre pas est comme un arbre sec
Les églises sont ouvertes pour le culte, pour la catéchèse, l’enseignement, les conférences. «Mais tout doit se passer à l’intérieur des édifices reconnus par le régime. Pas question d’avoir des activités religieuses à l’extérieur, car il est interdit de proclamer l’Evangile dans l’espace public».
«Nous les chrétiens, nous avons une responsabilité dans ce pays. Même si on n’a pas le droit d’empêcher les gens d’émigrer, il faut conscientiser nos fidèles sur le rôle qu’ils ont à y jouer. Aujourd’hui, l’Eglise a besoin d’hommes et de femmes animés de deux convictions vitales: la prière, qui est indispensable au rayonnement de l’Eglise, et la souffrance apostolique, qui est source de fécondité pour l’Eglise. Une Eglise qui ne souffre pas est comme un arbre sec !»
Mgr Garmou rappelle le souvenir des missionnaires partis de Perse qui, dès les premiers siècles, ont porté l’Evangile auprès des Mongols, jusqu’en Chine, en Inde, en Corée ou au Japon. Si des rois mongols ont été favorables aux chrétiens, des seigneurs comme Gengis Khan ou Tamerlan ont détruit la présence chrétienne en Mésopotamie. En 1915, les troupes de l’Empire ottoman n’ont pas seulement commis un génocide contre les Arméniens, ils ont aussi massacré les Assyro-chaldéens dans cette région. Et l’archevêque de Téhéran de citer les paroles de Tertullien, figure emblématique de la communauté chrétienne de Carthage au 2-3e siècle, selon lequel le sang des martyrs est la semence de l’Eglise. JB
Encadré
Depuis plusieurs générations, les Assyro-chaldéens émigrent et s’installent aux Etats-Unis et en Europe occidentale. Sur le continent européen, ils sont quelque 100’000 fidèles, installés notamment en Suède (20’000 environ), en France (le même nombre), en Allemagne, aux Pays-Bas, au Danemark ou en Belgique. Quelques uns vivent également en Suisse. Ils n’ont pas leur propre ordinaire et dépendent de l’évêque du lieu de rite latin. Les soins pastoraux de cette importante diaspora sont assurés par une vingtaine de prêtres chaldéens. «Nous espérons enfin avoir un évêque chaldéen à la tête de cette diaspora en Europe. On va le demander lors du prochain Synode de l’Eglise chaldéenne qui s’ouvrira à Bagdad le 5 juin prochain sous la direction de notre nouveau patriarche Louis Raphaël Ier Sako, patriarche de Babylone des Chaldéens depuis le 1er février 2013». (apic/be)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/les-chretiens-d-iran-un-petit-troupeau-en-marche/