Japon: La «boîte à bébé» de hôpital catholique de Kumamoto fait toujours débat
Kumamoto, 19 février 2013 (Apic) Depuis sa création en 2007 à Kumamoto, une ville de quelque 730’000 habitants dans le sud-ouest de l’île japonaise de Kyushu, la «boîte à bébé» de hôpital catholique de Jikei a recueilli un peu plus de 80 nourrissons et de très jeunes bébés. Mais ce système, qui permet à une mère de déposer anonymement son nouveau-né en vue d’une adoption future, fait toujours polémique.
Ce «berceau des cigognes» (en japonais «Konotori no Yurikago») est l’unique «boîte à bébé» du Japon. Il continue d’être l’objet de vives critiques en dépit du fait qu’il a permis à des enfants non désirés de trouver un foyer.
Au Japon, le système de l’accouchement «sous X» n’existe pas et le Code pénal prévoit une peine de cinq ans de prison en cas d’abandon d’enfant. La démarche initiée en mai 2007 par le Dr Hasuda Taiji, directeur de l’hôpital Jikei, avait d’emblée été accueillie par un certain scepticisme, voire une réelle hostilité de la part de ceux qui estimaient qu’un tel dispositif privait les enfants de la possibilité de connaître l’identité de leurs parents biologiques. Un peu plus de cinq ans plus tard, le Dr Hasuda estime cependant que le bilan est «positif», rapporte «Eglises d’Asie» (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris (MEP).
Sur les 81 bébés qui ont été placés dans la boîte depuis son installation, 37 vivent aujourd’hui auprès de leurs parents adoptifs ou de parents nourriciers, 27 ont été placés dans des centres d’accueil pour mineurs et les 17 restants sont élevés par leurs parents biologiques ou de proches parents de ceux-ci. Environ 10 % de ces enfants étaient atteints d’un handicap physique ou mental.
Au Japon, où l’adoption n’est pas très répandue et où est privilégiée l’adoption au sein de la famille ou du clan dont est issu un nouveau-né abandonné, les autorités font le maximum pour retrouver les parents ou au moins la mère des enfants abandonnés. C’est pourquoi l’hôpital Jikei a dû apporter quelques aménagements au dispositif initialement installé. Ainsi le site internet de l’établissement ne mentionne plus que «les parents peuvent déposer de manière anonyme leur bébé», dans la notice expliquant le fonctionnement du «berceau des cigognes».
Des fiches sont par ailleurs déposées dans la boîte pour inciter les parents qui déposent leur enfant à laisser leur identité et leurs coordonnées. De même, un interphone est situé à côté de la «boîte à bébé»» pour que celui ou celle qui y dépose un enfant puisse immédiatement entrer en relation avec une personne qui l’écoutera et la conseillera.
Sur les 81 bébés déposés ces cinq dernières années, les parents de 67 d’entre eux ont ainsi laissé leurs coordonnées. Cité par le grand quotidien japonais «Asahi Shimbun», un ancien membre du Centre de conseil infantile de la préfecture de Kumamoto explique que l’administration met tout en œuvre pour retrouver les «vrais parents» des enfants déposés à l’hôpital Jikei. Il avoue cependant que certains parents abandonnent leur enfant «pour des raisons égoïstes, telles que l’obtention d’un emploi ou un départ à l’étranger pour études».
Tajiri Yukiko est responsable du service des infirmières à l’hôpital Jikei. Elle explique que «le droit à connaître ses origines est certes important, mais il demeure que des enfants seraient morts ou auraient été abandonnés sans soins en l’absence d’une telle ›boîte à bébé’».
Dans un pays où l’avortement est une pratique très répandue, elle ajoute qu’afin de sauver des bébés, la possibilité de préserver l’anonymat des parents est nécessaire. «On pourrait croire qu’il est facile de déposer un bébé dans une boîte, mais en réalité les parents sont tourmentés par leur acte», précise-t-elle encore.
Pour le Dr Hasuda, 76 ans, l’existence d’une «boîte à bébé» dans son hôpital est une question intimement liée à son histoire de praticien. Gynécologue-obstétricien, il a commencé à travailler à l’hôpital Jikei en 1969. Il explique nourrir le plus grand respect pour les religieuses Franciscaines missionnaires de Marie qui géraient alors l’établissement.
«Je les ai vu passer des nuits entières au chevet de prématurés, témoigne-t-il. Plus tard, dans ma vie de médecin, j’ai connu des patientes qui frôlaient la mort après des hémorragies massives. Je ne pouvais m’empêcher de prier pour elles. Et il y a eu tant de fois où je ne pouvais expliquer le fait qu’elles aient survécu que par la grâce d’une intervention divine… C’est la raison pour laquelle, ma femme et moi, nous avons fini par demander le baptême en 1998».
Au sujet des nouveau-nés retrouvés abandonnés sans soins, le médecin explique avoir longtemps cherché une solution. En 2004, accompagné de la responsable des infirmières de Jikei, il se rend en Allemagne où il voit une «Babyklappe» installée quelques années auparavant. Séduit par l’expérience, il en rapporte l’idée et obtient des autorités de Kumamoto l’autorisation d’en installer une dans son hôpital et c’est en 2007 qu’est inauguré le «Konotori no Yurikago». (apic/eda/be)
webmaster@kath.ch
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/cinq-ans-de-prison-en-cas-d-abandon-d-enfant/