18 millions de dollars à trouver
Fribourg/Manama, 12 mars 2013 (Apic) «Il me faut trouver 18 millions de dollars et je n’ai pas encore le moindre sou! Je dois donc prendre mon bâton de pèlerin…» Mgr Camillo Ballin dispose déjà des plans de la future cathédrale «Notre-Dame d’Arabie», qu’il compte bien édifier à Awali, à une vingtaine de kilomètres au sud de Manama, la capitale du Bahreïn. Le vicaire apostolique d’Arabie du Nord était de passage en Suisse du 6 au 12 mars à l’invitation de l’œuvre d’entraide catholique «Aide à l’Eglise en Détresse» (AED) à Lucerne.
Quelque 2,3 millions de catholiques immigrés sont dispersés en Arabie Saoudite, au Koweït, au Qatar et au Bahreïn, et leurs conditions de vie sont souvent précaires. Ils n’ont pas de protection sociale. Pour eux, les lois sur le travail sont inexistantes. Quand les immigrés perdent leur travail et n’ont plus de contrat, ils deviennent des illégaux, passant parfois des mois à rechercher un nouvel employeur. Sans revenus, ils ne peuvent plus envoyer d’argent à leur famille sur place ou restée au pays.
Mgr Ballin, un missionnaire combonien d’origine italienne, cherche à mobiliser les communautés catholiques pour qu’elles organisent des collectes, notamment durant le temps de carême, afin de venir en aide à ces cas difficiles. C’est lui qui distribue les aides, «sans bureaucratie». Il soutient des immigrés en prison, «accusés souvent injustement d’avoir volé de l’argent à leurs patrons…», accompagne des personnes sérieusement malades et n’ayant pas les moyens de se soigner ou des enfants qui suivent un traitement contre le cancer, gratuit dans les hôpitaux koweïtiens.
Désormais, Mgr Ballin va également tenter de rassembler de l’argent auprès des communautés catholiques afin de financer la construction de sa cathédrale, tout en cherchant de l’argent à l’extérieur, en Europe et aux Etats-Unis. «Je mets en place dans chaque paroisse du vicariat un comité pour récolter des fonds pour la construction de la cathédrale, mais je n’attends pas de grandes sommes de ce côté-là…»
L’évêque veut faire de Bahreïn le centre de son diocèse pour deux raisons: d’une part le Royaume de Bahreïn est idéalement situé entre le Koweït et l’émirat du Qatar, à l’est l’Arabie saoudite, à laquelle il est relié par la chaussée du roi Fahd; d’autre part il est plus facile dans ce pays d’obtenir des visas «on-line» pour ses fidèles résidant dans la région du Golfe.
Et, cerise sur le gâteau: le souverain du Bahreïn, le roi Hamad ben Issa al-Khalifa, a fait don en février dernier d’un terrain de près de 9’000 m2, permettant la construction d’une église, qui sera la cathédrale «Notre-Dame d’Arabie». Le terrain offert est situé dans la zone de la compagnie pétrolière gouvernementale Bapco (Bahrain Petroleum Company B.S.C). Mgr Ballin vit actuellement seul, dans une petite villa, sans personnel pour faire vivre son immense vicariat, qui couvre une superficie cinquante fois plus étendue que la Suisse.
A côté de la villa, existe déjà une petite église pouvant accueillir une centaine de fidèles. Construite il y a une cinquantaine d’années par la Bapco, elle sert à tour de rôle pour les communautés catholique, anglicane et protestante.
«Mais rien que dans la zone, il y a un bon millier de catholiques, alors l’église est vite pleine à craquer et tout le monde ne trouve pas de place à l’intérieur». Un embryon de paroisse a pris forme autour d’Awali et un prêtre philippin est attendu pour la fin du mois de juin. Il s’occupera de la formation spirituelle des Philippins dans toutes les provinces du vicariat.
«Pour moi, le don de ce terrain de 9’000 m2 est le premier miracle accompli par ’Notre-Dame d’Arabie’… Cela signifie l’ouverture de Bahreïn aux autres, le respect pour le christianisme. Sans oublier le courage du roi, car 180 musulmans, sans doute des islamistes, lui avaient écrit en lui demandant d’annuler la promesse de nous offrir ce terrain!» Certaines Eglises protestantes – des petites communautés – ont été très étonnées de ce geste du roi, car elles avaient également sollicité un terrain, mais ne l’ont pas encore obtenu.
Présentant les plans, préparés gratuitement par le bureau de l’architecte Yousif Daoud Alsayegh – un chrétien irakien établi depuis des décennies dans le pays et ayant la nationalité bahreïnie – l’évêque missionnaire relève que, jusqu’à présent, il ne dispose d’aucun lieu pour rassembler les catéchistes, professeurs, directeurs d’école, religieuses et leaders de communautés actifs dans son diocèse. «La cathédrale pourra accueillir 2’000 fidèles, et la chapelle attenante 300 personnes. Juste à côté, dans le centre pastoral prévu pour les réunions, je prévois 60 chambres à deux lits, des bureaux, un parking souterrain, et au 4e étage, un appartement pour l’évêque et le personnel du vicariat».
Mgr Ballin est bien conscient que la réalisation de ce projet va prendre des années. Il ne peut guère attendre d’aide de son diocèse de Vicenza, car les diocèses italiens financent la reconstruction des églises détruites par le tremblement de terre en Emilie-Romagne en mai 2012. En attendant, en accord avec Yousif Daoud Alsayegh, pour le plan intérieur de l’église, il a contacté un architecte de Rome, spécialiste en matière liturgique. Ce membre du mouvement néo-catéchuménal, responsable pour les nouvelles églises du diocèse de Rome, a également accepté de travailler gratuitement. Mgr Ballin se dit confiant: il va bien trouver le reste du financement: «Nos prières ont été exaucées pour le terrain, Notre-Dame d’Arabie est bien capable de faire un autre miracle!» JB
Mgr Camillo Ballin, en tant que vicaire apostolique d’Arabie du Nord, est responsable de toutes les communautés catholiques vivant dans la région. La diversité des communautés, avec leurs rites propres, ne facilite pas la tâche de l’évêque, les fidèles restant davantage attachés à leur nationalité, à leur rite et à leur Eglise-mère qu’à la communauté catholique locale. C’est le cas notamment pour les chrétiens de rite oriental du Kerala, au sud de l’Inde, qui appartiennent aux Eglises syro-malabare et syro-malankare.
«Avec la forte tendance à se baser sur l’ethnie, il est difficile de former une véritable communauté rassemblant tous les catholiques. Les communautés se côtoient dans le même édifice, mais sans se mélanger… Je suis pourtant leur évêque à tous, par une décision du pape Jean Paul II en 2003, confirmée par le pape Benoît XVI en 2006. Comme évêque résident, de rite latin, j’ai l’autorité sur l’ensemble des rites catholiques. Mais il ne faut pas craindre une ’latinisation’ de ces communautés, qui gardent leur propre rite et ont chacune leur prêtre». Mgr Ballin cherche à créer un esprit d’unité au sein du clergé présent dans son diocèse, et c’est lui qui nomme les prêtres qui y sont engagés.
L’évêque estime que les Eglises qui mettent trop l’accent sur l’ethnie de leurs membres représentent un obstacle pour le développement de l’Eglise dans la région. S’il n’y a pas de statistiques officielles, le nombre de catholiques est estimé à 1,5 million en Arabie saoudite, à 350’000 au Koweït, au même nombre au Qatar, et à 100’000 au Bahreïn. Les travailleurs immigrés présents dans la Péninsule arabique proviennent principalement des Philippines, d’Inde, du Bangladesh, du Pakistan et du Sri Lanka, sans compter les chrétiens des pays arabes – Libanais, Palestiniens, Irakiens, Syriens ou Egyptiens. (apic/be)
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