Série Apic: Lieux de pèlerinage moins connus en Suisse (1) Pèlerinage chez Sainte Vérène à Bad Zurzach

Il ne faut pas croire à ces légendes, mais savoir qu’elles sont vraies

Bad Zurzach, 7 mai 2013 (Apic) Il n’y a pas de lieux de pèlerinage sans légendes. C’est aussi la réalité dans la bourgade argovienne de Bad Zurzach, où est vénérée Sainte Vérène. En raison de son origine fabuleuse dans la Thèbes égyptienne, des chants en arabe résonnent parfois dans la crypte souterraine de la collégiale qui lui est dédiée. Ils sont entonnés par des chrétiens coptes, qui considèrent la célèbre bienfaitrice comme une des leurs.

«Une très belle église», s’enthousiasme une Allemande de 78 ans en pénétrant dans la collégiale Sainte Vérène à Bad Zurzach. La femme fait partie d’un groupe de 50 pèlerins du 3e âge venu de Westphalie. Sainte Vérène est assez peu connue dans leur région. «Nous avons d’autres saints», explique un homme de 84 ans. Leur visite dure une petite heure, le temps de découvrir la crypte, puis le trésor de l’église.

Chaque année, environ 60 groupes de voyageurs visitent la collégiale de grès rouge. Les plus imposants sont formés d’une centaine de personnes, en majorité des pèlerins, des amateurs d’histoire de l’art et des clients de la station thermale voisine. Les groupes de femmes, pour lesquels une visite spéciale est organisée, sont de plus en plus nombreux. «Il y a même des personnes qui s’annoncent des Etats-Unis ou d’autres continents», souligne Marcus Hüttner, assistant pastoral à Bad Zurzach depuis deux ans. «Il s’agit principalement de coptes. Vérène est venue d’Egypte au IVe siècle, avec la célèbre Légion thébaine. Elle était donc chrétienne copte.»

Des légendes tellement vraies qu’elles pourraient presque être la vérité

Plusieurs légendes courent au sujet de Vérène. C’est un abbé de Reichenau, dans le Bade Würtenberg, qui les a rédigées pour la première fois au IXe siècle. Un moine de Zurzach a ensuite complété la biographie avec des épisodes locaux: l’expulsion des serpents, la transformation de l’eau en vin, ainsi que l’anneau, avalé par un poisson, dont Vérène avait été injustement accusée du vol. «Il ne faut pas croire à ces histoires, mais savoir qu’elles sont vraies», affirme le curé de Bad Zurzach, Urs Zimmermann. Le paradoxe apparaît encore plus clairement lorsque le prêtre affirme: «La légende sur Vérène parle d’élan, de revers et de recommencement. Comme dans la vie. La légende ne décrit pas les événements de façon objective et aride, mais avec des images vagabondes et colorées.» C’est pourquoi la légende est vraie, même si les épisodes racontés ne se sont pas déroulés ainsi, explique Urs Zimmermann. «Il n’y pas de preuves avérées scientifiquement de l’existence de Vérène, ni de celle de la Légion thébaine», ajoute-t-il.

Urs Zimmermann est arrivé à Bad Zurzach il y a dix ans. Il a rapidement remarqué l’importante force d’attraction exercée par la sainte. Depuis, il reçoit régulièrement des groupes de pèlerins. L’abbé Zimmermann leur raconte avec humour des histoires sur Vérène et place de nombreuses anecdotes. Le discours plaît aux visiteurs de Westphalie. «On porterait volontiers un tel prêtre dans son cœur», lâche une femme.

Le tombeau de Vérène se trouve dans une crypte, sous le chœur. La sainte est représentée sur le sarcophage, avec les cheveux détachés, symbole de sa virginité. Urs Zimmermann montre fièrement plusieurs icônes. «Des cadeaux de groupes coptes, qui ont chaque fois vénéré la sainte avec de l’encens et des chants en arabe.»

Où est caché le reste du trésor de l’église?

Bien entendu, le groupe de pèlerins veut aussi découvrir le trésor de l’église. Urs Zimmermann en connaît toutes les pièces. Et peut raconter des histoires sur presque chacune d’elles. C’est le cas du coffret en or, dans lequel se trouvent des ossements carbonisés, qu’un jeune aurait sauvés des flammes à l’époque de la Réforme iconoclaste. Ou de la petite cruche qui aurait appartenu à Sainte Vérène.

Le prêtre raconte aussi qu’une grande partie du trésor est restée cachée quelque part à Bad Zurzach. Les chanoines l’auraient dissimulé avant l’invasion des troupes françaises en 1798. «Les détenteurs du secret ont péri sans avoir pu confier à qui que ce soit l’endroit où se trouve le trésor», affirme-t-il avec un clin d’œil. Le couvent des chanoines a disparu à la fin du 19e siècle.

Grâce à Vérène, Bad Zurzach est devenu un lieu de pèlerinage très prisé au Moyen-Âge. Jusqu’à 12’000 personnes fréquentaient alors les processions lors des importantes fêtes chrétiennes. La fascination s’est maintenue jusqu’à nos jours, mais dans des proportions un peu plus modestes. Plusieurs traditions ont disparu au cours des âges. C’est le cas de la coutume selon laquelle les jeunes mariées posaient une couronne de fleurs, le «Tschäppeli», sur le sarcophage de la sainte.

Le jour de la Sainte Vérène, le 1er septembre, est par contre resté un événement incontournable dans le calendrier de Bad Zurzach. «C’est un jour férié. Même les grands commerces le respectent et ferment leurs portes», se réjouit l’assistant pastoral Marcus Hüttner. «Des groupes de pèlerins viennent de loin, et même plusieurs dignitaires de l’Eglise y participent.»

Les pèlerins allemands se rassemblent en vue de poursuivre leur route. Avant de monter dans le bus, ils chantent une petite sérénade à l’abbé Zimmermann. Ils prennent congé d’un monde fabuleux, qui constitue depuis des siècles une part significative de l’identité locale et qui continue de fasciner loin au-delà de Bad Zurzach.

Encadré 1:

Sainte Vérène de Zurzach

Selon la tradition, Vérène a vécu entre la fin du IIIe et le début du IVe siècle. Elle est originaire de la Thébaïde, en Haute-Égypte. Baptisée par saint Chérémon, elle accompagne avec son cousin saint Victor la Légion thébaine menée par saint Maurice. Quand ce dernier et ses compagnons sont martyrisés à Agaune (aujourd’hui Saint-Maurice, en Valais), elle parvient à s’enfuir avec Victor et Urs à Soleure, où les deux hommes sont capturés et exécutés. Vérène mène alors une vie de recluse dans une grotte près de Soleure qui porte encore son nom. La renommée de sa foi et ses miracles lui attirent la colère du gouverneur local, qui la fait jeter en prison. Saint Maurice lui apparaît et l’encourage à poursuivre sur sa voie. Libérée, selon la légende elle quitte Soleure assise sur une meule de moulin flottant sur l’Aar, puis remontant le Rhin, jusqu’à Zurzach. Elle y réside dans la maison d’un prêtre, où elle prend soin des pauvres et des malades. Le domestique du prêtre, jaloux, la dénonce sans cesse à son patron. Il l’accuse notamment d’avoir volé un anneau qu’il avait lui-même jeté dans le Rhin. L’objet est miraculeusement retrouvé dans un poisson. Vérène meurt à Bad Zurzach en 344. La sainte est fréquemment représentée avec une cruche et un peigne, symboles de ses activités charitables. Elle porte la tenue des servantes, souvent avec une ceinture bleue, symbole de la virginité consacrée.

Encadré 2

Indications pratiques

La collégiale Sainte Vérène est située au centre du village de Bad Zurzach, à 5 minutes de la gare. Elle abrite le tombeau de Vérène dans la crypte sous l’autel et renferme un important trésor. Une série de tableaux est consacré à la vie de Vérène dans la chapelle paléochrétienne du château de Kirchlibuck, sur les bords du Rhin. La saison des pèlerinages s’étend du printemps à la fin de l’automne. Plusieurs visites guidées sont proposées chaque mois. L’événement le plus important du programme annuel est le jour de la Sainte Vérène, le 1er septembre. Des informations détaillées se trouvent sur le site internet www.st-verena.ch ou au secrétariat paroissial de Bad Zurzach, tel. 056 269 75 50.

Encadré 3:

Série Apic: Lieux de pèlerinage moins connus en Suisse

A côté d’Einsiedeln ou du Ranft, de nombreux lieux de pèlerinage moins emblématiques attirent de nombreux visiteurs en Suisse. Ils sont connus dans leur région, mais souvent très peu au-delà des frontières cantonales. L’agence Apic en présente 13 dans une série consacrée aux «Lieux de pèlerinage moins connus de Suisse».

Indications aux médias: Des photos de Bad Zurzach peuvent être commandées chez Andreas C. Müller. muecor@gmx.ch, téléphone 062 822 40 60. (apic/acm/bb)

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