Tabou brisé
Allahabad (Inde), 9 février 2013 (Apic) Une centaine de membre d’une caste d’intouchables indiens ont pris part le 7 février 2013 aux bains rituels de la Maha Kumbh Mela aux côtés de prêtres hindous de la caste «supérieure» des brahmanes. La gigantesque célébration se déroule actuellement près de la ville d’Allahabad, au nord-est de l’Inde. Les participants ont ainsi brisé un tabou profondément ancré dans les mentalités indiennes.
Les Banghis, placés au plus bas de l’échelle des castes, sont devenus les premiers intouchables à partager avec des hindous des hautes castes ce moment de célébration.
Outre ce bain purificateur, le groupe de dalits, comme on appelle les intouchables en Inde, a été autorisé à séjourner dans les camps accueillant les foules de pèlerins. Ils ont ainsi pu partager les mêmes lieux de vie que des ascètes hindous et d’autres membres de groupes religieux de l’Inde, rapporte l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris, «Eglises d’Asie».
Les Bhangis forment une sous-caste située au plus bas de l’échelle sociale. En dépit de la suppression du système des castes inscrite dans la Constitution de l’Union indienne de 1950, la discrimination dont ils font l’objet reste très forte. Ils n’ont pas accès aux mêmes temples et aux mêmes puits que les autres castes. L’origine de la discrimination dont ils font l’objet tient à l’occupation dans laquelle ils sont cantonnés, à savoir la vidange quotidienne des latrines.
«C’était comme une renaissance», témoigne le Banghi Guddi Athwal. «Notamment lorsque des prêtres hindous parmi les plus importants du pays nous ont accueillis et acceptés comme faisant partie de la société hindoue.»
Les impressionnantes festivités de la Maha Kumbh Mela voient les tenants les plus extrémistes de l’hindutva (’hindouité’) déployer leur activisme militant. Des initiatives surgissent parallèlement qui visent à insuffler un plus grand esprit d’égalité au sein de la célébration. A l’origine du bain rituel de ce groupe de Bhangis aux côtés de brahmanes, se trouve Bindeshwar Pathak, un sociologue, brahmane lui-même et ardent promoteur de leur cause.
Le sociologue est connu dans toute l’Inde pour l’action menée par l’ONG qu’il a fondée en 1970, «Sulabh International Social Service Organization». Il a mis au point de manière très concrète un système de toilettes afin de supprimer les latrines sèches et améliorer les conditions sanitaires des habitants. L’ONG a installé 7’000 toilettes publiques et 1,2 million de toilettes privées, tout en apprenant aux Bhanghis d’autres métiers pour leur permettre de changer de vie et de profession.
«L’idée derrière ce bain partagé est de permettre aux Banghis de progresser sur l’échelle sociale», a expliqué Bindeshwar Pathak.
Ouverte le 14 janvier dernier, la Maha Kumbh Mela s’achèvera le 10 mars prochain. A cette date, le plus important pèlerinage de la religion hindoue aura sans doute mis en marche quelque 100 millions de personnes.
La Kumbh Mela se tient tous les trois ans. Selon les Puranas, textes sacrés hindous de langue sanscrite, quatre lieux en Inde (Haridwar sur le bord du Gange, Ujjain sur le bord du Kshipra, Nashik sur le bord du Godavary, Allahabad à la confluence du Gange, de la Yamuna et du Saraswati) correspondent à des gouttes d’un nectar d’immortalité tombées sur la terre, échappées d’une cruche que dieux et démons se disputaient entre eux.
Les hindous croient que le bain pris dans le fleuve durant les jours prescrits les purifie de leurs péchés. Si la Kumbh Mela se tient tous les trois ans, la Maha (grande) Kumbh Mela a lieu tous les douze ans et constitue très certainement le plus grand rassemblement d’êtres humains que connaît la planète. (apic/eda/rz)
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