Fribourg : Débat à l’université sur le célibat imposé aux prêtres

Pour un célibat consenti librement et non imposé avec la prêtrise

Fribourg, 28 mars 2013 (Apic) Le célibat? Pourquoi pas. Mais consenti librement et non imposé avec la prêtrise, ont affirmé les Bâloises Beatrice Hinnen-Gutzwiler et Marielle Moosbrugger, membres de la Zöfra (Association pour les femmes concernées par le célibat des prêtres), toutes deux mariées depuis plusieurs décennies avec un ancien prêtre. En compagnie du jésuite Beat Altenbach et de l’ancien prêtre Donat Oberson, elles ont débattu le 28 mars à l’Université de Fribourg du lien entre le célibat et la prêtrise.

La discussion en forum, qui a rassemblé une quarantaine d’auditeurs, en majorité des universitaires, était organisée par le Département des sciences sociales dans le cadre d’une série de conférences sur la question du célibat.

«Jésus n’a jamais exigé le célibat de la part de ses apôtres», a relevé Marielle Moosberger. La question n’est apparue qu’au 3e siècle, avec le développement de la vie monastique. «Des hommes et des femmes ont voulu vivre en ascètes et ont appliqué ce principe en consentant au célibat». Les différents conciles ont alors introduit progressivement la règle du célibat imposé aux prêtres, jusqu’à ce que celui de Latran, en 1139, la fixe «entre autres pour des raisons économiques», précise Marielle Moosberger. De cette façon, privés de descendance, leur héritage revenait à l’Eglise. «Mais cela n’a pas empêché de nombreux prêtres, évêques et même des papes d’avoir des enfants!» Le réformateur Martin Luther a supprimé cette règle, estimant qu’elle était contraire à la volonté de Dieu, et a épousé une religieuse. Puis, au cours des derniers siècles, l’Eglise n’a cessé de renforcer l’obligation du célibat, «mais il y a toujours eu des prêtres qui ne s’y sont pas tenus», affirme la représentante de la Zöfra.

Avant d’être une règle, le célibat est d’abord lié à une vocation, estime le jésuite Beat Altenbach, directeur de la communauté de Notre-Dame de la Route à Villars-sur-Glâne, près de Fribourg. Or, la vocation de religieux et de prêtre comprend les trois vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. «Il faut en être conscient lorsque l’on s’y engage», affirme-t-il. Il n’aurait cependant aucun problème à se représenter des prêtres mariés.

Le célibat comme une condition liée à la prêtrise

Le Fribourgeois Donat Oberson a rejoint très jeune les rédemptoristes. C’est lors de missions paroissiales, souvent animées par des religieux de cet ordre, qu’il sent venir en lui la vocation religieuse. Ordonné prêtre, il s’engage en pastorale comme vicaire de paroisse, aumônier de jeunes, puis animateur de missions en Suisse alémanique, avant de s’apercevoir que ce chemin n’avait pas de perspectives pour lui. «J’avais accepté le célibat comme une condition liée à la prêtrise, mais je ne l’ai pas vraiment voulu», affirme-t-il. Il quitte sa communauté après 15 ans d’appartenance, s’éprend d’une femme et entreprend une nouvelle formation de travailleur social dans la région de Bâle. Après une nouvelle séparation, il vit aujourd’hui un «célibat assumé et non imposé».

En quittant son ordre, il a eu d’abord la même sensation qu’une personne qui se sépare de son conjoint. Puis est venue un sentiment de libération. Comme prêtre, il avait l’impression de n’être en relation qu’avec une partie de la population. Il était «le prêtre». Il apprécie d’être redevenu «Donat Oberson».

Faut-il combattre l’amour entre un prêtre et une femme?

Quel chemin parcourir avec les prêtres qui aspirent à une vie de couple? Comment gérer ce sentiment d’amour? Faut-il le combattre? Mais ne dit-on pas que Dieu est amour? La situation est très problématique pour le prêtre lui-même, et devient difficile également pour la femme qui s’attache à lui, relève Beatrice Hinnen-Gutzwiler. Elle est perçue comme un obstacle sur le chemin du sacerdoce. Beaucoup de membres de la Zöfra affirment avoir très mal vécu cette étape de questionnements. Beatrice Hinnen-Gutzwiler conteste que le célibat soit choisi librement par les prêtres. Il est souvent perçu comme une obligation liée à leur engagement. La situation est d’ailleurs plus difficile à assumer pour les prêtres séculiers, qui souffrent davantage de solitude car ils ne sont moins soutenus par une communauté.

Marielle Moosbrugger a relevé que dans les années 1970, sur la lancée du Concile, tout devenait possible dans l’esprit des catholiques. Le célibat imposé aux prêtres était destiné à disparaître sous peu. Cette certitude amène beaucoup de jeunes partagés entre la vocation sacerdotale et une relation avec une femme à se marier en espérant être ordonnés par la suite. Ils ont dû déchanter: finalement rien n’a changé à ce niveau. Donat Oberson a confirmé qu’au début des années 1980, plusieurs de ses amis l’avaient dissuadé de s’engager dans la prêtrise et conseillé d’attendre la suppression de la règle du célibat.

Marielle Moosbrugger estime qu’un jeune prêtre ne se représente pas vraiment ce que signifie le célibat. Va-t-il tenir ses engagements à 40 ou 50 ans? Rien n’est moins sûr. S’il change de cap de vie à ce moment, il perd non seulement le seul travail pour lequel il s’est formé, mais également l’ensemble de ses fondements.

Si l’ensemble des intervenants au forum souhaitent que le thème de la sexualité soit davantage débattu dans l’Eglise, ils ne sont pas persuadés que la règle du célibat va changer rapidement. Beatrice Hinnen-Gutzwiler a tout de même signalé l’attitude prophétique du Père Martin Werlen, Abbé de la communauté d’Einsiedeln. Le Jeudi-saint, il va laver les pieds de 12 femmes. Parmi elles figure la présidente de la Zöfra. (apic/bb)

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